Les Sirènes noires de Jean-Marc Souvira 3,75/5 (06-11-2015)
Les Sirènes noires (439 pages) sort le 12 novembre 2015 aux Editions Fleuve (collection : Les Noirs).
L’histoire (éditeur) :
03 h 20 du matin, Ouest parisien. Le commissaire Mistral écoute un morceau de jazz, son humeur à l'unisson. Les lumières de la ville défilent à travers la vitre. Plongée en apnée dans son âme. Il ne le sait pas encore mais le compte à rebours a commencé.
Plein jour, sud-est du Nigeria. Les tambours résonnent. Margaret, 17 ans, corps de déesse et cœur sur le point d'imploser d'émotion, s'avance sous la tente. La cérémonie débute. Elle ne le sait pas encore mais son destin, et celui de sa famille, sont sur le point de basculer.
Retour à Paris. Un homme guette, attend, les sens en alerte dans l'obscurité. Il n'en peut plus. Il fredonne comme une litanie sans fin son morceau culte d'AC/DC. Il savoure par avance le moment où il possédera sa proie.
Le tic-tac s'égrène. Le point d'impact de ces trajectoires humaines est imminent.
Mon avis :
Personnage récurent des romans de Jean Marc Souvira, Ludovic Mistral revient ici avec une flopée d’enquêtes qui vont l’amener à voir au-delà du rationnel et prendre de définitives résolutions.
Entre une série de viols suivis de meurtres qui sévissent dans des parkings parisiens (dont le principal suspect s’évade lors d’une (foireuse) perquisition), le double assassinat rituel d’un couple d’albinos (dont seuls les troncs ont été retrouvés dans un squat du 18ème) et de jeunes nigériennes (à peine adultes) débarquées sur la capitale pour exaucer leur rêves de vie meilleure et aider leur famille restée au pays mais qui se retrouve sous le coup d’une mère maquerelle absolument exécrable, le chef de la brigade criminelle de la police judiciaire n’a plus de temps pour sa vie de famille. A cela s’ajoute des problèmes personnels liés à un accident survenu dans son enfance et une affaire non classée vieille de 15 ans qui revient sur le tapis…
Voilà un roman qui ne laisse pas beaucoup de répit.
Effectivement Les sirènes noires est assez lourd en terme d’intrigues (ce qui peut s’avérer un peu déstabilisant pour les lecteurs peu aguerris). C’est un point qui certains pourraient lui reprocher, estimant qu’il part un peu trop tous les sens. Ça été pour moi au contraire un atout. Ça va vite et l’intérêt est constamment mobilisé car les affaires avances à leur rythme, en parallèle, à mesure que les résultats et les échanges font progresser les différentes enquêtes.
Le souci de réalisme lié aux procédures donne un aspect fort au livre, car l’auteur a pris soin de ne pas faire avancer les affaires les unes à la suite des autres mais, comme dans un véritable service criminel confronté à une multitude d’enquêtes d’importance, le personnel doit faire en fonction de l’avancée de chacune, et même avec les échecs parfois (certaines ici n’aboutissent pas toujours). Alors c’est sûr que tout s’entremêle, mais la compréhension chez le lecteur n’est pas pour autant mise à rude épreuve, grâce à la fluidité de la narration, et permet aussi de bien ménager le suspens.
Autre point relatif au travail de l’auteur à souligner, la véracité de certains faits se ressent bien et fait d’autant plus froid dans le dos.
La prostitution majoritairement étrangère en France (10% seulement est dite de « locale » contre 90 venant de l’étranger, surtout d’Afrique et d’Europe de l’est) est ici montrée sous son jour le plus sombre. Il existe une coercition mentale exercée auprès des jeunes filles absolument effrayante.
La magie et les croyances africaines sont abordées pour signaler l’emprise mentale vis-à-vis des victimes des réseaux de prostitution, et également pour souligner leur développement dans les pays occidentaux par le biais ici de meurtres rituel d’albinos en plein cœur de Paris. Moins poussées que dans le roman Dust de Sonja Delzongle, les descriptions et les références aux rites originaux vis à vis d’albinos restent ici malgré tout très dures (bien que l’auteur nous épargne quelques détails plus sordides de la réalité).
Par contre, le point qui m’a beaucoup moins emballée est le style. J’ai trouvé l’écriture froide et manquant d’âme, rendant l’attachement aux personnages presque impossible. Ce n’est pas mal écrit et je n’ai rien à redire sur la syntaxe, mais le manque d’émotion dans la narration m’a embêtée. J’ai trouvé le style trop précis (sauf pour la psychologie des personnages) et professionnel. Il y a un recul émotionnel (notamment vis-à-vis de Mistral) et une abondance de détails techniques sur le fonctionnement de la brigade criminel qui apporte trop de distance.
Malgré ce point Les sirènes noires est un bon polar palpitant qui se lit très vite.