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Tricatel RSVP (Composition instantanée et improvisation collective)

Publié le 26 octobre 2015 par Le Limonadier @LeLimonadier

Bertrand Burgalat ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît. Plutôt que de souffler sur les 20 bougies de son immense label indépendant TRICATEL avec un traditionnel « best of », le dandy aux costumes 3 pièces profite de l’occasion pour nous gratifier d’un des albums les plus étonnants qu’il nous ait été donné d’écouter depuis le début de l’année, une composition instantanée d’improvisations collectives, un disque choral et jouissif enregistré au vif et live en seulement 5 jours.

Sans préméditer son écriture, B.B. invite tous les musiciens avec lesquels il a travaillé à s’essayer à un exercice de style audacieux, celui de l’inspiration et de l’improvisation. Durant 5 jours, ces musiciens vont créer à partir du néant, sans filet, sans assurance ni issue de secours. Juste l’excitation, raviver le goût de l’aventure. Se jeter dans le vide et puis voir. L’histoire de ce projet unique et hors normes, tel que le label sait les faire éclore, est narré en intégralité sur le blog de TRICATEL ; voici ci-après de quoi nous donner envie d’en lire d’avantage.

Chassol, April March, Shawn Lee, Doug Hream Blunt, Jef Barbara, Alice Lewis, Fuzati, Dolos & Elke, Donna Regina, Jérémie Orsel, Louis Philippe, Julien Gasc, Renaud Gabriel Pion… Les artistes viennent, proposent, échangent, et repartent avec le sentiment d’avoir participé, non pas à une énième session d’enregistrement, mais bel et bien à une aventure hors norme, comme si le temps, la réalité, avaient décidé de figer leur course immuable. Tout peut naître d’un petit riff anodin, d’une voix mantra, d’un beat répété comme ça, pour voir. L’un s’y met et les autres suivent. Play & see.

Cette semaine loin du monde a finalement porté ses fruits. Il y avait le risque de se planter, de ne rien pouvoir dire, de se retrouver un peu couillon face aux désirs des muses. Celui également de se confronter à ses limites, ses facilités, ses formules. Celui enfin d’une fausse couche, d’un disque boursouflé, raté, déjà oublié. À l’heure des frilosités idiotes et des raccourcis mercantiles, cette histoire a de quoi réchauffer bien des cœurs, de ressusciter bien des enfants. Parce que ce disque, il existe aujourd’hui. “TRICATEL RSVP”.

Onze chansons merveilleuses, capables de frôler les quatre minutes comme de proposer un voyage dépassant les dix. Onze chansons papillons, boucles lumineuses qui emmènent loin. Sur “Dreamin”, Juanita Benicia Blunt invoque les esprits, façon Giallo, pendant que son père Doug Hream Blunt surfe sur une basse aux rondeurs stupéfiantes, une clarinette et un minimoog à la Lewis Caroll, alors qu’un enfant murmure, au loin. Introduction impeccable, invitation au départ qui ne se refuse pas.

Avec “Eyes Of The Sun”, April March a l’arrogance solaire, bien aidée par le rappeur Dolos, au flow imparable, digne d’un Kool Keith.

“Dragon Boule” et ses “la lalalala lala lala lala lala lala…”, c’est une prière adressée à des dieux facétieux, une répétition reptilienne, qui monte, qui monte, avant de toucher des cieux pourpres. Hallucination obligatoire, avec Burgalat, Chassol, Gasc, Suzanne Debureaux et beaucoup d’autres qui hululent comme il faut. “Mysteries”, elle, est une plage sans touristes, une aube, qui souffle à l’oreille de celui qui accepte de lâcher prise, que tout ira bien. Ou un film américain mais tourné là où le dollar n’existe pas.

Dans “Dernier Métro”, Fuzati pratique l’art de l’asphyxie avec brio, rap décadent, sans muscles ni seins siliconés mais avec une âme, avant de laisser les instruments clore ce songe souterrain.

“Sleep Too Long” est une forêt, la nuit, qui écarte ses branches pour attirer le promeneur perdu. Alice Lewis chante comme une sirène et c’est juste merveilleux.“Funk Aria” est une disco de combat, qui avance, coûte que coûte, avec Doug Hream Blunt en général sûr de ses troupes, talk over de ferraille, et Makeda Monnet qui ondule, un cor anglais comme balise. Claque. “La Piscine Dorée” est un slow plastique, avec Burgalat en crooner dilettante et c’est comme ça qu’on l’aime. On visualise des centaines d’adolescents tentant de s’enlacer un soir d’été, avant que la vie ne décide de reprendre ses droits. On y est et on voudrait que cela ne s’arrête jamais.

Il y a encore “Blessings Kill You”, avec Jef Barbara, cavalcade pop impeccable, “Moxie” avec Dolos & Elke qui se répondent pour mieux se compléter, rap et soul complices, et enfin “Lightyears”, avec Donna Regina, dernière chanson du laboratoire, sorte de funk endiablé, qui électronise les corps.

Ce disque, sorti le 23 octobre et disponible en numérique ICI, ou en vinyle ICI, est l’expression exacte de ce que Tricatel souhaite accomplir depuis vingt ans. Ne pas abdiquer pour simplement survivre. Essayer encore. Dépasser la peur et l’évidence. “De défaite en défaite jusqu’à la victoire”.

Julios

Julios

Aficionado du groove, animal nocturne des salles parisiennes qui vit activement la musique comme DJ (La Marinière) et passionnément comme chroniqueur et relayeur éclairé pour le Limonadier.
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