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(note de lecture) Pascal Boulanger, "Guerre perdue", par Brigitte Donat

Par Florence Trocmé

Fidèle à l’affirmation heideggerienne selon laquelle la poésie est le fondement même de l’histoire, Pascal Boulanger révèle dans Guerre perdue, une vision eschatologique des faits humains. Creusant inlassablement et toujours plus profondément la veine de ses précédents recueils dans lesquels la violence et la barbarie intrinsèques à l’histoire sont dévoilées, Tacite (Flammarion) et Au commencement des douleurs (Corlevour), le poète livre dans ce nouvel opuscule des poèmes tableaux inspirés par le violent pathos de la vie médiévale. Sensible à la justesse du détail, c’est à la manière d’un archéologue que l’auteur, avec un sens aigu de la concision, sait ranimer des pratiques ancestrales et les faire émerger au fil des pages jusqu’à les rendre atemporelles, mystérieusement conjointes à notre actualité.  
Un bestiaire humain surgit de manière hiératique épousant notre condition :  
 
En dépit de nos murailles  
nous avons succombé à l’assaut  
nous avons vu nous avons entendu  
des enfants embrochés sur la pointe des lances 
& des mères lancer des cris 
en fourrés d’épines. 
 
Travaillé à la Rembrandt ou comme pour une nature morte par le clair-obscur, chaque poème composé d’une strophe est une scène, dont les mouvements même se figent dans une immobilité silencieuse. Les vers libres parfaitement contenus et ciselés s’imposent à notre méditation de manière grave, jouant le miroir de notre misère indéfectible, mais aussi de manière détachée ou lumineuse, la grâce venant parfois éclairer un bord du tableau. 
Poèmes épitaphes, profondément gravés dans le blanc vertige abyssal de la page, ils sont plus inscrits qu’écrits, car ils consacrent une fin sur laquelle pèse un caractère définitif. La guerre est bien perdue mais le poème souverain, de ce mal, semble se grandir, imposant son ordonnance, sa beauté. 
 
Je n’ai plus le souvenir de la mort 
quand je m’enfonce dans la pénombre 
prier parmi la clarté des cierges 
& quand dehors des jardins tirent 
du miel & des roses d’un tas de pierres. 
 

Brigitte Donat 
 
Pascal Boulanger : Guerre perdue (Passage d’encres, coll. Trait court) 


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