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Elle s'appelait sarah - 7,5/10

Par Aelezig

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Un film de Gilles Paquet-Brenner (2010 - France) avec Kristin Scott-Thomas, Frédéric Pierrot, Mélusine Mayance, Michel Duchaussoy, Niels Arestrup, Dominique Frot, Aidan Quinn, Charlotte Poutrel

Joli mélo.

L'histoire : Julia et sa famille s'apprêtent à emménager dans un appartement parisien appartenant à la famille de son mari. Journaliste, elle travaille sur un long article concernant la tristement célèbre rafle du Vel' d'Hiv en 1942. Une des innombrables questions qui se posent à elle : que sont devenus les appartements laissés vacants ? Et en même temps elle apprend que celui de ses beaux-parents a été justement acquis... en 1942. Un malaise, une obsession, une envie déterminée de retrouver la famille qui habitait là autrefois, la submergent. Parallèlement, nous suivons l'histoire d'une petite fille juive, Sarah, qui, en 1942, est arrachée de son logement, avec sa mère, par la police française. Avant, elle a juste eu le temps d'enfermer son petit frère dans un placard pour qu'on ne le trouve pas, lui faisant promettre de l'attendre. Une fois au Vél d'Hiv, puis emmenée dans le camp de Beaune-la-Romande, gare de transit pour l'Allemagne, outre les conditions inhumaines, les séparations, la misère, elle résiste à tout pour réussir à s'échapper... et aller délivrer son petit frère.

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Mon avis : J'ai beaucoup aimé ce film (adapté du roman de Tatiana de Rosnay), car je suis une grande sentimentale et que l'horreur du nazisme me fascine (dans le sens sociologique du concept bien sûr). L'histoire est terrible, le suspense maintenu, on a envie d'aller jusqu'au bout pour tout connaître de Sarah.

Mais il m'a aussi fait penser à La rafle, qui a provoqué un bashing terrible et une polémique qui dure encore. Pour ma part, je l'avais adoré (pour les mêmes raisons que celles évoquées plus haut), et j'avais donc reçu les foudres de quelques uns de ses détracteurs. Je n'ai jamais compris pourquoi il déclenchait autant de haine... et là, je pense avoir saisi. L'utilisation à outrance du "mélo". 

Voici la définition que j'ai trouvée sur Wiki : " ...l'emphase du style, l'exacerbation des émotions, le schématisme des ressorts dramatiques et l'invraisemblance des situations opposant des figures manichéennes. Les élans dramatiques sont par ailleurs soulignés par des plages musicales et le paroxysme y est allègrement employé pour susciter l'émotion du spectateur." Ce qui signifie que ce n'est pas tant l'intrigue elle-même qui peut être blâmée, mais la façon dont elle est racontée, en exagérant les effets pour provoquer l'émotion, tirer la larmichette. On peut raconter une histoire tragique, mais avec objectivité, sans jouer avec les sentiments du spectateur (ce qui est un peu artificiel et malhonnête), mais en appuyant sur le côté didactique, ou sociologique, ou psychologique des personnages, des situations... bref, en apportant une réflexion. Le mélo joue avec nos instincts, le drame tout court fait marcher notre cerveau. 

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Et donc, plusieurs fois dans le film, sur certaines situations particulièrement bouleversantes, je me suis dit "Purée... là, il en fait trop... on sait que c'est triste, mais bon, un peu de sobriété que diable..." Le visage surexposé en permanence de la petite fille, outrageusement maquillée pour paraître fatiguée, les yeux cernés, etc... Un peu too much. Et en analysant les scènes les unes après les autres, contrairement à d'habitude où je serais tombée dans le piège à pieds joints, j'ai compris ce qu'était vraiment un mélo et que ce n'était pas quelque chose de forcément glorieux. Et j'ai donc repensé à cette fameuse Rafle, où l'on accusait la réalisatrice Rose Bosch "d'utiliser" la tragédie pour faire pleurer dans les chaumières. Elle s'en défendait, outrée (on peut la comprendre) en répondant que les gens qui n'étaient pas émus par ce film étaient de sombres brutes. Ou quelque chose de ce genre-là. Je me joignais à ses défenseurs. Je le ferai encore. Mais maintenant je comprends le reproche : prendre un événement tragique et l'exacerber pour faire pleurer les foules. Ca peut être fait avec discrétion, mais si c'est trop appuyé... c'est de la manipulation, pour attirer le succès, et c'est moins cool. Il faut alors, pour être tout à fait honnête... le reconnaître, simplement, ce que Rose Bosch n'a pas voulu faire semble-t-il.

Il existe ainsi une foule d'excellents mélodrames qui s'affichent tels quels. Le spectateur sait à quoi s'attendre. S'il déteste les trucs sentimentaux, il fuira ; s'il aime ça, il adhérera. Comme Titanic par exemple. On a une immense tragédie, une magnifique histoire d'amour... Et rien que l'affiche nous indique que c'est cette dernière qui sera à l'honneur. Alors forcément on sait qu'on va pleurer à la fin. Il n'y a pas tromperie sur la marchandise.

Faire pleurer sur le sort d'une petite fille qui a vécu un drame épouvantable, c'est doublement "facile" : la tragédie d'une part, l'âge de la jeune héroïne d'autre part. Et on en veut un peu à l'auteur (du roman) et au réalisateur (du film) de nous prendre pour des andouilles, en tirant sur les ficelles de façon aussi visible.

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Après cette dissertation qui mériterait un 18 au Bac (non ?), il n'empêche que j'ai bien aimé le film, consciente de l'utilisation qu'on faisait de "mon temps de cerveau disponible". Un peu agaçant, certes, et parfois même quelque peu tiré par les cheveux, mais, je le répète, je suis une grande sentimentale, j'aime à la folie tout ce qui touche aux émotions. Et répéter encore et encore à quel point la chasse aux juifs et les horreurs qu'ils ont subi est un combat indispensable... tant l'ignominie est toujours à nos portes, prête à ressurgir. 

Si cette horrible histoire vous touche droit au coeur, on ne va pas faire les chochottes, et on va dire : oui, oui, faites nous pleurer encore et encore sur la Shoah. Plus nous serons nombreux à être bouleversés, plus grandes seront les chances d'éviter de nouveaux massacres.

Le film en tous cas a totalement séduit la critique et pas du tout irrité ceux qui avaient pourfendu le travail de Rose Bosch. Je ne sais pas vraiment pourquoi, car le ressort est bien le même, et pour le reste, l'histoire, la narration, les acteurs, tout est impeccable, dans les deux films. On parle pour Sarah de sincérité, on dit que tout sonne vrai, et que c'est pour ça que ça bouleverse. Mais j'ai éprouvé la même chose sur La rafle, qui n'était pas moins sincère.

Beau succès en salle : 810.000 entrées. Ma question est donc : pourquoi avoir descendu en flammes La rafle et pas celui-ci ? Je n'ai trouvé que Libération pour un commentaire agacé : " le film est pénalisé par la lourdeur des effets, entraînant le spectateur au bord du coma glycémique. Quant à la morale de l'histoire, elle est empreinte d'une psychanalyse lourdaude sur le thème de la révélation nécessaire de la vérité (...)"

A vous la parole ! Moi j'ai assez réfléchi pour ce matin.


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