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Tomber et se relever ou Ce qu’a été ma schizophrénie

Publié le 23 octobre 2015 par Lana

Vivre enfermée dans l’autre monde. Du sable noir et une mer noire jusqu’à l’horizon, des statues de sable noirs et moi qui crie au milieu. Marcher à côté de moi-même, agir comme un robot, parler comme un automate.

Ne communiquer vraiment qu’avec des gens qui n’existent pas, Nadège et Renaud, mes doubles extrêmistes. Nadège dans sa robe de nuit d’hôpital, Renaud suicidé. Ils me tiennent compagnie, me tiennent chaud, dorment dans mon lit.

Etre dévorée, dévorée, dévorée par l’angoisse. Clouée au lit par la douleur.

Monter un escalier en s’arrêtant à chaque marche pour pleurer. Pleurer dans un coin de la douche, dans mon lit, assise par terre dans la salle-de-bains, au cours, dans la rue.

Se couper pour souffrir moins, pour se soigner car ça je sais soigner, pour espérer appeler à l’aide sans parler.

Se taire, parce que parler est trop difficile. Se taire dans tous les sens du terme.

Etre transpercée par le regard des autres. Dessiner des yeux parce que les yeux des gens aux dents pleine de sang sont partout, comme l’oeil de Dieu était dans la tombe. Etre le centre ridicule du monde, les jambes flageolantes, les mains qui tremblent. Etre celle que tous détestent.

Ne pas se reconnaître dans le miroir. S’y parler des heures. Parler des heures à des gens qui ne sont pas là.

Avoir le corps qui se transforme, quatre yeux, des yeux derrière la tête, le cerveau qui s’écoule de ma boîte crânienne fendue. Regarder mes membres comme s’ils n’étaient pas à moi. Ne plus avoir de peau, être transparente, toutes pensées visibles. Etre poreuse, traversée par les gens, envahie par le monde.

Ne pas croire en Dieu, mais s’accrocher à des images de la Vierge ou une satue de saint pour être sauvée de la maladie.

Marcher dans un monde mouvant, grimper des marches qui se dérobent sous mes pas.

Des voix dans la tête, qui passent comme des courants d’air, effrayantes parfois.

Vouloir mourir à chaque instant, supplier pour ne jamais se réveiller, mais être toujours en vie, malgré tout. Ne pas comprendre comment on peut vivre malgré une douleur pareille. Etre morte, regarder les autres, ils sont vivants et je suis morte. Etre pire que morte, car des vivants il ne me reste que les larmes et la douleur.

Pisser le sang pendant des années sous des yeux indifférents. Tomber dans un puits sans fond. Avoir mal, si mal et si peur. Ne rien comprendre.

Et un jour, se relever. Aller mieux.

Se demander si tout ça a bien été réel, tant c’est incroyable.


Classé dans:La schizophrénie expliquée par une schizophrène

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