Magazine Culture

Résurrection royale : de la danse à Saint Denis

Publié le 06 novembre 2015 par Jebeurrematartine @jbmtleblog

C’est dans une ambiance étrange et presque mystique que nous sommes entrés dans la basilique de Saint-Denis, bien connue pour abriter les sépultures de la monarchie française. Ce samedi, nul curieux déambulant autour des gisants des rois, nul évènement liturgique ; non, nous sommes sagement regroupés à l’entrée du parcours, et nous observons des gisants, bien réels, se relever. Je vous explique.

_MG_1582

©Emmanuelle Metz – CMN

Monuments en Mouvement est une « opération nationale » du Centre des Monuments Nationaux (CMN) se produisant d’avril à octobre 2015 et qui, par le biais de la danse contemporaine, apporte un regard nouveau sur certains édifices français à l’aide de quatre célèbres chorégraphes : Radhouane El Meddeb, Thomas Lebrun, Yoann Bourgeois, et Nathalie Pernette. Ceux-ci sont invités à réfléchir à des thèmes (mettre le monument en mouvement, mais aussi l’existant, la mémoire et l’héritage) et à concevoir une chorégraphie en conséquence, selon le lieu où elle se déroulera.

Ainsi, pas moins de huit monuments se sont vus « habités », le temps d’une heure, à Paris mais aussi ailleurs en France : le Panthéon, l’abbaye de Cluny, le Château d’Azay-le-Rideau, le Palais Jacques Cœur, le Château de Chateaudun, le Trophée d’Auguste à la Turbie, le Mont Dauphin, et la basilique Saint-Denis – dont la restauration de la façade principale a été récemment inaugurée. Dans cette dernière, Nathalie Pernette sut parfaitement adapter danse et monument avec le projet « La figure du gisant » (représentée également à l’abbaye de Cluny) pour cinq danseurs : Lucien Brabec, Lisa Guerrero, Vincent Simon, Laure Wernly et la chorégraphe elle-même.

Résurrection royale : de la danse à Saint Denis
Résurrection royale : de la danse à Saint Denis
Résurrection royale : de la danse à Saint Denis

Jusqu’ici, le CMN avait déjà organisé des manifestations littéraires ou musicales dans des monuments, mais jamais il n’avait invité de spectacle vivant à se produire au cœur du patrimoine, « pour révéler, au moyen de mises en tension inédites entre immobilité et mouvement, de nouvelles dimensions du patrimoine monumental » comme le dit Philippe Bélaval, président du CMN. Cette première édition fut une réussite si l’on en juge par la qualité du spectacle et la densité du public (nous devions être une bonne soixantaine voire plus).

_MG_1564

©Emmanuelle Metz – CMN

Durant une heure, le public est tantôt porté, tantôt surpris par des changements de rythmes, jouant entre agitation des « vivants » et immobilité des lieux, verticalité des hommes et de l’architecture, effets sonores accordés aux changements de rythmes, alternant cris, paroles, interventions avec le public. Le tout est accompagné de l’odeur d’encens qui se consume lentement dans la basilique, et participe à l’immersion du spectateur dans un monde fantastique et étrange, où les règles ne sont pas définies clairement, et où il ne peut qu’observer et se laisser guider. Les mouvements sont parfois individuels, parfois groupés, dans une harmonie maitrisée. Les regards sont toujours intenses, et le spectateur se sent réellement lié à ces figures de gisants, sollicité, bien qu’il ne comprenne pas forcément leur langage. Le jeu de la respiration est également très présent, accordant geste et souffle, comme si la pierre elle-même se mettait à respirer.

_MG_1541

©Emmanuelle Metz – CMN

La basilique, elle, est réellement mise en valeur d’une toute nouvelle façon puisqu’elle est ici décor d’un univers différent du nôtre. L’effet est tel qu’à un certain moment, on s’attend presque à voir les gisants de pierre se relever et prendre part à la fête. La lumière du soir qui se faufile à travers les vitraux est proprement majestueuse et crée un jeu d’ombre et de lumière propice au mystère et au rêve, créant un lieu intemporel. On hésite tout au long de l’opération entre émerveillement et inquiétude, mais ces gisants ne sont en rien menaçants : ils semblent seulement retrouver le plaisir du mouvement, et en les admirant, nous le partageons aussi.

Cette représentation était la dernière de la saison 2015 et, si vous l’avez manquée, pas d’inquiétude : le CMN prévoit une saison 2016.

Manon Durand


Classé dans:Cirque & Danse Tagged: basilique, cathédrale, cmn, danse, danse contemporaine, gisants, monument historique, monuments en mouvement, Nathalie Pernette, performance, Saint Denis

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jebeurrematartine 14545 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine