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Crimson Peak, quand l’esthétique ne suffit plus à rehausser une narration banale…

Par Rémy Boeringer @eltcherillo

Crimson Peak, quand l’esthétique ne suffit plus à rehausser une narration banale…

Avec Crimson Peak, Guillermo del Toro revient à ses premiers amours, l’épouvante et le fantastique. Un retour attendu par les fans après un Pacific Rim, un brin trop kawaii si l’on ose dire, qui ne combla pas les attentes de tout le monde. Malheureusement, le réalisateur mexicain livre une œuvre au style victorien, dont l’influence à peine cachée est principalement celle de Mary Shelley, et qui, bien que magnifiquement mise en scène, se révèle somme toute assez banale. On est loin de inattendu qui nous avait émerveiller, fait rêver et inquiéter à l’époque du Labyrinthe de Pan.

Au début du XXème siècle, Édith Cushing (Mia Wasikowska), héritière d’un riche magnat de l’État de New York, Carter Cushing (Jim Beaver), vit seul avec son père depuis la mort de sa mère. Celle-ci vient lui rendre visite sous forme spectrale (Doug Jones) et lui intime de « prendre garde à Crimson Peak ».

Crimson Peak, quand l’esthétique ne suffit plus à rehausser une narration banale…
Edith Cushing (Mia Wasikowska)

Dans Crimson Peak, de la demeure américaine au manoir délabré du fin fond de l’Angleterre, chaque recoin semble pensés pour évoquer les zones d’ombres de l’indicible. Les couleurs chaudes détonnent avec la froideur des milieux bourgeois que décrit le film. Sous les apparences, le soin mis à présenter des décors au premier abord très chic mais où l’on perçoit des signes de décrépitude, laisse apparaître le vernis d’une société sclérosée. L’élégance visuelle de Crimson Peak s’établit dans les contrastes notamment dans la deuxième partie entre la blancheur immaculée de la neige qui ramène à l’héroïne, pénétrant même l’intérieur délabré du manoir, et la carrière de pigments rouges sangs appartenant à ses hôtes, dans laquelle la demeure s’affaisse inexorablement. Même dans la violence, le traitement reste très graphique, les fantômes apparaissant tels qu’ils sont morts, dans une sorte de négatif fantomatique, où les effluves de sang continue pour l’éternité comme pour marqué plus profondément leurs tourments.

Crimson Peak, quand l’esthétique ne suffit plus à rehausser une narration banale…
Sir Thomas Sharpe (Tom Hiddleston) et Lady Lucille Sharpe (Jessica Chastain)

Toutefois, si l’on met de côté cette perfection graphique, tant au niveau des décors de Thomas E. Sanders, des costumes de Kate Hawley que de la photographie de Dan Laustsen, il ne reste pas grand-chose à offrir pour Crimson Peak. Certes l’interprétation des acteurs n’est pas en reste mais aucun n’arrive à percer notre cœur par une émotion pure. La faute, sûrement, à un scénario téléphoné et à une direction d’acteur abandonnée au dépend du style. Seul Carter Cushing, le père, reste au-dessus de la mêlée. Très tôt, l’on peut comprendre les tenants et les aboutissants du script et même soupçonner assez facilement les véritables liens entre les protagonistes. Ainsi, on n’est n’y choqué ni ému par la découverte dérangeante conçue comme le climax du film. Crimson Peak échoue à provoquer le dégoût du spectateur qui a vu les choses arrivés de trop loin. Le thème dérangeant du film tombe à l’eau. Usant de thème usé jusqu’à la corde, del Toro ne nous réserve aucune surprise. Ainsi, l’interdiction d’accéder à certaines pièces fait inévitablement pensé à une histoire du type du conte de Barbe Bleue.

Crimson Peak, quand l’esthétique ne suffit plus à rehausser une narration banale…
Docteur Alan McMichael (Charlie Hunnam) et Edith Cushing (Mia Wasikowska)

S’il n’innove pas d’un point de vue technique, del Toro aurait pu surprendre du point de vue de la narration. Nous sommes sortis de la salle avec un goût d’inachevé. Pourtant, nous sommes convaincus que le réalisateur a la patte des plus grands. A l’image d’un Carpenter à la carrière pléthorique et toujours surprenante, peut-être devrait-il apprendre à se réinventer. Après cette petite déception, nous attendons avec impatience son adaptation des Montagnes hallucinées de Lovecraft.

Boeringer Rémy

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