Notre société est-elle spirituelle ?

Depuis un certain temps, et même aujourd'hui après ces funestes attentats, de nombreux intellectuels affirment que notre société a  perdu tout sens spirituel; elle serait uniquement matérialiste, consumériste et au fond nihiliste.

Le choeur des déclinistes est très large ; il comprend  l'extrême droite catholique, les traditionnalistes guénoniens (ce sont souvent les mêmes), les réactionnaires musulmans, certains chercheurs "spirituels" du nouvel-age et même l'extrême gauche qui voue cette société aux gémonies (d'où l'alliance contre nature de certains gauchistes avec les islamistes, alliance vert-rouge-brun). Ainsi récemment Abdennour Bidar dans une tribune invite nos concitoyens musulmans à éviter le nihilisme de daech et à ne pas tomber non plus dans "un monde matérialiste, sans spiritualité", comme si finalement le nihilisme des uns répondaient aux nihilisme des autres. D'autres intellectuels comme Pierre Manent, Finkielkraut, disent à peu près la même chose; Pierre Manent souhaitant que les français se souviennent que la France est la fille ainée de l'Eglise et reviennent trouver un sens dans le giron de l'Eglise Catholique. Parmi mes amis nombreux qui s'interessent à la spiritualité, presque tous font profession de mépriser notre époque et nos contemporains qui seraient tous tournés vers le culte marchand (sauf eux-mêmes bien sûr qui lisent des livres de spiritualité et vont dans des stages de yoga...).

Or au moment même où notre société occidentale est menacée, cela n'est pas sans risque de tenir à son propos de telles critiques car la question sera peut-etre bientôt de savoir si elle vaut la peine d'être défendue.

J'en viens à mon propos : j'aime les sociétés modernes, et je pense même qu'il n'y a jamais eu dans l'histoire de société aussi spirituelle. Car qu'est-ce que la spiritualité ? Certainement pas la religion et la théocratie fantasmée (qu'elle soit hindoue ou égyptienne ou islamique) à laquelle Guénon voulait revenir. Non la spiritualité c'est exactement ce que nous lisons au fronton des mairies françaises :

-liberté

-égalité

-fraternité

Il faudra un jour rappeler à tous ces comptempteurs de la société moderne que ces trois valeurs sont l'incarnation vivante des plus hautes aspirations des spiritualités traditionnelles : oui, nous sommes libres, autonomes, débarrassés en particulier des dogmes religieux.Que certains usent de leur liberté pour regarder TF1, c'est un fait, mais si les gens sont libres, ils font ce qu'ils veulent. De plus, dans aucune société, jamais, l'accès à TOUS LES TEXTES SPIRITUELS de l'humanité n'a été aussi aisé qu'aujourd'hui.

Bergson écrivait très justement: "Telle est la démocratie. Elle proclame la liberté, réclame l’égalité, et réconcilie ces deux sœurs ennemies en leur rappelant qu’elles sont sœurs , en mettant au dessus de tout la fraternité. Qu’on prenne de ce biais la devise républicaine, on trouvera que le troisième terme lève la contradiction si souvent signalée entre les deux autres et que la fraternité est l’essentiel : ce qui permettrait de dire que la démocratie est d’essence évangélique et qu’elle a pour moteur l’amour."

La démocratie est d'essence évangélique et a pour moteur l'amour. Il y a plus de spiritualité dans le fait d'aller librement prendre un verre à une terrasse de Paris en écoutant du Jazz et en s'émerveillant de la beauté des lèvres d'une jeune femme, que dans toutes les génuflexions des pieux partisans des dogmes dépassés.

jlr