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[Critique] CRIMSON PEAK

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] CRIMSON PEAK

Titre original : Crimson Peak

Note:

★
★
★
½
☆

Origine : États-Unis
Réalisateur : Guillermo del Toro
Distribution : Mia Wasikowska, Tom Hiddleston, Jessica Chastain, Charlie Hunnam, Jim Beaver, Burn Gorman, Leslie Hope, Doug Jones…
Genre : Épouvante/Horreur/Drame
Date de sortie : 14 octobre 2015

Le Pitch :
À l’aube du siècle dernier, Edith Cushing vit seule avec son père, à Buffalo, dans l’état de New York. Nourrissant l’ambition de devenir écrivaine, la jeune femme doit aussi composer avec un sens inné, qui lui permet de voir les fantômes. Un jour, alors qu’elle fait la connaissance du charmant Sir Thomas Sharpe et de sa sœur, sa vie change du tout au tout. Éperdument amoureuse, elle accepte de tout quitter pour suivre le gentleman britannique sur ses terres, dans le manoir dont il a hérité et qu’il s’efforce de conserver, malgré de sérieux problèmes d’argent. Au grand désespoir de son ami d’enfance, le docteur Alan McMichael, elle traverse l’Atlantique et se retrouve dans une demeure aussi impressionnante que délabrée, dont elle ne va pas tarder à rencontrer les autres résidents. Des entités qui vont essayer de la mettre en garde…

La Critique :
Voici enfin le nouveau film du prodigieux Guillermo del Toro. Une œuvre que beaucoup aiment depuis l’annonce de sa mise en chantier, et que certains se sont empressés tout aussi rapidement de détester. Le réalisateur ne fait pas partie de ceux qui laissent indifférent et même si son fort contingent de fans lui assure un soutien sans faille, sa notoriété lui permet aussi de pouvoir « compter » sur des détracteurs assez virulents. Quoi qu’il en soit, on ne parle que de son Crimson Peak depuis plusieurs mois et ce dernier figurait en toute logique sur la liste des plus grosses attentes de 2015. Maintenant qu’il est là, que vaut-il ? Qu’est-ce que cet espèce de retour aux sources annoncé donne, maintenant que del Toro n’est plus seulement ce jeune cinéaste talentueux, capable d’instaurer une véritable angoisse, mais aussi de distiller un vrai discours comme il a pu le faire avec L’Échine du Diable, mais un maître proclamé que beaucoup considèrent comme l’un des plus doués de sa génération.

 Crimson-Peak-Jessica-Chastain-Tom-Hiddleston

Dès le départ, plongé dans une ambiance gothique qui célèbre la déliquescence de l’époque Victorienne, Crimson Peak clame haut et fort ses références en voyant son héroïne rétorquer, lorsqu’on la compare à Jane Austen, qu’elle s’envisage plus comme une Mary Shelley (l’auteur de Frankenstein). Le ton est donné. Pas de la plus fine des façons, mais quand même. Edith n’est pas une jouvencelle sans défense, mais une sorte de féministe avant l’heure, dont le caractère bien trempé, lui confère une aura en somme toute particulière. Surtout aux yeux du bel inconnu venu de la vieille Europe, incarné ici par Tom Hiddleston. Un gentilhomme tout ce qu’il a de plus séduisant, mystérieux également, capable de briser les défenses de l’aspirante écrivaine pour l’emporter loin de chez elle. Le romantisme est appuyé. Les références sont limpides et tous les codes du genre sont plus ou moins respectés à la lettre. Après les bastons homériques entre les robots et les aliens gigantesques de Pacific Rim, del Toro laisse parler des sentiments nobles et des conventions d’un autre âge il est vrai très cinématographiques. Les fantômes que nous attendons tous, le metteur en scène nous le dit par l’entremise de son héroïne, ne sont que des métaphores. Jamais le film ne contredira cet état de fait.
Heureusement, cela ne veut pas dire que Crimson Peak ne sait pas faire place à l’épouvante. Au début avec parcimonie, bien qu’il débute sur une note assez effrayante, puis de manière plus appuyée, dès qu’Edith et Thomas arrivent dans le manoir. Là débute la seconde partie du long-métrage et avec elle la montée en puissance d’une épouvante plus prononcée.

