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Marguerite, hommage captivant à la dramaturgie lyrique

Par Rémy Boeringer @eltcherillo

Marguerite, hommage captivant à la dramaturgie lyrique

Avec Marguerite, son sixième long-métrage, Xavier Giannoli signe une œuvre protéiforme où la primeur de la comédie cède vite le pas à un thriller aux allures de manifeste dadaïste. Véritable surprise, cette fable amorale subjugue le spectateur de bout en bout à mesure que la noirceur de son propos envahit l’écran.

Marguerite Dumont (Catherine Frot), riche héritière, s’ennuie profondément auprès de son mari, Georges Dumont (André Marcon) qui l’a épousé principalement pour son argent en échange de son titre aristocratique. Pour combler son manque d’amour, elle s’adonne à sa passion, le chant lyrique avec plus ou moins de bonheur.

Marguerite, hommage captivant à la dramaturgie lyrique
Marguerite Dumont (Catherine Frot)

Marguerite possède une force évocatrice, poétique, envoûtante, relativement rare de nos jours. Giannoli y excelle dans le mélange dosé et savant des genres. Habité, tout autant que hanté, par des personnages haut en couleurs, le long-métrage distille un comique de geste dans lequel affleure les détails du drame à venir. Autour de la Marguerite innocente s’agitent les consciences que tant de candeurs, au choix, exaspère ou intrigue. De sombres desseins sont à l’œuvre. Marguerite, c’est une métaphore à peine voilée sur la fin de l’innocence. En des temps troublés, au début des années vingts, l’histoire de Marguerite devient le reflet du mouvement dadaïste et des ambitions anarchistes, plus fortes que jamais, après la grande guerre fratricide. On rit souvent, à gorge déployée, grâce à une Catherine Frot irrésistible en chanteuse d’opérette et au jeu tout aussi baroque de Michel Fau en professeurs de chant désabusé. Derrière la comédie, comme à l’opéra et au théâtre, se cache souvent une critique sociale acerbe.

Marguerite, hommage captivant à la dramaturgie lyrique
Lucien Beaumont (Sylvain Dieuaide), Kyril Von Priest (Aubert Fenoy) et Hazel (Christa Théret)

Dans la veine de Molière, Giannoli use des artifices comiques pour mieux dénoncer les errements de l’âme humaine. Georges Dumont, que son mariage de raison ne satisfait pas, varie du mari condescendant et adultère à l’époux aimant et tourmenté. Lucien Beaumont (Sylvain Dieuaide), critique d’art et Kyril Von Priest (Aubert Fenoy), dadaïste aux sympathie anarchiste se donnant un accent italien pour plus de panache, vont faire de Marguerite, une œuvre d’art humaine dont il vont disposer à son corps peu défendant. A l’inverse, Madelbos (Denis Mpunga), son domestique entretient avec elle une relation d’estime, la soutenant dans sa démarche désastreuse, personne n’osant dire à la baronne que sa voix est un supplice.La force de Marguerite est de brouiller les cartes avec suffisamment de génie pour que l’on ne sache plus qui, de tout son entourage, tirent les ficelles en réalité. Car Marguerite, au-delà de son aspect burlesque est avant tout un véritable hommage à l ‘opéra et à la verve dramatique qui habita les productions romantiques. Les spectres de Puccini et Bellini flottent au-dessus de l’intrigue comme des parrains illustres.

Marguerite, hommage captivant à la dramaturgie lyrique
Georges Dumont (André Marcon)

Marguerite est une réussite incontestable, à la fois drôle et profondément tragique, dérangeant et passionnant. Ici, nul besoin de Callas pour donner ses lettres de noblesses à Casta Diva. Toute la dramaturgie propre à l’opéra, les complots, les manipulations, les amours contrariées ou impossible, sont rendus fidèlement dans cet hommage magnifique de Xavier Giannoli. La galerie de protagonistes marginaux, chacun à leur façon, permet de donner du corps et du cœur à l’ambiance très particulière du film. Il y a tout les ingrédient nécessaires à nous prendre aux tripes. Marguerite est avant tout intimement émouvant.

Boeringer Rémy

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