Un emblème maçonnique ou compagnonnique à Vauvert (30)

Un visiteur assidu du site, Christian Schirvel, m'a signalé la présence d'un emblème maçonnique ou compagnonnique à Vauvert, dans le Gard, au 44 de la rue de la République. Cet emblème apparaît en fait à deux reprises à l'identique sur la façade d'un bel immeuble en pierres de taille datant des années 1830-1850 environ : une première fois sur le linteau d'une fausse baie centrale au premier étage, et une seconde fois sur le linteau d'une autre baie aveugle du second étage.

 

L'emblème se compose d'un compas pointes en l'air s'entrecroisant avec un niveau. Dans les deux cas, il prend place au milieu d'une ornementation identique, nonobstant les dégradations plus importantes subies par celle du premier étage.

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Emblème du 1er étage.

Emblème du second étage.

Cet emblème est-il compagnonnique ou maçonnique ? Ou bien encore s'agit-il d'un emblème d'entrepreneur ou d'architecte ? Nous avons souvent eu l'occasion sur ce blog de nous poser semblable question car il est des exemples où, faute d'une indication complémentaire,  il n'est pas facile de trancher.

Vauvert se situe dans une zone fortement peuplée de compagnons tailleurs de pierre des deux rites (Passants et Étrangers). On sait que les Compagnons Étrangers affectionnaient tout particulièrement la disposition du compas pointes en l'air. De manière générale, on sait aussi que les Compagnons employaient souvent des éléments complémentaires afin de mieux préciser leur métier et leur rite : par exemple les lettres CPTDP pour Compagnon(s) Passant(s) Tailleur(s) De Pierre, ou CDDE pour Compagnon(s) Du Devoir Étranger, ou encore la règle et le serpent dans les emblèmes des Compagnons tailleurs de pierre des XVIIe et XVIIIe siècle (voir mon livre Le Serpent compatissant). Ici, rien de tel, mais l'époque étant à une simplification des symboles, il est difficile d'en tirer un argument contraire.

Cette région entre Nîmes et Montpellier est aussi très tôt atteinte par le phénomène maçonnique. Même remarque que pour les Compagnons : les Maçons aiment à singulariser l'emblème général du compas et de l'équerre par quelque autre clin d'œil à leur symbolique propre, telles les lettres J et B (noms des deux colonnes du Temple de Salomon), l'étoile à cinq branches accompagnée de la lettre G (pour Géométrie), ou encore la truelle. Ici, rien de tel, et on notera que c'est un niveau qui occupe la place généralement dévolue à l'équerre. Sans compter le fait que les Maçons emploient très rarement le symbole du compas pointes en l'air.

Il ne faut donc pas exclure qu'il s'agisse d'un symbole désignant un entrepreneur ou architecte, sans préjuger du fait que celui-ci ait par ailleurs été un ancien Compagnon tailleur de pierre et/ou un Franc-maçon…Il est toutefois certain que cette disposition n'est pas seulement décorative et individuelle car je possède un semblable emblème sous la forme d'un bijou, probablement de cravate, en métal argenté, datant probablement du XIXe siècle. Nous sommes donc bien face à l'emblème d'une forme d'organisation.

© Photographie Jean-Michel Mathonière 2015, D.R.

Il faut ajouter à notre interrogation que dans le cas présent, la fausse-baie du premier étage est aménagée en tableau et porte un trophée qu'il est malheureusement difficile de déchiffrer en totalité quant aux éléments qu'il comporte. Se distinguent très nettement un tonneau, des rames, une ancre, un trident, un casque de Mercure… Sans nul doute, ce trophée fait allusion à certaines des principales activités économiques de Vauvert au XIXe siècle : le vin et la navigation… De fait, comme l'extraction de pierre figure également parmi ces activités alors importantes, il est possible d'envisager que l'emblème du compas et du niveau a été choisi par un riche entrepreneur qui faisait aussi négoce de vin et de transport maritime.

© Photographies Christian Shirvel 2015, D.R.

Mais peut-être un érudit local pourra-t-il nous éclairer et résoudre cette énigme ? Il est assez probable que les archives locales gardent trace du constructeur de cette belle demeure.

L'homme pense parce qu'il a une main. Anaxagore (500-428 av. J.-C.)