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Roland Barthes; linguistique… et toc

Publié le 11 octobre 2015 par Savatier

BarthesLe Roland Barthes sans peine (Chiflet et Cie, 128 pages, 13,50 €) de Michel-Antoine Burnier et Patrick Rambaud est un petit livre iconoclaste qui se présente comme la synthèse forcément anachronique du Lacan dira-t-on de Corine Maier et du Jourde et Naulleau. Forcément anachronique puisque cet ouvrage, réédité aujourd’hui, sortit en librairie en 1978, c’est-à-dire trente ans avant les deux autres. Avec le premier, il partage l’exploration pleine d’un humour judicieusement vitriolé du langage du maître structuraliste, souvent abscond ; avec le second, il partage la méthode, qui inclut leçons facétieuses et exercices hilarants.

Le verbe de Barthes - dont on célèbre cette année le centenaire de la naissance - est comparable à la « langue des oiseaux » des alchimistes, seuls les initiés restent en mesure de le comprendre. Si certains de ses textes, lus au théâtre par Fabrice Luchini, prennent une réelle saveur, d’autres réservent au lecteur hardi qui s’y serait aventuré une opacité digne des philosophes fumeux tendance « sous-Heidegger ».

Burnier et Rambaud proposent, en 18 leçons, de dissiper les ombres. Ils fournissent des « éléments de conversation », dévoilent les règles auxquelles l’idiome obéit et qui sont nombreuses, mettent à jour la structure du discours, offrent des travaux pratiques (thèmes et versions heureusement accompagnés de leurs corrigés) et fournissent, en fin de volume, des « morceaux choisis » dans lesquels on reconnaitra un florilège de pastiches, spécialité Rambaldienne dont Marguerite Duras fit jadis les frais.

Bien sûr, car tel est la loi du genre, les deux compères forcent le trait. On pourrait le penser lorsque « Que faites-vous dans la vie ? », question parfaitement intelligible, devient en Barthes : « Quelle "stipulation" verrouille, clôture, organise, agence l’économie de ta pragma comme l’occupation et/ou l’exploitation de ton ek-sistence ? »

Pourtant, la sélection d’extraits de presse et d’ouvrages qui ouvre le livre tend à prouver que beaucoup emploient « le Barthes » pour, ajoutent-ils malicieusement, « mieux se faire comprendre »... A titre d’exemple, on retiendra ce texte, d’un pasteur protestant : « Volontiers, j’accepterai de reconnaitre la présence de scories dans le métal biblique. Sinon, nous transformons sa véracité en infaillibilité textuelle », ou cet autre, d’un sartrien : « La métaphore/métonymie consiste donc à substituer à une présence inerte, indiscernable, le jeu de la présence/absence, du montrer/cacher, du révéler/déguiser. »

Peut-être les adorateurs du maître grinceront-ils les dents devant cette satire aussi drôle que réussie. Il est de moins en moins dans l’ère du temps, surtout en période de commémoration, de railler les idoles. Raisons de plus pour se plonger dans ces pages dont le vent léger fait vaciller la statue du Commandeur.


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