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Les femmes se font une place dans le polar et le roman noir

Par Anneju71 @LesMotordus

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Bonjour,

J’ai repris mes balades et voilà ce que j’ai trouvé sur le site Terra Femina, un article sur les femmes qui n’ont plus peur d’écrire des romans noirs et des polars. Elles ont leur place maintenant et une très bonne place mais les préjugés sont longs à disparaître. J’avais donc envie de partager avec vous cet article très passionnant. ;-)

Voilà l’article en question d’ Anaïs Orieul Publié le Mardi 27 Octobre 2015 :

 » Entre les femmes et la littérature policière, c’est une histoire d’amour qui dure depuis plusieurs siècles. Comment les auteures ont-elles réussi à s’imposer dans un univers en apparence si noir, si violent, et surtout si masculin ? En proposant leur propre vision tout en refusant de rentrer dans des cases. Aujourd’hui, ces reines du crime ont investi tout le champ du roman policier et il y a pas mal de raisons de s’en féliciter.

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Début octobre, le Festival International des écrits des femmes consacrait sa quatrième édition aux « Reines du crime », ces romancières qui ont réussi à imposer leurs plumes dans le milieu très sombre de la littérature policière. Durant deux jours à Saint-Sauveur-En-Puisaye, le village natal de Colette, intervenants et écrivains sont revenus sur le rôle important qu’ont joué les femmes dans la montée en puissance du polar et du thriller. Car oui, on a beau associer ce genre à une masculinité très exacerbée, les auteures avec un grand « E » n’en restent pas moins les pionnières. Après Edgar Allan Poe, le premier à se lancer dans le policier fut en fait une première. Surnommée la « Mère du roman policier », l’Américaine Anna Katharine Green publia ainsi son premier roman, Le crime de la 5e avenue, en 1878. Vendu à plus d’un million d’exemplaires, le livre choqua les lecteurs et ouvrit la voie à d’autres grandes auteures, de la baronne Orczy à Ngaio Marsh en passant par Dorothy Sayers, et bien sûr, Agatha Christie.

On pourrait donc justement penser qu’entre les femmes et le roman policier, c’est une histoire qui roule depuis des décennies. Mais tout n’est pas si simple. Car si aujourd’hui Gillian Flynn, Camilla Läckberg, Paula Hawknis et consoeurs mènent la danse en tête de gondole, la critique a longtemps minimisé la valeur littéraire du roman policier. Aussi, la question se pose : est-ce parce que cette littérature a longtemps été dédaignée par les auteurs classiques et considérée comme un genre mineur qu’on a laissé les femmes s’y épanouir ? Pour Catherine Chauchard, directrice de la BiLiPo (Bibliothèque des Littérature Policières), les choses ne sont pas si simples :

« Effectivement, à l’époque, ce genre était déconsidéré. Mais en même temps, il y avait des enjeux économiques importants, alors pourquoi les hommes ne s’y seraient pas intéressés ? Bon, c’est sûr qu’on ne voyait pas ça comme une littérature sérieuse mais c’était toujours de très bon ton. L’ordre était toujours rétabli dans ces romans d’énigme. Les femmes n’écrivaient pas des choses épouvantables et choquantes ».

Inverser le schéma et bannir les stéréotypes

Ces choses épouvantables et choquantes qui ne seraient jamais nées sous les plumes de P.D. James ou Dorothy Sayers vont pourtant bientôt se retrouver au coeur des romans de Fred Vargas, Patricia Cornwell, Louise Penny et bien d’autres encore. A partir des années 80, les auteures commencent ainsi à proposer des histoires aussi sombres que celles de leurs homologues masculins. Catherine Chauchard raconte : « Il y a eu un gros tapage médiatique autour des femmes qui se mettaient à écrire des romans policiers vraiment noirs et violents. Il y a eu beaucoup de presse autour de ça, beaucoup d’étonnement, un succès lié à du scandale, mais j’ai le sentiment qu’aujourd’hui on ne se pose plus ce genre de question. Les femmes écrivent toutes sortes de choses, elles s’embarrassent moins de ce cloisonnement qu’on aime bien établir, elles ne se posent plus la question de savoir si elles appartiennent à un genre. Cela leur donne une plus grande liberté et j’ai le sentiment qu’elles ne se posent plus de question ».

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@pulse-SIPA

Les femmes s’embarrassent moins donc, et surtout, elles ne cherchent pas à faire une « littérature d’hommes ». Elles ont leur propre vision de la violence et de la société. Doucement mais sûrement, elles brisent aussi les stéréotypes. Grâce à elles, les victimes retrouvent une dignité qu’elles n’avaient pas forcément dans les romans écrits par ces messieurs. Et même s’il leur faut du temps, elles se mettent peu à peu à délaisser le héros au profit de l’héroïne. Dans son dernier livre, Et ils oublieront la colère (Ed. Gallimard), l’auteure de romans noirs Elsa Marpeau inverse ainsi le schéma vieux comme le monde de la victime féminine et de l’enquêteur masculin. Un parti-pris qui lui tenait à coeur :

« C’était conscient. Je lis presque exclusivement du polar et du roman noir et je commençais à en avoir vraiment assez de retrouver le même schéma avec une victime féminine ou avec une femme dont on évoque surtout la beauté. Donc j’ai voulu inverser parce que sincèrement, la victime n’est quasiment jamais un homme. Je voulais montrer que ça fonctionne tout aussi bien lorsqu’on inverse. Plus on montre qu’il est possible d’inverser les rôles, plus on fait évoluer les regards ».

