Pensée assisede Mathieu Robin 3,5/5 (07-10-2015)
Pensée assise (96 pages) est paru le 19 août 2015 aux Editions Actes Sud (Junior)
L’histoire (éditeur) :
Sofia et Théo filent le parfait amour. Tout irait bien si le jeune homme, paralysé des jambes à la suite d’un accident, n’avait pas une obsession : embrasser sa dulcinée debout, comme les gens valides. Il s’y essaie par tous les moyens, à ses risques et périls…
Mon avis :
« Le fauteuil roulant a deux avantages : le premier, c’est qu’on est assuré d’avoir une place assise dans les salles pleines de cinéma ; le second, c’est qu’on ne se fatigue pas trop dans les descentes.
Ce sont les deux seuls avantages.
Comme la vie n’est vraiment pas faite pour être vécue en fauteuil roulant, elle devient une succession d’inconvénients. » Page 19
Pensée assise est un petit texte qui parle subtilement du handicap (bien que la narration très personnelle à la première personne ne soit pas toujours subtile) et de l’acceptation de soi.
Je sais qu’il y a déjà une foule de romans sur le sujet mais celui-ci a la particularité d’être traité dans un registre plein de cynisme et peut être alors plus parlant pour certains jeunes
Théo est un jeune homme de 17 ans, pas vraiment chanceux avec les filles, plutôt normal dans le fond n’ayant rien de particulier, mais qui attend l’étincelle qui rendra sa vie plus passionnante.
« Cette existence toute tracée était désespérément fade. je voulais que ma vie change. J’attendais un séisme. Je fus servie… » Page 17
Le séisme est l’accident de voiture qui le rend paraplégique. A partir de là, le coté blasé de Théo va devenir profondément agaçant et même dérangeant tant ses paroles et ses pensées deviennent parfois cruelles. En effet, quand il rencontre Sofia et que le coup de foudre lui tombe dessus, il est incapable de savourer pleinement le moment présent. La différence (pas forcément celle qui nous semble la plus évidente) devient une obsession et un rempart à leur amour, le sentiment de faire un couple bancale l’empêchant d’avancer et de vivre cette relation.
Théo, buté, n’accepte pas sa différence alors que Sofia n’en a que faire et il tombe petit à petit dans la mauvaise foi, devenant de plus en plus sombre et désagréable. Va-t-il réussir à se relever ?
Mathieu Robin réussit là à le rendre antipathique mais finalement aussi attachant. En accentuant l’amertume qui l’habite, le lecteur est gagné par le malaise qu’il vit et se met plus facilement à sa place. Poussé à l’excès, l’obsession de Théo permet d’aborder l’estime de soi de manière exagérée mais convaincante.
Pensée assise est un récit est parlant, entraînant, fin et lucide. Sans pathos, avec cocasserie et brutalité, il donne à réfléchir sur la différence et sur les difficultés de la vie, grâce finalement à un point de vue pertinent, qui m’avait tant irrité au début.
« Être dans un fauteuil roulant, c’est s’adapter à un nouveau point de vue. Plus rien n’est à votre hauteur. Il devient impossible d’effectuer certains gestes essentiels de la vie courante. Retirer de l’argent à un distributeur tient de l’ascension de l’Everest. Plus question de participer à une ola pendant un match de foot ni de se pencher par-dessus l’épaule d’un curieux pour regarder un accident… » Page 49