« Elle vous dit : la maison est sur les hauteurs, perdue dans les bois. Suivez-moi. Conduisez doucement car le chemin est mauvais. Elle est devant, seule dans sa voiture. Vous, vous êtes derrière, dans une autre voiture. La route, c’est une route du midi de la France, l’heure c’est loin dans la nuit. Le ciel est noir et bleu. Une cendre bleuie avec des étoiles grésillant par-dessous, attisées par un vent insensé, violent, un vent fou furieux. Vous quittez bientôt la route pour un chemin en pente, n chemin de misère qui tutoie les étoiles. Enfin la maison, massive, serrée à ses flancs par les chiens du vent fou. Vous y entrez pour y trouver aussitôt une fraîcheur et une amitié. La fraîcheur, c’est celle des vieilles pierres, des escaliers en bois, des pièces creuses et rondes comme un ventre, comme une fable. L’amitié c’est celle d’une parole, la parole de cette jeune femme qui vous donne asile pour cette nuit. Elle vous parle d’elle c’est-à-dire de ceux qu’elle aime. Nous somme faits de cela, nous ne sommes faits que de ceux que nous aimons et de rien d’autre. »
Christian Bobin, extrait de L'inespérée