Visuellement, Crimson Peak est peut-être l’œuvre la plus aboutie de del Toro. La plus belle en tout cas. Épaulé par la photographie somptueuse de Dan Lausten (qui était déjà sur Mimic), le cinéaste présente un univers spectaculaire, dont la clé de voûte n’est autre que cet incroyable manoir. Un bâtiment majestueux, à lui seul vecteur d’une angoisse croissante dont la montée en puissance semble calée sur la découverte progressive des nombreuses pièces, dont certaines cachent des secrets aussi cruciaux qu’inavouables. Avant Edith, Thomas et les autres personnages humains ou fantômes qui le peuplent, la maison est la véritable héroïne du film. Un peu comme Robert Wise avec La Maison du Diable, le papa de Hellboy fait de son décors principal l’attraction maîtresse de son histoire. Extrêmement soigné, l’environnement regorge de détails fabuleux. En cela, Crimson Peak mérite de nombreuses visions, ne serait-ce que pour apprécier pleinement le travail accompli. De la cave au grenier, le « château » perdu sur un champ d’argile fait souffler à lui seul un lyrisme palpable, qui fait plus que servir de toile de fond au récit, mais vient donner un vibrant écho à ses thématiques. Paradoxalement, à côté, l’histoire paraît un peu faiblarde. Souvent trop théâtral, le long-métrage semble vouloir coller de trop près aux canons des films en costumes tels qu’ils sont envisagés généralement, quitte à, de temps en temps, sombrer dans un grotesque involontaire un peu gênant. Éventant son espèce de twist assez rapidement, Crimson Peak se contente par la suite d’illustrer, certes majestueusement, un dénouement un poil laborieux. Difficile sans ces conditions de ne pas se dire que si Guillermo del Toro est un maestro de l’image, sa capacité à écrire de solides histoires, n’est pas aussi fiable. Sans être déshonorant, le scénario de son dernier film enchaîne les dialogues un peu insipides et les situations appuyées, tout en peinant à passionner sur la longueur. Fatalement, la peur prend un peu l’eau, de même que l’émotion censée surgir. Et ce n’est pas la fin et son déferlement de violence (qu’il est ardu de ne pas trouver un peu bancal) qui aident à quitter la salle avec une réelle bonne impression.

Heureusement, si le dénouement laisse sur sa fin, avec ses partis-pris étranges, et si le script, dans sa globalité, ne parvient jamais à sortir de l’ombre de ses références trop avouées, le film dégage une vraie puissance évocatrice qui excuse beaucoup. Les comédiens, parfois victimes des dialogues trop sages et attendus, sont également tous très bons, à commencer par l’impressionnante Jessica Chastain, et sa composition vraiment intense de bout en bout. Plus en phase avec l’idée que l’on se fait d’elle, Mia Wasikowska fait le job avec classe, tandis que Tom Hiddleston laisse parler un charisme assez spectaculaire, dans la tonalité parfaite pour coller avec le tableau d’ensemble. Enfin, Charlie Hunnam, ex-fils de l’anarchie de Kurt Sutter et ex-combattant de Kaijus, est parfait lui aussi, plus vulnérable, mais hors de sa zone de confort, ce qui lui va plutôt bien et permet d’entrevoir une autre facette de son jeu.
Ensemble, ils évoluent sous le regard malveillant du manoir. Ce fabuleux décors de cinéma, au centre d’une succession d’images dont la beauté coupe le souffle en permanence. Dans les sombres couloirs, les fantômes en images de synthèse, installent une peur faisant directement référence à tout un pan du cinéma d’antan, de la Hammer au Giallo italien, et tant pis pour les quelques effets étrangement loupés, car globalement, tous se montrent à la hauteur de l’attente suscitée.
Crimson Peak n’est alors peut-être pas le chef-d’œuvre espéré. Ceci dit, Guillermo del Toro ne semble d’ailleurs pas prétendre à un tel statut, lui qui nous conte une histoire simple, pleine d’amour et de douleur, au sein de laquelle le romantisme, comme bien souvent, se heurte à la mort. Il nous livre un film d’horreur somptueux qui si il n’évite pas tous les pièges, respecte son public et a le bon goût de ne pas être opportuniste. del Toro accepte les codes du genre auquel il a déjà offert de grands moments de cinéma. Plus mineur, moins viscéral et moins lourd de sens que Le Labyrinthe de Pan et L’Échine du Diable, Crimson Peak reste néanmoins, dans sa forme, remarquable sur bien des points, et installe quoi qu’il en soit un peu plus del Toro au panthéon des meilleurs faiseurs d’images de notre temps.

@ Gilles Rolland

Crimson-Peak-Tom-Hiddleston-MIa-Wasikowska
Crédits photos : Universal Pictures International France


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