Premier long métrage de Baya Kasmi, co-scénarisé par Michel Leclerc, ce "Je suis à vous tout de suite", sorti en salles le 30 septembre dernier, à la fin d'un mois particulièrement riches en belles sorties cinéma, me faisait particulièrement envie sur le papier tant et si bien que j'ai réussi à trouver un petit moment et une petite salle lyonnaise pour aller le voir.
Il faut dire que ce tandem à l’origine du très étonnant et enthousiasmant « Le nom des gens » et des sous estimés mais assez formidables tout de même "télé Gaucho" et "J’invente rien" (un des meilleurs rôles de Kad Merad) n’a pas son pareil pour nous offrir, depuis plusieurs années, des fictions culottées et inventives sur la forme, et audacieuses, drôles et profondes sur le fond en brassant tout un tas (parfois trop) de thèmes sociétaux avec intelligence et humour un peu à la manière des films de Bacri Jaoui.
Une Agnès Jaoui qui fait d’ailleurs partie de l’aventure « je suis à vous tout de suite » ( alors que Bacri fera partie de celles de la vie très privée de Monsieur Sim, le prochain film de Michel Leclerc, tout se tient :o) mais qui n’est malheureusement pas forcément l’atout principal du film tant le couple qu’elle forme avec un Ramzi Bédia bien trop jeune pour le rôle d’un peu maghrébin censé avoir une soixantaine d’années manque vraiment de crédibilité et de complicité pour qu'on y croit…
Si ce couple de parents est très présent dans le début de ce film qui est loin d’être la partie la plus réussie ( on a énormément de mal à croire aux scènes qui se déroulent devant nos yeux), le film va heureusement se consacrer dans la dernière partie vers la relation entre un frère (Mehdi Djaadi, excellent pour son tout premier rôle au cinéma), et une sœur qui sont loin de partager la même vision du monde.
On perçoit bien et très vite les similitudes entre ce film et "le nom des gens" :, les deux films partagent en effet une même vision d'ensemble , à la fois tendre et un peu critique des fondements de notre société, et notamment de la religion, ainsi qu' une intrigue basée autour d’un même personnage principal féminin désinhibé en apparence mais vulnérable et hyper sensible, sans oublier dans les deux cas une histoire d’amour improbable sur le papier mais qui va pourtant réussir à trouver ses marques, et ces personnages centraux sont entourés de personnages secondaires particulièrement pittoresques et hauts en couleurs .
Force est malheureusement de constater que la recette fonctionne bien moins bien que pour cet excellent film que j’avais tellement aimé que je l’avais placé tout en haut de mon top de l’année 2011.
Pourquoi ce qui semblait être si poétique si audacieux dans un film semble ici vraiment trop lourd et peu crédible quelques années après ? Difficile à dire, même si notre duo vedette semble avoir ce coup ci trop tiré sur la corde très tenue qui sépare le génial du grotesque… "Le nom des gens" comportait sans doute quelques maladresses, mais elles étaient largement compensées par les idées de mise en scène et de scénario qu'on les pardonnait sans aucune hésitation alors qu’ici, ces idées semblent un peu trop recyclées et trop lourdes pour qu'on ne puisse pas du tout en tenir compte.
Dommage pour la sublime Vimala Pons qui, pour une fois dans un premier rôle dans un film à vocation plus populaire et accessible que ses rôles habituels ( il faut dire que ""la fille du 14 juillet" ou "Vincent n'a pas d'écailles" font partie des films français récents qui m'ont le plus agacé, ca n'aide pas :o), épate et touche la corde sensible du spectateur…
Et son histoire d’amour avec le trop rare et toujours génial Laurent Capelluto, persuadé que sa bien aimée incarne le métier de prostituée alors que pas du tout ( elle est ... DRH :o)) donne certainement lieu aux meilleures scènes du film, qui évitent la caricature qui génait tant dans les scènes du début… Et plus généralement, on apprécie que la dernière demi-heure, plus profonde, plus tragique, parvienne réellement à émouvoir et à échapper à la lourdeur généralisée du début…
Bref, un long métrage malheureusement un peu décevant eu égard de mes attentes, mais qui touche quand même in fine par sa sincérité sa générosité, et son manque de cynisme… et évidemment on attend avec grande impatience cette "vie privée de Monsieur Sim", adaptation forcément alléchante du chef d’œuvre littéraire de Jonathan Coe. avec le si rare Bacri.
Bande-annonce : "Je suis à vous tout de suite"