Un chêne est ce qu'il est ; un renard est ce qu'il est. Les plantes et les animaux n'ont pas cette conscience qui leur permet de se voir de l'extérieur et de se comparer avec d'autres. Le chêne ne se dit pas qu'il est plus beau que le noisetier ; le renard ne se juge pas supérieur au lapin. C'est pourquoi nous aimons nous promener dans la nature; elle nous parle en silence de la présence pure et de la tranquillité de l'être.
Mais les êtres humains sont différents : ils sont conscients d'eux-mêmes pour le meilleur et pour le pire. Le pire c'est que nous nous regardons à partir du point de vue des autres; nous nous voyons de l'extérieur. Ainsi bien que nous ayons un Soi, nous l'abandonnons au profit d'un moi-qui-est-vu-par-les-autres. Et ainsi se creuse au coeur de nous-mêmes un abime entre notre vrai Moi et ce que nous croyons être.
Dès lors nous ne sommes jamais en paix car nous errons constamment entre l'intérieur et l'extérieur, entre l'ici et l'ailleurs, entre la liberté et la dépendance, entre le fait d'être soi tout simplement et le fait de se comparer constamment aux autres. Et vient un moment où nous oublions complètement notre vraie nature centrale au profit de notre apparence périphérique. Nous quittons notre Royaume pour l'exil.
Essayer de se saisir de l'extérieur est une tentative vaine et folle : c'est comme si je sautais de la chaise où je me trouve pour aller à l'autre bout de la pièce pour tenter de me voir. Mais si je regarde, je ne vois rien sinon une image mentale, des pensées, des croyances .. Le philosophe japonais Masao Abe compare cette tentative à celle d'un serpent qui se mange la queue. Le résultat de cette entreprise menée jusqu'au bout c'est que le serpent disparait en s'avalant tout entier.
Et peut-être que cette folie de nous regarder de l'extérieur va nous conduire aussi à disparaitre, avaler par notre propre egocentrisme!
Mais nous pouvons sortir de cette dépendance en revenant au centre de nous-même, en nous éveillant à ce que nous sommes vraiment, ni plus ni moins. Il s'agit de revenir à une Base que nous n'avons jamais en réalité jamais quittée.
jlr