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Seul sur Mars, de Ridley Scott

Par La Nuit Du Blogueur @NuitduBlogueur

Note : 3,5/5 

   Dire que Seul sur Mars n’est pas alléchant serait mentir. En effet l’histoire « robinsonnienne » de Mark Watney, obligé de survivre sur la planète rouge alors que ses collègues le croient morts et sont obligés de partir précipitamment, a de quoi nourrir quelques espoirs cinématographiques. D’autant plus qu’aux manettes de ce nouveau blockbuster spatial se trouvent quelques spécialistes dont certaines œuvres laissent envisager que Seul sur Mars a toutes les qualités pour être un bon film. Il faut dire que Ridley Scott est tout de même le réalisateur de Alien et de Blade Runner, deux films qui constituent des sommets de la science-fiction terrestre et spatiale. Drew Goddard, qui adapte ici le roman de Andy Weir, est quant à lui, actuellement, l’un des auteurs les plus en vogue de la scène hollywoodienne de genre. Ayant déjà adapté un classique de la science-fiction comme World War Z, et non sans une certaine réussite, il est aussi l’auteur-réalisateur du très bon La cabane dans les bois, et le scénariste du désormais classique Cloverfield. Mais Seul sur Mars est l’affaire d’un trio que complète allègrement un Matt Damon au somment de sa forme, dont la dernière apparition sur un écran était dans le très remarqué Interstellar dans lequel il jouait certainement le rôle le plus intéressant, celui d’un astronaute déjà isolé sur une planète qu’il avait pour mission de sonder pour l’évaluer comme une potentielle terre d’accueil pour l’humanité.

© 2015 Twentieth Century Fox

© 2015 Twentieth Century Fox

   Au-delà donc d’être un film de « naufrage » (la situation de l’astronaute Watney devant survivre seul n’est pas sans rappeler celle de Robinson Crusoé, ou celle de Tom Hanks dans Seul au Monde de Robert Zemeckis), ou un film de sauvetage (le spectre de Apollo 13 de Ron Howard rode tout au long du récit), Seul sur Mars est bel et bien un film de spécialistes qui usent et tordent les codes du genre pour créer une œuvre qui séduit d’abord par un ton comique déconcertant, car totalement inattendu. Et c’est là certainement que le film puise sa qualité première et fait tout de même un pas de côté quant à l’adage habituel de ce genre de superproduction ayant souvent tendance à user d’une dramatisation forte et pesante. Comment le serait-il autrement dans une situation aussi périlleuse que de se retrouver à survivre seul à – comme le rappelle l’affiche du film – 225 millions de kilomètres des « premiers secours » ?

Or le film prend le contre-pied total par rapport à ce que l’on aurait pu attendre. Comme le personnage du roman originel de Andy Weir, Mark Watney est un têtu qui n’entre pas dans le stéréotype du personnage modèle de la dramatisation (au sens commun du terme). La lutte pour sa survie ne prête pas aux pleurs et aux penchants dépressifs, mais plutôt aux rires et à une comédie réellement maitrisée et réussie. Il faut dire que le pauvre est mal tombé. Non seulement il se retrouve seul sur Mars, éloigné de tous, mais en plus il est obligé de se coltiner la seule musique disco de la chef de mission pour combler le vide sonore. Sans parler du fait qu’il n’a plus de nourriture et qu’il doit se nourrir seulement des patates qu’il a réussi à faire pousser au milieu de la base dans laquelle il vit. Mark est décidemment un homme parfait qui ne sombre presque jamais dans la névrose de la solitude, qui reste sans cesse d’un sang-froid déconcertant, faisant des blagues constantes à ses seules compagnes d’infortune : les caméras présentes dans la base et le véhicule de la NASA. Il s’agit en réalité de résoudre les problèmes un par un, comme il l’expliquera à la fin du film. Et c’est au prix de ce calme que se joue sa survie.

