Alors que je tapote frénétiquement sur mon clavier pour aligner mes 1667 mots du jour – NaNoWriMo oblige –, j’ai tout de même pris le temps d’écrire une petite chronique pour le blog. Je vais vous parler d’un livre qui a habillé les devantures des librairies et qui a fait le tour de la blogosphère il y a plusieurs semaines (oui, j’arrive encore en retard) : L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea de Romain Puértolas (et du lobby des titres à rallonge).
Petit résumé rapide : Ajatashatru est venu à Paris pour venir chercher un lit à clous, voyage financé par son village. Cet homme mi-fakir, mi-illusionniste n’a pas trouvé de meilleure idée que de dormir directement dans le magasin Ikea pour repartir tranquillou en Inde chez lui dès le lendemain matin. Sauf que, les choses ne se passent pas exactement comme prévu. Déjà, il se met à dos un conducteur de taxi gitan qui l’a mauvaise de s’être fait arnaqué de 100 euros, et surtout, Ajatashatru se retrouve coincé dans une armoire Ikea (fallait bien que ça arrive) jetée directement dans un camion. De là, une grande aventure commence, à la fois farfelue, décalée, riche en émotions et en rencontres, une aventure qui lui fera traverser plusieurs pays et dangers.
Ce livre est complètement barré. L’histoire part en cacahuète dès les premières pages et on se demande sous quelle drogue ce roman a été écrit. Un fakir qui fuit un gitan en Italie en montgolfière… mais bien sûr, mais c’est logique ! Bref, les aventures d’Ajatashatru sont tirées par les cheveux, mais cela c’est un parti pris, on n’a qu’à suivre le mouvement et voir ce qui se passe. L’avantage, c’est qu’on est constamment surpris. Cette histoire est très rafraîchissante et ça change des romans linéaires et peu étonnants qu’on peut lire le reste du temps.
Toutefois, j’ai eu beaucoup beaucoup de mal à aimer ce livre. Déjà parce que le personnage principal n’est pas humainement réaliste, ni attachant, et ne pas pouvoir aimer ce héros a enlevé énormément d’intérêt pour la suite de l’histoire. Mais surtout parce que l’écriture m’a hérissé le poil (mais c’est un avis très personnel, qui va sûrement à l’encontre de beaucoup d’autres opinions, hein, pas la peine de me sauter à la gorge). L’humour est artificiel, je n’ai ri à aucun moment. Les jeux de mots sur les noms des personnages sont lourds, cassent le rythme, et ont vraiment perturbé ma lecture. Mais plus profondément, c’est ce terrible décalage entre les magnifiques pages sur l’immigration et les migrants, et les situations trop ubuesques et sentant le papier mâché pour être un seul instant drôles qui m’a perdu.
Je ne sais vraiment vraiment pas quoi penser de ce livre. J’ai déjà lu d’autres romans décalés qui m’avaient amusé, étonné, enthousiasmé. Et ça a été le cas par moment ici, mais les nombreux autres moments où j’ai été mal à l’aise ou déçue contrebalancent tout cela. J’ai conscience d’être un peu dure dans cette chronique, je rappelle donc que c’est tout à fait subjectif et personnel. Je ne suis peut-être pas faite pour être lectrice de ce genre d’ouvrage et s’il a pu faire sourire d’autres personnes, c’est vraiment le principal. Il en faut pour tous les goûts, et rien que le fait d’écrire quelque chose d’aussi « hors normes » mérite d’être salué.
« S’il ne savait pas ce qu’il allait lui arriver dans les dix prochaines minutes, l’Indien était content d’être là. À cette heure-ci, il aurait du se trouver dans l’avion, de retour chez lui. Et aussi étrange que cela puisse paraître, cela ne lui manquait pas. Du moins maintenant, là, tou de suite, car le pression venait de retomber un peu. Il se dit qu’il était en train de faire un voyage incroyable et qu’il rencontrait des personnes merveilleuses. Il fallait profiter de cet élan de joie, car dans quelques instants il serait sûrement en train de se morfondre dans son lit, seul, en proie à la plus vive des dépressions, celle des exilés, des instables, celle des sédentaires qui se retrouvent parachutés loin de chez eux, qui ont le mal du pays, le manque dans les veines et qui n’ont plus aucune branche à laquelle s’accrocher. »
Romain Puértolas, L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, aux éditions La Dilettante, 19€.