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Sophia Dixon Dillo : les chemins de la lumière

Publié le 20 novembre 2015 par Pantalaskas @chapeau_noir

C'est une interrogation sans fin remontant aux temps les plus anciens qui tente de cerner la nature de ce phénomène indéfinissable : la lumière. De Platon envisageant des rayons partant de l’œil et interceptés par l’objet jusqu'à la théorie ondulatoire de Christian Huygens puis celle d' Isaac Newton pour qui les faisceaux lumineux sont une succession de grains de lumière, chaque nouvelle hypothèse a eu pour ambition de capter cette réalité insaisissable.

-Lighting form - Arvada Center of Arts - 2014.

Sophia Dixon Dillo Lighting form - Arvada Center of Arts - 2014.

Peut-on attendre des artistes une approche plus significative pour chacun de nous ? De Georges de la Tour aux impressionnistes puis aux cinétiques l'art a tenté de formuler ses propres réponses. Aujourd'hui une jeune artiste américaine Sophia Dixon Dillo met en œuvre à la galerie Fatiha Selam à Paris sa vision personnelle sur cette énigme physique porteuse d'une telle charge historique et culturelle. Et son questionnement s'exprime par des propositions qui relient l'espace de la galerie au plan du papier dans une même révélation.

Light installation

Fidèle à sa démarche déjà bien élaborée, Sophia Dixon Dillo investit la galerie Fatiha en tissant sa toile dans le volume qui lui est offert. Avec pour unique matériau un fil de pêche extrêmement ténu, l'artiste trace un vecteur de plusieurs dizaines de kilomètres entre les murs de la galerie pour déployer dans notre champ de vision ces voiles fragiles qui resteraient presque invisibles sans le croisement des éclairages naturels ou artificiels qui révèlent à nos yeux l'onde impalpable de sa présence. L'artiste cinétique Jésus Rafael Soto revendiquait l'immatériel comme élément décisif  de son œuvre. Nous y sommes de nouveau confrontés avec ces installations de Sophia Dixon Dillo, obligeant notre perception à composer entre la réalité physique de cette tension linéaire et l'immatérielle sensation générée par ce voile. S'y ajoute à la différence de Soto, me semble-t-il, un autre paramètre : la réalisation elle-même de cette production s'apparente à une performance. Dans la galerie, l'artiste, en  développant ce fil conducteur, s'astreint à un cheminement de trente cinq kilomètres, réalisant une performance qui, si elle dit pas son nom, mérite d'être prise en compte. Au point de s'interroger sur ce qui relèverait du rituel dans cette attitude. Et c'est la seconde face de son travail qui conforte cette interrogation.

Une voie spirituelle ?

Sophia Dixon Dillo, avec la patiente minutie des créateurs des enluminures médiévales, écorche avec une lame fine le papier à dessin, dans un rituel incessant, parcourant ainsi à nouveau ce chemin ondulatoire.

Sophia-Dixon-Dillo-Untitled-7-cut-paper-7x7-500

Sophia-Dixon-Dillo-Untitled-7-cut-paper-7x7-500

Chaque planche réalisée offre à la lumière une nouvelle accroche, une sensation inédite pour le regardeur impliqué dans l'examen attentif de cette miniature. Cette fois encore la trajectoire semble illimitée, matérialisée par ces traces sans cesse renouvelées, comme si l'artiste s'imposait une épreuve dédiée à la lumière. D'une œuvre à la suivante, ce fil sans fin ciselé sur le plan, ce sillon creusé à même le support, cette blessure continue infligée au papier, comment ne pas y voir une intention de parcours initiatique?  Si bien que le déroulé du fil tissé dans la galerie et le sillon incrusté sur le papier se confortent dans cette épreuve physique qui laisse entrevoir une vocation spirituelle.

Chercher la lumière

Le ciel des Rocheuses de Cresto, son lieu de vie dans ces montagnes sacrées du Colorado, aurait-il donné à Sophia Dixon Dillo les clefs de cette interrogation sur la lumière?  Cette zone de Crestone dans le Colorado s'identifie comme un centre spirituel où plusieurs religions mondiales sont représentées : un temple hindou, un centre Zen, un monastère de Carmélite d'étudiantes, plusieurs centres tibétains notamment.
Sophia Dixon Dillo vit avec son mari au Crestone Montagne Zen Center. Dans le Dharma, la loi universelle du bouddhisme, la nature de bouddha, la nature fondamentale de l’esprit est dite "claire lumière" et a pour objectif la clarté et la lucidité. En grandissant en Californie où elle est née, Sophia Dixon Dillo a vécu dans "la maison calme." Son père, artiste et bouddhiste lui-même, ne lui a  pas beaucoup parlé de sa pratique " mais il a informé ma vision du monde et j'ai grandi dans cette atmosphère " rapporte-t-elle.
Cette grille de lecture permet de saisir dans le travail de Sophia Dixon Dillo les données constitutives de sa démarche. Le travail de lumière mis en œuvre par l'artiste passe par ce processus qui, de la performance du voile tendu jusqu'au cheminement sans fin du cutter sur le papier à dessin, se révèle comme une épreuve destinée à la méditation, au don de soi, de son temps pour approcher la lumière tout au long de cette quête de spiritualité.

Photos: Sophia Dixon Dillo Galerie Fatiha Selam

Sophia Dixon Dillo
" Light and Form "
Vernissage le samedi 21 novembre 2015 de 16h à 20h
Exposition d
u 21 novembre 2015 au 16 janvier 2016
58 rue Chapon 75003 Paris


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