En réalité c’est l’autre point de vue, celui des responsables de la NASA qui montent une opération de sauvetage, qui vient dramatiser le film, lui donner une certaine gravité crédible. Mais là encore la gravité du ton est vite contaminée par la gouaille de l’astronaute qui finit par nouer un contact avec la Terre. Et rapidement aux échéances vitales auxquelles doit se soumettre tout le travail de l’agence spatiale, l’humour devient une réponse, un moyen de réussir. Car le film tient à cette affirmation forte que c’est surtout en choisissant la légèreté, une certaine dédramatisation que l’on se met dans les meilleures conditions pour résoudre les problèmes qui se présentent, non pas dans l’effervescence de la comédie mais bien dans la décontraction amenée par le rire. 

© 2015 Twentieth Century Fox

© 2015 Twentieth Century Fox

Mais si le film réussit, de manière assez jouissive, à se placer sur le ton de la comédie, il peine à créer un vrai lien émotionnel entre Watney et son nouvel environnement. Tout, sur Mars, n’est qu’obstacle technique, problèmes à résoudre, nature morte à dompter. Or, si ce n’est lorsqu’il aménage un potager grâce à la terre rouge du sol de sa nouvelle planète, jamais n’est créé un lien affectif qui viendrait complexifier la relation de l’astronaute à son environnement. Alors que, peut-être, il aurait été plus judicieux d’en faire le lieu logique de tous les dangers, mais aussi un « chez-soi » auquel se serait, malgré lui, attaché Mark Watney. Et même lorsque Ridley Scott et son chef opérateur, Dariusz Wolski, s’emploient à vouloir travailler la 3D afin de rendre compte du gigantesque vide dans lequel le héros se retrouve tout seul, la tentative manque de rendre compte de cette impression vertigineuse d’être face à un décor à la fois époustouflant et source d’innombrables dangers.

Sur cet aspect, le film souffre d’ailleurs de la comparaison avec son grand congénère survivaliste du moment, Everest, dont la mise en scène, construite autour de la 3D, est l’exercice du genre le plus accompli de ces derniers blockbusters à lunettes, justement parce que le film de Kormákur avait cette faculté à créer un vertige incroyable qui trouvait le juste milieu entre la contemplation quasi spirituelle et la peur glaçante de se retrouver dans un piège mortel.

Il n’y a guère que dans sa dernière partie que le film trouve un second souffle esthétique qui n’est pas sans rappeler le Gravity de Cuaron. La longue scène de sauvetage, à l’issue assez téléphonée, reprend en effet certains motifs de l’œuvre du cinéaste mexicain, à savoir les tribulations malheureuses des astronautes dont la marge de manœuvre est limitée car soumise à de nombreuses lois physiques d’un espace impossible à dompter. Alors que le seul lien de Watney avec la Terre et ses équipiers était sans fils, transitant par ondes binaires entre les satellites, l’objectif est bien celui de retrouver du lien, le câble qui le relie réellement aux siens, les Terriens. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le titre original est The Martian. Ridley Scott marque une césure intéressante avec les ondes qu’a utilisées jusqu’alors Watney, connecté non seulement à la NASA, mais aussi au reste du monde, aux étudiants de son université avec qui il dialogue en chattant, avec ses camarades alors sur le chemin du retour vers la Terre. Et c’est peut-être là aussi que se trouve le message du film qui est non seulement une fable sur la survie, mais aussi sur la nature sociale de l’humanité qui est d’ailleurs totalement unie autour du sauvetage d’un seul homme devenu un symbole.

© 2015 Twentieth Century Fox

© 2015 Twentieth Century Fox

Finalement, et malgré une happy end un peu trop poussive, Seul sur Mars est un beau film, plein de surprises, mais aussi bourré de clichés qui n’entament tout de même pas la réjouissance cinématographique de l’œuvre du duo Goddard-Scott, aidés par de nombreux acteurs excellents menés par la prestation passionnante d’un Matt Damon au sommet de son art dramatique.

Simon Bracquemart

Film en salles le 21 octobre 2015


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