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France Télécom Telia-Sonera, l'attaque est lancée

Publié le 08 juin 2008 par Eric Grémont

09/06/2008

France Télécom Telia-Sonera, l'attaque est lancée

Nous allons lancer une offre sur Telia ! je dirai même plus nous allons faire une offre « amicale »!

Les dés sont jetés, le Rubicon est franchi, les bornes sont dépassées, les limites enfoncées,
victoire ! France Télécom vient de publier les termes de ce que serait son offre « amicale » sur l'opérateur nordique Telia-Sonera. Il y a de quoi pavoiser, France Telecom deviendrait le 4ème opérateur mondial.
Négligeant l'opportunité historique offerte aux actionnaires de Telia-Sonera son conseil d'administration a conclu au rejet de l'offre à peine quelques minutes plus tard, un temps record, même dans le monde de la finance. Probablement juste le temps de la lire.
Plus grave encore, la presse française spécialisée usuellement flagorneuse en de telles circonstances s'est juste montrée prudemment favorable, autant dire qu'il y a du soucis à se faire pour l'avenir du deal.

Quand les aigles attaquent !

On savait que France Télécom était sur le sentier de la guerre, la société avait évoqué son intérêt pour Telia et la rumeur voulait qu'elle soit à la recherche d'argent frais. Il s'agissait de préparer une offre, c'est fait, celle-ci porte effectivement sur l'opérateur nordique. Elle a toutes les chances de rentrer dans les annales.

Le document publié par France Télécom définit les termes sur lesquels la société envisagerait une proposition amicale à l'attention du management de Telia. Cette proposition est supposée ouvrir une période de négociation de quinze jours. Telia n'a pas eu besoin d'autant de temps pour répondre : c'est non.

La société évoque une offre mixte en cash et en titre.

Du côté cash rien à dire France Télécom offre 63 couronnes par titre Telia. Côté titre, France Télécom propose 3 actions France Télécom pour 11 Telia. En ce qui concerne la valorisation des parités le titre Telia est retenu à 56 couronnes et le titre France Télécom est valorisé à 19 euros. Autrement dit, la valeur actuelle du titre Telia-Sonera 57 couronnes est complètement ajustée sur la valorisation moyenne offerte par France Télécom, les arbitragistes ont fait du bon travail !
La prime est aujourd'hui de 0. Ce détail sous tend d'ailleurs l'argumentaire de France Télécom qui suggère que la hausse du cours de Telia est due aux intentions de France Télécom et que le titre de France Télécom lui même devrait être beaucoup plus haut.
Sur ce dernier point, on ne peut qu'être d'accord, mais il convient de souligner que c'est exclusivement la perspective de voir France Télécom se lancer dans cette opération qui a fait baisser le cours et fort justement.
France Télécom se comporte comme si la fixation de son cours par le marché ne rendait pas compte de la valeur de la société c'est à tout le moins un peu présomptueux.

Sur la valeur de long terme de Telia, il faut souligner que les investisseurs ne prennent pas de risques énormes à refuser les avances de France Télécom. D'autres sociétés jouissant d'un bon PER pourraient lancer des opérations plus motivantes en termes de valorisations (Téléfonica, Vodafone ?). Autrement dit France Télécom ne fait qu'ouvrir un bal des prétendants qui peut durer longtemps. Dans ce genre de course, l'histoire l'a montré il vaut mieux arriver en dernier.

Au surplus, nous serions curieux d'entendre la société communiquer sur le futur conseil d'administration. Usuellement dans le cas d' une offre amicale, la coutume veut qu'une place soit faite aux managers de la société avalée. Apparemment, le management de France Télécom n'a pas l'air très pressé de partager le pouvoir.

Une opération relutive dès 2009 ?

Il faut dire que les synergies annoncées par France Télécom sont de l'ordre du mirobolant ! Quel analyste ne perdrait pas on sang froid en sachant que l'opération va dégager presque 1% de synergie sur chiffre d'affaires. Oui vous avez bien lu 1% du chiffre d'affaires du nouvel ensemble consolidé soit presque 600 millions d'euros, après impôts. cela nous met pas loin des 400 millions d'euros par an, les fournisseurs de France Télécom peuvent trembler. Ces synergies correspondent grosso modo à 3% de la marge dégagée brute dégagée par France Télécom, autrement dit une simple variation saisonnière du taux de marge suffirait à annuler purement et simplement des synergies obtenues à grands frais.

