Les éditions Dervy sous la direction de Pierre Bonnasse publient des entretiens inédits de Nisargadatta Maharaj, traduits par Karina Bharucha.
Ces entretiens ont eu lieu à la fin de la vie de Maharaj, entre novembre 1979 et janvier 1980. Maharaj parle ici de l'Absolu comme étant au-delà de l'être, au-delà du je suis. Il s'agit pour lui d'aller en amont de toute connaissance, de toute conscience, dans la non-connaissance.
Il dit: "Tout ce que je n'étais pas, je l'ai jeté par dessus bord. Après m'être débarrassé de mon soi-disant être, j'ai aussi éliminé mon non-être. Je suis l'Eternel qui ne peut être décrit comme ceci ou cela."
Être rien, c'est être tout.
"Maharaj : Rien ne demeure avec nous de manière permanente. Si nous parlons de la joie de la félicité, ce sont des qualités et aucune qualité ne peut rester avec nous de manière permanente. Tant que nous avons la connaissance que "nous sommes", ces qualités demeurent. Ces échanges sont comme une brosse pour nettoyer et éradiquer l'ignorance pour que l'Absolu s'ouvre.
La plupart des gens vénèrent Dieu en attendant une récompense. Ils ne s'intéressent absolument pas à la connaissance du Soi. D'autres chantent des chants dévotionnels ou méditent pour obtenir ce qu'ils désirent. Le vrai chercheur n'aime pas ce genre de dévotion et il est un être rare. Notre êtreté est comme Dieu. Le but ultime de la spiritualité est de connaître le Soi et d'être véritablement en paix. Souvent les chercheurs acquierent des pouvoirs spirituels et s'y empêtrent. Ils pensent qu'ils ont atteint l'ultime et c'est la fin de leur spiritualité.
Question : Au lieu de méditer sur un objet externe, la méditation sur le soi à l'intérieur est aussi une sorte de vénération?
Maharaj : c'est la tradition habituelle d'approcher le soi. C'est leur foi qui les incite à faire ça. Pour tous les chercheurs la destination finale est la même ; mais certaines pratiques sont difficiles comme pousser une charrette au lieu de la tirer. Nous ne prônons aucune pratique. Celui qui lit correctement la Bhagavad-gita lit sa propre histoire et non pas celle de Krishna. Celui-ci se voit comme immortel, l'éternel. Celui qui se prend pour le corps n'est pas admissible pour devenir un chercheur.
Atma n'est pas un juste un mot, mais c'est ce que l'on est en réalité. On perd son individualité et on demeure comme le Soi. Notre sentiment d'exister lui-même est le Brahman dynamique ou la Maya. Votre existence sans le sentiment d'être est Parabrahman ou l'Absolu. Quand nous avons la connaissance "nous sommes", le monde, avec tous ses problèmes, l'accompagne. Ne pas avoir la connaissance "vous êtes" vous donne le repos et la paix. Votre attention est incomplète. Ce qui est au-delà de l'attention est total et complet.
Question : On doit agir sans attente?
Maharaj : Le monde est rempli d'activité. La conscience dynamique est pleine de lutte et de conflits. Quand le "je suis" s'en va, tous les soucis s'en vont. Toute la soi-disant connaissance s'est finalement avérée être Vijnana ou au-delà de la connaissance. La connaissance s'est avérée être la non-connaissance."