Magazine Cinéma

Une journee particuliere - 8/10

Par Aelezig

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Un film de Ettore Scola (1977 - Italie, Canada) avec Sophia Loren, Marcello Mastroianni

Superbe film.

L'histoire : Rome, 8 mai 1938. Hitler vient rendre visite au Duce et c'est une fête nationale. Antoinette, mère de six enfants, réveille sa petite famille et son mari pour qu'ils soient prêts à temps, elle leur a préparé le petit déjeuner, repassé les vêtements... Et  maintenant elle va rester seule, ne pouvant pas participer à la joie collective, car il faut faire sept lits, nettoyer, ranger, préparer le dîner du soir... Antoinette est vaillante mais sa vie est entièrement au service de sa famille, qui la traite comme une bonne à tout faire. Alors qu'elle s'apprête à donner des graines à son mainate, l'oiseau s'échappe et va se poser de l'autre côté de la cour, près d'une fenêtre où elle aperçoit - miracle - un homme seul, qui doit bien être l'unique personne avec elle, à ne pas participer aux manifestations. Antoinette va timidement sonner chez lui pour qu'il l'aide à attraper son oiseau.

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Mon avis : Le film débute avec une séquence hallucinante, les actualités de l'époque, qui annoncent l'arrivée à Rome de Hitler, sa rencontre avec le Duce, qui est donc le contexte de l'histoire ; une journée très particulière, parce que tout le monde quitte son domicile pour aller applaudir les défilés, fanfares et autres réjouissances. On y voit donc le Führer, acclamé partout, dans son trajet qui le mène vers Rome, par des foules en liesse. Et à Rome, n'en parlons pas, c'est L'EVENEMENT à ne pas manquer. Et c'est absolument incroyable de voir comment ces hommes, et surtout Adolf, ont pu ainsi déclencher un tel enthousiasme populaire dans leurs pays respectifs. Deux hommes que finalement rien ne destinait à ce parcours dément... Pourrait-on aujourd'hui, en face d'un homme qui semblerait soudain providentiel, se lever tous pour le suivre ? L'avenir nous le dira peut-être...

Bref. Après cette petite introduction, revenons à nos moutons. Car cette journée particulière va l'être aussi, d'une façon bien différente, pour deux âmes esseulées. Une petite histoire très simple, une rencontre, entre deux oubliés, deux rejetés de la société, qui s'apprivoisent. Une sorte de Sur la route de Madison, sans issue, dans un grand immeuble déserté par ses habitants.

Le duo d'acteurs est une pure merveille. Sophia Loren a défrayé la chronique de l'époque, dans un rôle loin de son glamour habituel ; elle apparaît (presque) sans maquillage, en vieilles pantoufles et tablier usé. Marcello Mastroianni quant à lui incarnait un homosexuel, mal dans sa peau (l'homosexualité était alors un tabou), à cent lieues de ses prestations habituelles de latin lover. Les gros plans sont sublimes, et d'une façon générale, l'image très belle.

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Les deux personnages sympathisent rapidement, attirés l'un par l'autre. Maladroits, timides, ils se cherchent. Puis ils s'affrontent, parce qu'il découvre qu'elle est une partisane farouche du Duce et qu'elle accepte sans broncher le sort qu'il réserve aux femmes (entre autres). Elle comprend mal sa position : on ne critique pas le Duce. Puis elle réfléchit, et il la fait rire, et danser. Là, elle se méprend, croit qu'il n'est qu'un vulgaire dragueur. Il lui avoue alors son homosexualité et les conséquences désastreuses sur sa vie ; au lieu de le blâmer, elle fait un rapprochement avec sa condition de femme constamment humiliée... Deux êtres que tout oppose comprennent peu à peu qu'ils subissent le même ostracisme. Tout l'échange est magnifique et les répliques pleines de sens. Loin de s'arrêter à la vie des deux protagonistes, leur conversation dénonce la société fasciste italienne et ses dérives, qui ne connaît que le mode binaire : ou on adhère, ou on sort.

Toute la bande-son est l'enregistrement des discours, des hymnes nationaux, des diverses célébrations de cette journée pas comme les autres. Incroyable.

L'immeuble à lui seul est symbolique. Tape à l'oeil, très "moderne", il se veut symbole de la nouvelle vie qu'offre le régime aux Italiens. En réalité, on y étouffe tout autant que dans une masure. Le poids du béton, le labyrinthe des couloirs, les commérages, le qu'en-dira-t-on... Lourd, etouffant, poignant. La concierge est infâme, et la fin du film terrible...

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Tout se passe dans l'immeuble et on pourrait croire qu'il s'agit de l'adaptation d'une pièce de théâtre. Mais non. Scénariste et réalisateur en ont décidé ainsi, car ils voulaient raconter l'histoire de deux solitudes et il est clair que pour un tel sujet, nul besoin de 50.000 décors. C'est donc le théâtre qui cette fois a fait ensuite des adaptations du film.

Ettore Scola, ce jour-là, en cette "journée particulière" avait 8 ans et défilait pour les Jeunesses Mussoliniennes.


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