Nous n'avons aucune raison de mettre en doute les affirmations du management qui pronostique une hausse du résultat par action dès 2009, si l'opération se réalise conformément à ses voeux. En revanche, à notre sens, la question pertinente est plutôt de savoir pourquoi lancer une opération coûteuse alors que le bénéfice par action a toutes les chances de grossir davantage de lui-même dès 2008 et au-delà et ce sans prendre le moindre risque ? C'est ce que ne démontre pas France Télécom, probablement parce que c'est impossible.

On peut encore mieux relativiser les synergies en pensant à la dizaine de milliards d'euros de capitalisation qui s'est évaporée en quelques mois, le cours du titre passant d'un peu moins de 26 euros à 18 soit une baisse plus forte que l'indice. Pour un titre défensif, rien à dire on pouvait difficilement faire pire, chapeau les artistes. Il ne faudra que trente ans de « synergies » hypothétiques pour que la société fasse regagner aux actionnaires une décote obtenue en quelques mois de bégaiements et de fuites dans la presse.

France Télécom est en train de faire par l'absurde la preuve qu'il n'y a presque pas de synergies à attendre de fusions dans les télécoms aujourd'hui. Dans ces conditions, les acquisitions doivent être appréhendées exclusivement sous l'angle financier. Or, le cours de France Télécom étant ce qu'il est aucune opération de croissance externe ne peut surpasser le bénéfice que tirerait la société du rachat de ses propres actions.

Stratégies alternatives pour France Télécom

Ceci étant, si France Télécom continue à tout faire pour massacrer son cours de bourse il ne faut pas désespérer. Il existe encore des solutions innovantes pour valoriser le patrimoine des actionnaires de France Télécom: le Spin-Off !! En effet TPSA, et Mobistar, ses filiales côtées se négocient à un cours bien supérieur à celui de FT, une telle opération permettrait de rendre une partie de ses investissements à l'actionnaire. Voilà une opération qui ne coûte rien et qui peut rapporter gros !

Plus audacieux encore la société pourrait faire la danse du ventre pour être avalée par un fond private equity. Une société qui dégage 6 milliards d'euros de Free Cash flow par an et qui vaut à peine une quarantaine de milliards d'euros aujourd'hui, c'est en principe une tentation irrésistible pour les fonds d'investissements.

On pourrait le constater avec stupeur. La société est en train de se transformer en cible. Dans le contexte actuel le mieux que puisse attendre l'actionnaire de France Télécom c'est une offre sérieuse sur la société. Chaque retrait supplémentaire de l'Etat fait approcher le moment où les opérateurs étrangers pourront se pencher sur le dossier qui est séduisant à plus d'un titre, combien de synergies dégagerait la liquidation du management français et la reprise en main sérieuse de la gestion de la dette ?
Au surplus, une telle opération serait pleine de promesses pour les consommateurs, l'Arcep se montrerait autrement plus combative. Il n'y a pas d'opérateurs étrangers en France on l'oublie souvent, à tort !

Les objectifs cachés de France Télécom

Ce n'est rien de dire que nous sommes perplexes. A tel point que nous en sommes à nous demander si le management de France Télécom n'est pas en train de torpiller consciencieusement une opération dont il ne serait pas l'instigateur initial. Plutôt que de croire à l'incompétence radicale en matière d'acquisition d'un management qui a fait ses preuves dans les autres compartiment du jeux nous serions tenté d'y voir un peu de roublardise de sa part.
L'échec cinglant qui attend vraisemblablement France Telcom lui permettrait de se retourner vers ses commanditaires étatiques en disant: vous voyez bien que nous n'y sommes pour rien ni le marché, ni Telia ne veulent d'une telle opération !
De cette façon la société pourrait poursuivre sa stratégie antérieure qui nous semblait autrement plus convaincante sur le plan industriel et financier.

Auteurs: Eric Grémont

Entreprises liées: France TelecomTelia-Sonera


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