De son côté, Manuel Trictoteaux, directeur de la collection Actes Noirs (Ed. Actes Sud), se réjouit de l’émergence d’héroïnes subversives qui permettent aux lectrices de se retrouver enfin dans ce qu’elles lisent : « Le lectorat de romans policiers est très féminin. Alors quand débarquent des livres comme Les Apparences de Gillian Flynn ou la saga Millénium, on comprend pourquoi ça marche. Vous avez des héroïnes extrêmement troubles et transgressives et sûrement qu’une part du lectorat féminin se voit en elles ».

Les femmes ont donc massivement investi la littérature policière. Mais si elles décrivent la violence sans retenue et sont lues par des millions de personnes, certains osent encore leur reprocher leur « écriture féminine » ou pis encore, leur place dans le milieu.

« C’est du polar de nana mais c’est bien »

Si les auteures de romans policiers vendent autant que leurs homologues masculins, elles continuent malheureusement d’être rangées dans des cases. En France, Elsa Marpeau est l’une des rares femmes à écrire des romans noirs et avec quatre romans derrière elle, elle continue pourtant de subir des remarques aussi aberrantes que sexistes. Elle se souvient : « Une fois, un libraire m’a présenté en disant : ‘C’est du polar de nana mais c’est bien’. Et ça, c’est censé être un compliment. Donc il y a quand même encore beaucoup de préjugés ».

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Et les préjugés ne s’arrêtent pas là puisqu’elle ajoute : « Le roman noir reste un univers d’hommes, c’est certain. Je dirais qu’on continue de regarder les auteures avec une légère condescendance. Par exemple, on m’a demandé très souvent si j’étais publiée parce que je couchais avec mon éditeur. Et là, les bras vous en tombent. Alors, est-ce que c’est pour éviter des remarques pareilles que Fred Vargas et Dominique Manotti ont pris des noms androgynes ? Je ne sais pas, mais on peut quand même se poser la question. Je pense que ce n’est pas anodin. Effectivement, on aimerait bien pouvoir échapper à cette espèce de rangement dans des cases selon notre genre. Mais c’est comme partout ailleurs dans la société, il ne faut pas se leurrer ».

De son côté, Catherine Chauchard tempère : « C’est vrai que les gens qui ont le pouvoir dans ce milieu-là, c’est-à-dire les éditeurs et les directeurs de collections, sont plus majoritairement des hommes que des femmes, même si ces dernières ont trouvé une place nouvelle. Il y a quelques directrices de collection et pas des moindre, mais globalement, ça reste une affaire d’hommes.Concernant les romancières, c’est vrai qu’avant les années 90, elles faisaient un peu phénomènes de foire, mais c’est rentré dans les moeurs. Je ne sais pas si une jeune femme qui arrive dans ce milieu doit faire plus ses preuves qu’un homme. Je n’en suis pas sûre. Je pense que c’était beaucoup plus fort il y a quelques années. Les femmes se sont beaucoup défendues de ça. Elles en avaient assez de ce discours, de ces préjugés qui ne reposaient sur rien finalement ».

Manuel Trictoteaux, lui, est encore plus catégorique : « Si vous regardez la production littéraire globalement, elle est aussi masculine que féminine. Je pense que dans le milieu littéraire, la femme tient vraiment une place aussi importante que celle de l’homme. Ce n’est pas le cas dans le milieu de la musique classique par exemple, qui est un milieu très largement masculin, et c’est valable dans d’autres domaines artistiques. Mais en littérature, je n’ai pas l’impression qu’on soit dominés par les hommes, qu’il n’y ait qu’eux qui écrivent ».

Si les femmes sont aussi présentes que les hommes dans le milieu littéraire, reste qu’elles continuent d’être mises à l’écart. Ainsi, elles gagnent peu de prix littéraires (16% de lauréates depuis le début du 20e siècle en France), les romans mettant en scène des héroïnes sont également peu primés, voire ignorés, et selon l’analyse faite par une maison d’édition irlandaise,les auteurs eux-mêmes ne s’intéressent pas aux écrits des romancières. Les femmes ont peut-être dominé le roman policier depuis le début de ce genre, mais comme le dit si bien Elsa Marpeau : « On peut être aussi violentes que les hommes et traiter des mêmes sujets qu’eux avec autant de noirceur et d’esprit politique. Par contre, le regard des gens du milieu n’est pas le même pour un homme ou pour une femme. Il y a encore du chemin à faire ».


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