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La dernière leçon, une certaine idée du progrès humain…

Par Rémy Boeringer @eltcherillo

La dernière leçon, une certaine idée du progrès humain…

Avec La dernière leçon, Pascale Pouzadoux s’empare d’un épineux sujet de société, à savoir l’euthanasie, et tente maladroitement de faire la leçon aux spectateurs. A l’inverse de C’est qui les plus forts qui sur un autre sujet controversé, la gestation pour autrui, tentait d’étayer les différents points de vus, le dernier film de la réalisatrice condamne sans attente les points de vus divergents. En découle, lors de la projection, un malaise certain qui risque de mettre à mal même les plus convaincus.

Lors de son quatre-vingt-douzième anniversaire, Madeleine (Marthe Villalonga) annonce à toute la famille réunie que, lasse de vivre, elle souhaite mettre fin à ses jours sous deux semaines.

La dernière leçon, une certaine idée du progrès humain…
Pierre (Antoine Duléry que l’on avait vu dans l’excellent spectacle Antoine Duléry fait son cinéma (mais au théâtre)), Madeleine (Marthe Villalonga) et Diane (Sandrine Bonnaire)

La dernière leçon, de quelle leçon s’agit-il au juste? D’une leçon de vie, d’une leçon sur la vie ou plus prosaïquement de la dernière leçon que la matriarche de la famille va donner à ses enfants et petits-enfants ? C’est un peu sur cette question là que le film s’achoppe. La question de la dignité devant la mort est là, omniprésente, et devant elle se dérobe toutes les autres questions, toutes aussi fondamentales et qui devrait voir le jour. Il semble que dans La dernière leçon, seule l’idée que Madeleine se fait des événements semblent réellement comptée. Pierre (Antoine Duléry), son fils, opposé à l’idée, ne la supportant pas, demeure là comme un faire valoir contradictoire et s’efface rapidement du récit pour finir par n’être plus rien qu’un dommage collatéral. Il n’est pas question pour nous d’avancer les problèmes théologiques, d’autre s’en chargeront pour instrumentaliser leurs croyances mais la controverse sur la fin de vie mérite bien un peu de substance philosophique et éthique.

La dernière leçon, une certaine idée du progrès humain…
Madeleine (Marthe Villalonga) et Pierre (Antoine Duléry)

Éthiquement, d’abord, doit-on faire subir à sa famille un choix qui nous est intime et peux s’avérer violent à comprendre pour nos proches ? Pour le dire, de façon un peu trash mais comme ça nous passe par la tête, Madeleine, elle ne pourrait pas se foutre en l’air, à la fraiche, tranquille, avec un bon verre de pinard, à la maison, laisser une lettre sur ses motivations, sans blesser davantage ses enfants ? Il y a dans son désir de faire partager son suicide, une fois passer les motivations idéologiques, quelque chose de malsain. Si Madeleine a été de tous les combats émancipateurs, du droit de vote des femmes à l’interruption volontaire de grossesse, peut-elle faire de sa propre famille un champ d’expérimentation ? Madeleine ne souffre pas le martyr, elle est juste diminué par la vieillesse. Ne plus pouvoir conduire ou marcher sans l’aide d’une canne justifie pour elle le recours fatal. La gène s’installe lorsque l’on comprend que La dernière leçon érige cela comme son dernier combat militant alors qu’il s’agit justement d’abandonner. Par orientalisme curieux, une femme de ménage noire, Victoria (Sabine Pakora que l’on a vu dans Samba), censée être naturellement plus ouverte que la famille au sujet de l’au-delà car mystique par nature, sert à appuyer le propos.

La dernière leçon, une certaine idée du progrès humain…
Victoria (Sabine Pakora) et Madeleine (Marthe Villalonga)

Doit-on, institutionnaliser davantage l’industrie de la mort, celle qui vous dépouille une dernière fois, même mort ? Pas un seul mot n’est dit sur les équipes soignantes dont le but est de sauver des vies et à qui l’on souhaiterait faire porter le fardeau d’une décision profondément personnelle. L’auto-délivrance assistée, concept morbide importé de la frontière helvétique, nous semble tout à fait incongru et terriblement triste. En Suisse, l’on peut demander à se faire assister pour se suicider à la suite d’un chagrin d’amour. Nous savons ce que l’humanité et la vie peuvent réserver d’incroyables retournements de situation. La tyrannie de l’instant, si chère à notre société du spectacle, s’infiltre jusque dans notre rapport au trépas. Si il est tout à fait possible de comprendre qu’un patient ne souhaite plus être soigner, et qu’il est indispensable, c’est le but des soins palliatifs, de soulager les souffrances des mourants, peut-on laisser l’espoir perdre toutes ses lettres de noblesses ? Autant d’interrogations que La dernière leçon ne met même pas en chantier…

La dernière leçon, une certaine idée du progrès humain…
Madeleine (Marthe Villalonga) et Diane (Sandrine Bonnaire)

Pour conclure, La dernière leçon est pensé, justement, comme une leçon à délivrer à l’humanité. En vérité, nous pensons que le sujet de la fin de vie est si intimement lié à notre propre conscience, à notre âme pour ceux qui croit à son existence, bref, à notre manière de l’intellectualiser et que la peur de l’inconnu, de la mort, du néant est si universelle que la responsabilité de la porter ne devrait jamais peser sur les vivants. Le beau rôle est littéralement donné à la fille de Madeleine, Diane (Sandrine Bonnaire) tandis que le fils, un mur d’incompréhension, presque méchant, devient un personnage négatif, un symbole passéiste. Et c’est là que, malgré quelques inévitables moments d’émotion, on a nous même versé quelques larmes, La dernière leçon est une fable moralisatrice qui semble vouloir nous convaincre que la marche du progrès est implacable. Or, il n’est pas question de progrès ici, mais d’une responsabilité propre à chacun que l’on voudrait imposer au corps sociétal.

Boeringer Rémy

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