Alhambra21, rue Yves Toudic75010 ParisTel : 01 40 20 40 25Métro : République / Jacques Bonsergent
Ecrit et interprété par Dominique Baird-Smith, David Benadon, Jean-Philippe Buzaud, Sigrid La ChapelleMis en scène par Alain GautréDirection artistique de Sigrid La ChapelleDécors de Sigrid La ChapelleLumières de Sabine BelottiCréation musicale de David BenadonCostumes de Julie Calange, Véronique Vigneron, Haruka Nagaï
Présentation : Déjanté et poétique, un spectacle irrésistible au carrefour des arts de la scène : Une échappée jubilatoire vers l’imaginaire, à découvrir en famille !Tour à tour fakirs, magiciens, danseurs, tennismen, dresseurs d’animaux, camelots ou oiseaux de proie, les Mangeurs de Lapin tentent désespérément d’éblouir le public par d’improbables numéros de cirque et de music-hall.Sous le regard blasé d’un musicien stoïque, ces sympathiques escrocs nous mènent en bateau de l’Inde à l’Ecosse en passant par la savane et le Médoc et se révèlent être d’authentiques virtuoses du rire et de l’absurde.
Mon avis : « Que c’est beau un vol de raquettes, le soir, à l’Alhambra !... »Voici la réflexion saugrenue que je me suis faite en assistant, enchanté et médusé, à un époustouflant numéro de jonglage effectué par Dominic Baird-Smith avec des raquettes de tennis… Mais mes sensations en découvrant le spectacle des Mangeurs de Lapin ne se réduisent pas à cette performance. Pendant les trois-quarts du temps, je me suis trouvé en état d’émerveillement. J’étais comme le gamin d’une dizaine d’années qui se trouvait deux rangées devant moi : il était debout, les yeux écarquillés, la bouche tour à tour grande ouverte soit pour marquer son étonnement, soit pour laisser éclater un rire frais. Son bonheur faisait plaisir à voir. Il n’y avait d’ailleurs plus d’adultes dans la salle, il n’y avait que de grands enfants prompts à s’extasier devant les pitreries de ces quatre énergumènes lapinophobes. Les Mangeurs de lapin, il faut les voir pour y croire. Quel cirque !
Dans la note de présentation, on évoque leurs « improbables numéros de cirque ou de music-hall »… Mais, devant le résultat, on n’ose imaginer combien d’heures de travail et de répétitions il leur a fallu pour les rendre aussi remarquablement « improbables » ces numéros tant ils exigent de précision.Le spectacle commence par un étourdissant exercice de volubilité qui va donner le ton à la suite. Le mot qui les définit tout au long de ce show (show lapin ?) est « virtuosité ». Virtuosité verbale, virtuosité gestuelle, et virtuosité musicale. En effet, David Benadon est un remarquable musicien multi-instrumentiste (piano, guitares, batterie, trombone à coulisse…) qui va scander, accompagner et illustrer le spectacle de ses compositions variées et colorées.
Poses grotesques, effets (très) spéciaux, blagues potaches, bruitages, autodérision, animaux sur scène, magie… tous les numéros sont présentés d’une façon volontairement affectée par un bateleur le plus souvent dépassé par les événements (Jean-Philippe Buzaud, excellent dans le maniement subtil du second degré et les postures théâtrales)… Dans cette auberge espagnole du rire et du burlesque, on trouve évidemment de tout. Nous sommes en décalage permanent. Il pleut des trompes d’eau, alignements de cornacs, cycliste gonflé dans tous les sens du terme, roulements de tambour pour annoncer un numéro aux pommes, musique romantique pour imager l’expression « ramasser une veste » au sens propre…
Pour moi, cinq numéros, particulièrement inventifs et réussis, nous font passer un vrai grand moment. Dans mon ordre préférentiel, je mets en première position l’invraisemblable jeu à quatre mains et la séance de lévitation d’un fakir forcément lamentable (formidable composition visuelle de Sigrid La Chapelle) que je subodore être un hommage appuyé au fameux sketch de Pierre Dac et Francis Blanche, le Sâr Rabindranath Duval… Ensuite, je place le numéro de jonglage précité exécuté par un Ecossais pas avare de son talent… Puis, à égalité, le tableau pachydermique et celui intitulé « Le toucan du Médoc », un numéro haut perché dont je vous laisse la surprise… Et puis, j’ai vraiment apprécié le pitoyable ballet exécuté (cette fois dans le sens létal du mot) par le duo La Chapelle/Buzaud. Ce dernier, par ses mimiques et ses manières m’a fait furieusement penser à Benny Hill, ce qui n’est pas le moindre des compliments.
Comme dans le cochon, tout est bon chez Les Mangeurs de Lapin. Il y a des morceaux plus nobles et plus goûtus que d’autres, mais tout est très comestible. Si on a mal au ventre en sortant de l’Alhambra, ce n’est pas pour des problèmes de digestion lourde, au contraire, c’est d’avoir trop ri. Car rire beaucoup, de bon cœur et avec une spontanéité toute juvénile, ça rend vraiment léger.
Gilbert « Critikator » Jouin