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#Edtech : “Moins de 10% des salariés européens ont accès au e-learning.”

Publié le 22 octobre 2015 par Pnordey @latelier

Entretien avec Jean-Marc Tassetto, cofondateur de Coorpacademy et Svenia Busson, cofondatrice d’EdTechWorldTour.com. Au programme : structuration du secteur edtech en France et les raisons de l’échec du e-learning en Europe.

En 2014, les levées de fonds dans les EdTechs ont dépassé le milliard de dollars. Cette année, rien que sur le premier trimestre, elles auraient dépassé, aux Etats-Unis toujours, aisément le milliard. Ambient Insight mise dans son rapport sur 2,5 milliards. Les levées de fonds se comptabilisent comme les calories, il faut croire : déraisonnablement. C’est dire la frénésie qui existe aux Etats-Unis autour des edtechs. En France, les startups Edtech commencent à structurer le mouvement. Kokoroé a récemment attiré les mannes d’investisseurs. La startup Coorpacademy simplifie, elle, la bonne recette des MOOCS universitaires et l’adapte à la sauce B2B. Elle propose ni plus ni moins qu’une formation décente sur le digital. Pour autant, les edtechs françaises ont-elles encore à rougir face à leurs cousins américains ? On s’interroge avec Jean-Marc Tassetto, cofondateur de Coorpacademy et Svenia Busson, cofondatrice d’EdTechworldtour, - Svenia parcourt cette année le globe à la recherche d’écosystèmes edtech inspirants.

Entretien réalisé dans le cadre de l’émission de radio, L’Atelier numérique sur BFMBusiness.

Il existe aux États-Unis une vraie frénésie autour des Edtechs. En 2014, les levées de fonds des startups edtech ont dépassé le milliard de dollars. En France, on a quelques notables dont fait partie Coorpacademy. Le secteur est encore, dit-on, balbutiant. Partagez-vous ce constat ?

Jean-Marc Tassetto : On a un peu tendance à se flageller. Dans le secteur universitaire, la France a quand même été capable de lancer très vite des plateformes, telles que France Université Numérique. Il y a un peu plus de 70 MOOCs actuellement. Dans le domaine de l’information continue et corporate, il y a effectivement Coorpacademy, créé il y a deux ans. Nous avons réalisé une levée de fonds assez rapidement, en novembre 2014 et dans la foulée, fait plus de deux fois et demie de croissance de chiffre d'affaires. L’année prochaine, on va encore doubler notre chiffre d'affaires. Non, la France n’est pas du tout en retard.

Svenia Busson, vous avez engagé cet automne un tour du monde des edtechs. Diriez-vous aussi qu’il ne faut pas se flageller en France ?

Svenia Busson : Il faut faire attention quand on se compare aux États-Unis. On ne parle pas vraiment du même marché. Certes, il existe un énorme fossé entre ce qui se passe ici et là-bas. Le premier semestre 2015 seul a déjà été fructueux chez eux: les start-ups edtech américaines ont quand même levé un milliard de dollars. Et c'est ce qu’ont levé les start-ups françaises, tous secteurs confondus en 2014. S’il existe de bonnes initiatives en France, il y a encore des efforts à faire, notamment, en matière d’accès au financement.

Comment expliquez-vous ce fossé ? Sommes-nous culturellement moins réceptifs aux cours en ligne ?

Jean-Marc Tassetto : Il y a un rapport au e-learning aux États-Unis qui n’est pas du tout celui qui est en Europe. Le e-learning en Europe est un échec complet. Il y a moins de 10% des salariés européens en moyenne, qui ont accès au e-learning. Et pourtant, ça existe depuis 30 ans. Les protocoles pédagogiques sont complètement obsolètes, à savoir, suivre une vidéo pendant 50 minutes, cliquer sur des slides. Et ce n’est pas adapté au temps du travail et peu malléable. Ajoutez-y une couche de serious game et le salarié en est dégoûté. La génération d’internautes actuelle s’attend à quelque chose de ludique, d’autant plus à l’ère de Duolingo, de QuizUp ou d’Angry Birds.

Dans un deuxième temps, de ce que je vois, rien qu’à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, que nous fréquentons, le campus rassemble bientôt un million d’étudiants en ligne. En ce sens, nous n’avons pas à rougir face à des edX ou Coursera, nés sur les campus du MIT, d’Harvard ou de Stanford. C'est de l’apprentissage collaboratif.

Et nous avons un autre capital : le professeur chercheur Pierre Dillenbourg, qui est une sommité mondiale en matière d’apprentissage collaboratif.

Tout ça a signifié l’arrivée d’une dimension réseau social, sur les plateformes d’apprentissage. Il a fallu refonder le protocole pédagogique en ligne et redévelopper des plateformes toutes neuves adéquates, pour corriger le tir du SCORM et des standards du début des années 2000.

Il faut remettre l’apprenant au cœur du dispositif. Or, l’apprenant était à cause des anciennes plateformes, un apprenant ennuyé et qu’on a désengagé.

Enfin, c’est bien simple: les États-Unis représentent un territoire de 300 millions d’habitants. Ajoutez-y encore 200 millions d’anglophones et vous avez un marché, adressable à 500 millions de personnes sur la seule langue anglaise. en une langue.

Svenia Busson : C’'est une question d’expérience utilisateur. L’apprenant doit se sentir concerné par le cours qu’il regarde et pouvoir aussi choisir les parties qu’il a envie de regarder en premier. Et ainsi se composer son propre parcours. Ce n’est possible que depuis peu.

Coorpacademy et l’EdTech World Tour: deux startups. Est-ce à dire que le salut viendrait des start-ups ? Ne serait-ce pas aussi à l’État d’y répondre ?

Svenia Busson : Il y a, en France, deux tendances institutionnelles. L’État s’y met peu à peu, avec, par exemple, le Plan numérique pour l’éducation, et aussi, le FUN, - France Université Numérique. Pour autant, oui, il ne faut pas sous-estimer le pouvoir des édupreneurs qui sont en train de bouleverser complètement notre façon de penser et percevoir l’éducation. Dans le secteur des cours particuliers, LiveMentor est, par exemple, en train de complètement changer le cours particulier. Il aurait été impensable, il y a cinq ans, d’imaginer un cours particulier via vidéoconférence. Les élèves sont beaucoup plus concentrés.

Jean-Marc Tassetto : Je suis un libéral. Je sais que c'est un “gros mot”, mais je crois aux écosystèmes. Un écosystème qui rapproche les laboratoires de recherche des universités, des entrepreneurs, des fonds d’investissement. Le rôle de l’État peut être éventuellement de dé-siloïser et de faciliter l’émergence de ces écosystèmes. En Suisse romande, nous siégeons sur un campus d’université. Nous avons des accords et des programmes avec les laboratoires, avec des chercheurs en ingénierie pédagogique de classe mondiale. Et nous sommes incubés et hébergés sur un campus, qui a accueilli 100 entreprises. Les efforts doivent être d’ordre écosystémique.


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