Aurora Guerrera est la première publication de Anna Maria Ortese, un recueil de nouvelles par en 1937, grâce au prestigieux patronage de Massimo Bontempelli, l'un des écrivains les plus en vogue de son temps. Ses textes résonnent d'aspects psychanalytiques, avec cette necessité de tuer l'enfant en nous, de tourner le dos à l'enfance qui ne reviendra jamais avec son insouciance et son innocence. Beaucoup d'êtres désoeuvrés peuplent ses nouvelles, des êtres comme en apesanteur dans un monde trop grand pour eux, des femmes qui semblent pouvoir se briser à la première tempête. L'univers de Anna Maria Ortese oscille entre rêveries et errance dans un monde hésitant entre réalité et rêve.
Cette oeuvre hétérogène à la fois fiction, fable, reportage, fragments autopbiographiques, brille surtout par un style lyrique s'exprimant dans des passages sur la nature :
" Mais souvent le retour dans la via del Mare, vers le soir, était encore plus beau : sous un ciel vitreux et vert, les yeux fixés sur la mâture des bateaux qui se profilaient à l'horizon de manière fantastique, pendant que des groupes de matelots et de touristes peuplaient la rue, mon esprit se réjouissait mystérieusement : il tombait, de tout ce vert fleuri de lumières lointaines, il pleuvait, de tous ces dômes, de toutes ces formes irréelles possédées par la merveille du temps, un agréable oubli du passé, une espérance absrde et tendre, de liberté et de futur." p. 53
"La matinée était chaude et magnifique, l'air immobile, et cependant ces fleurs, ouvertes comme des bouches à la lumière, palpitaient imperceptiblement, exprimant la joie infinie d'exister. Pour couronner cette sensation d'extase, deux papillons blancs, enivrés de lumière et de chaleur, allaient de l'une à l'autre de ses fleurs, s'éloignant un moment dans le ciel bleu, comme hésitant sur leur choix, mourant de bonheur." p. 143
Ses textes nous enjoignent à nous arrêter au bord de la route pour observer la beauté du monde qui palpite à la surface des choses.
Présentation de l'éditeur : Actes Sud
Aurora Guerrera et atres nouvelles, Anna Maria Ortese, traduit de l'italien par Marguerite Pozzoli et Claude Schmitt, Actes sud, 2008, 25.40 euros