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Recoller les morceaux

Par Tsilia
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J’ai cru que c’était terminé. Qu’une mauvaise fée s’était penchée sur elle, et me l’avait ensorcelée pour toujours. J’ai cru que mon ange devenait un petit diable.
J’ai cru que je ne savais plus être sa Maman. Que je ne la comprenais plus, que ce n’était plus mon Bébé.
J’ai voulu m’enfuir cent fois. Mais je suis restée.
J’ai lutté contre moi, contre ma colère, contre mes pulsions. J’ai combattu ma fatigue, ma lassitude, mon stress. J’ai fermé la porte à clef pour être sûr de ne pas courir loin d’elle.
J’ai testé dix mille trucs. Je me suis plantée dix mille fois.
Sauf une !
Un jour, j’ai enlevé son lit à barreaux, j’ai posé son matelas au sol. J’ai bougé tous les meubles. De son matelas, j’ai fait un cocon, entre un mur et une armoire.  J’y ai mis ses peluches, ses poupons, un drap tout doux.
J’ai grondé, fermement, mais calmement, retenant les cris en moi. J’ai dis “maintenant ça suffit, tu dois faire dodo” et aussi “c’est soit dans le lit parapluie soit dans ton nouveau lit”. Elle a dit “non”, elle m’a montré le canapé. J’ai dit “non”.
Je l’ai laissé pleurer 35 minutes dans son lit parapluie. J’y ai perdu quelques morceaux de cœur. Puis je suis revenue. J’ai expliqué à nouveau “le dodo c’est dans ton lit ici ou sur ton nouveau lit”. Elle a montré son nouveau lit.
Je l’ai prise, on a fait un gros câlin pour recoller les morceaux de nos cœurs.
Je l’ai posée sur son matelas. J’ai murmuré “je reste avec toi jusqu’à ce que tu fasses dodo”. Elle m’a suppliée d’un “oui” qui m’a fendu en deux. J’ai remonté le drap sur elle, collé ses peluches et ses poupons contre elle. J’ai goupillé la tétine. Je me suis allongée près d’elle. Je lui ai parlé tout bas, j’ai déposé des centaines de baisers sur ses joues, sur son front. J’ai caressé ses cheveux.
J’étais mal. Le carrelage était froid, la climatisation me soufflait dessus, et j’avais envie de faire pipi.
Mais, je l’ai vu lâcher prise. Je l’ai entendu susurrer “maman, maman, maman”. Elle a fermé les yeux, enroulé ses cheveux autour de ses petits doigts. Et elle s’est endormie.
J’ai rampé sur le carrelage, puis sur le tapis, puis derrière la porte. Je l’ai fermée. J’ai attendu 10 secondes, et puis j’ai respiré.
J’ai respiré ! Comme je ne le faisais plus depuis 3 semaines.
Finalement, je suis bien sa Maman.
J’ai bien fait de ne pas m’enfuir.
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PS : Tout n’est pas réglé, loin de là. Les terreurs nocturnes sont encore présentes. Chaque nuit, à 02h43 tout pile, elle atterrit dans notre lit. Elle a besoin de moi, de me voir tout le temps, de me sentir. Elle s’angoisse vite, et a peur de tout. Mais, elle refait quelques siestes en journée. S’endort sur son matelas. Elle s’apaise, doucement. Et elle sourit. Et c’est tout ce dont j’ai besoin.

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