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Le livre noir d'Ohran Pamuk

Par Sylvie

TURQUIE

Le livre noir

Edition Gallimard "Du monde entier", 1995

Voici un roman envoûtant, mystérieux, labyrinthique sur la ville d'Istanbul et la civilisation turque. Nous avons l'impression de pénétrer dans un livre insaisissable, sans fin.

L'intrigue prend à la fois des allures d'intrigue policière et de roman d'apprentissage, de découverte de soi.
Le point de départ est simple : Galip, un jeune avocat, part à la recherche de Ruya, sa femme , qui a disparu. Est-ce un jeu ? Ou au contraire, un drame ?
Galip part à sa recherche dans les ruelles d'Istanbul en tentant de retrouver également Djelal, le demi-frère de Ruya, un célèbre journaliste. Mais celui-ci semble avoir aussi disparu.
Galip va se plonger dans les différents écrits et chroniques de Djelal. Ce dernier étant un adepte du houroufisme, secte religieuse qui affirme que tout est signe et symbole, et qui cherche à découvrir des secrets derrière chaque lettre et chaque visage. Galip va donc chercher dans chaque texte, dans les visages du peuple d'Istanbul, dans les maisons, les ruelles, le secret de la disparition de ces deux êtres.
A la manière d'une grande fresque tels Les Mille et une nuits,les personnages foisonnent, les intrigues se répondent les unes aux autres. Les chapitres montrant la déambulation de Galip dans les ruelles d'Istanbul alternent avec ceux des chroniques de Djelal.

Réflexion sur l'identité humaine en même temps que sur l'identité turque, ce roman foisonne de références historiques, littéraires, religieuses. Le leitmotiv central est "être si-même". Mais ce projet est vain lorsque l'on sait que tout le monde rêve d'être un autre et que la civilisation turque cherche à imiter l'occident.
Comment être vraiment soi-même ? Qui suis-je en tant qu'individu ? C'est tout le secret recherché du livre. On rêve d'être quelqu'un d'autre, on le devient progressivement en s'oubliant. Même les écrivains, les sultans, les stars de cinéma cherchent à imiter quelqu'un d'autre. Comment redevenir soi-même ?
On retiendra de ce roman une magnifique réflexion sur l'image et le regard. Si tout est signe, symbole, il faut chercher à décrypter le secret caché derrière chaque chose, derrière chaque visage, chaque texte. Tout est énigme, le roman y compris.

Le cinéma occupe une place de choix dans la réflexion du roman : le narrateur, aussi bien que Djelal sont passionnés de cinéma ; mes ces images sublimes, les stars sont accusées d'avoir fait perdre sont identité à la population turque. Lorsque chacun se met à imiter les gestes occidentaux du cinéma, on perd son moi profond et toute la tradition d'un pays...
On retiendra également une description très noire d'Istanbul : les rues sont boueuses, enneigées, sales et les passants sont tristes et mélancoliques. L'écrivain se met en phase avec la doctrine apocalyptique du houroufisme sur la fin des civilisations. Istanbul se meurt car l'on a perdu le secret des êtres et des choses. Il suffit de partir à leur quête pour réveiller la ville...
Un roman difficile, qui souvent nous échappe comme un labyrinthe infini. Mais quel plaisir ! Nous avons l'inpression de partir à la découverte de nous-mêmes, de la civilisation turque et en même temps de lire un roman à énigmes !


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