Deux de Penny Hancock 5/5 (07-11-2015)
Deux (492 pages) est sorti le 5 novembre 2015 aux Editions Sonatine (traduction : Marianne Thirioux)
L’histoire (éditeur) :
Au Maroc, la vie de Mona est devenue un calvaire. Elle s’occupe de sa fille, Leila, et de sa mère malade. Al, son mari, a disparu depuis plusieurs mois, peut-être parti en Angleterre pour finir ses études de médecine. Aussi quand l'opportunité d'aller travailler à Londres s'offre à elle, Mona la saisit.
A Londres, Theodora a besoin d'aide. Entre son père qui souffre de la maladie d'Alzheimer, son fils qui passe sa journée devant la télé et son émission de radio, elle ne s'en sort plus. L'arrivée de Mona dans sa vie va tout changer. Enfin elle va pouvoir s'occuper d'elle et des siens en sachant qu'elle peut se reposer sur quelqu'un. Sa maison sera impeccable, sa vie sociale à nouveau trépidante et elle va gagner, avec l'arrivée de la discrète Marocaine, plus qu'une employée de maison, une véritable confidente.
Chacune dépend de l'autre mais, très vite, va s'instaurer entre elles un rapport étrange, insidieux et violent. Une lutte feutrée, tout en retenue et en non-dits, qui ne peut que les mener au pire.
Mon avis :
Deux est de ces romans que vous commencez et dont le style et l’ambiance vous captivent tant que vous ne pouvez plus vous en détacher.
Penny Hancock y exploite là des sujets tels que l’esclavage moderne, la paranoïa, les difficultés à gérer sa vie face aux tragédies personnelles et quand celle des autres vient interférer (ascendants malades et dépendants, enfants adultes à charge…), et surtout les relations toxiques qui peuvent se développer entre deux personnes.
Ça ne partait pourtant pas si mal entre Theodora Gentleman et Mona. La première, dépassée par son travail, son fils et son père dépendant tous deux revenus vivre chez elle, et les tâches domestiques, est contrainte d’employer une aide à domicile. L’arrivée de cette dernière est pour elle une bénédiction. La femme marocaine a laissé sa fille et sa mère malade au pays croyant cet emploi salutaire aussi bien financièrement que familialement (espérant ainsi pouvoir retrouver son époux Ali qui n’a plus donné signe de vie depuis sa venue à Londres pour finir ses études de médecine). Petit à petit les choses s’arrangent donc pour Dora et Mona. Effectivement, l’une gagne une maison bien tenue, du temps pour elle et le soulagement de voir son père entre de bonnes mains, tandis que l’autre gagne de l’argent pour faire soigner sa mère, l’opportunité de faire ses recherches et l’espoir de voir sa vie s’arranger…
« Mona et moi pouvons nous entraider. Nous sommes comme les tours d’un pont, indispensables l’une à l’autre. » Page 124
Mais cela ne dure pas longtemps et la tension s’installe finalement assez vite entre elles…
Je dois dire que j’ai vraiment beaucoup aimé la manière dont l’histoire s’enfonce dans le malaise. On voit la situation doucement dégénérer de manière crédible et on est gagné par le trouble qui va croissant. La tension, palpable, est particulièrement soutenue et donne à l’intrigue un caractère anxiogène fort.
Rien d’étouffant pour autant grâce à la grande fluidité de l’écriture et aux choix judicieux du double point de vue. L’alternance des discours à la première personne se fait naturellement comme si l’une et l’autre se passaient la parole. Penny Hancock réussit ainsi à développer une intrigue psychologique très travaillée, de manière coulante et sans aucune redondance, car les deux femmes se renvoient l’intrigue de manière à donner au lecteur un double point de vue des faits sans aucun sentiment de répétition.
Après Désordre, l’auteure montre avec ce roman qu’elle maîtrise parfaitement le thriller psychologique. La complexité des sentiments, les rapports humains et le désespoir sont très bien exploités.
Doucement le drame s’annonce, la paranoïa s’installe, les fissures s’intensifient, la compassion grandit, le récit s’accélère et vous restez agrippés aux pages, angoissés par la tournure des événements et pris au piège (comme Mona) par cette efficace et incisive narration.
« Cette femme, celle que je vois se dessiner pat la porte entrouverte, est bien différente de la Dora que je connais. Là, devant moi, se tient une femme inquiète, qui regarde son image dans le miroir d’un air renfrogné. Comme si l’on ôtait un masque et qu’une personne plus douce et plus vulnérable – voire plus effrayée, se révélait en dessous.
C’est à ce moment-là que Dora se retourne, surprise pat un tout petit bruit ou mouvement que j’ai fait sans m’en rendre compte. Le masque se remet brusquement en place. » Page 301
Deux mots : très efficace !!!!