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L’angoisse du poisson rouge

Publié le 23 novembre 2015 par Adtraviata

L’angoisse du poisson rouge

Présentation de l’éditeur :

Manue aime se faire croire que son existence, « digne d’un scénario hollywoodien », est catastrophique. Fabio, jeune Italien immigrant, ne se sent chez lui nulle part, car « lorsqu’on a choisi de quitter sa maison, elle nous devient à jamais interdite ». Leurs chemins se croisent alors que Manue recherche son poisson rouge mystérieusement disparu. Le récit de leur relation s’entremêle avec celui de Sergio, soldat de la Seconde Guerre mondiale, homme mort cent fois. Tous trois s’embarqueront dans une épopée improbable où les méduses détiennent la réponse aux questions existentielles, où les messages sont livrés par pigeon voyageur et où il est parfois nécessaire d’entrer par effraction dans sa propre demeure.

Ce roman choral embrasse l’idée que les êtres humains sont liés par des destins communs, donne faim et soif, creuse le passé et désigne l’avenir qu’il est encore permis d’espérer.

Pourquoi Manue est-elle tellement touchée par la disparition (inquiétante, ce n’est rien de le dire) de Hector, son poisson rouge ? Pourquoi mène-t-elle une vie amoureuse tellement désordonnée, attirée qu’elle est « à flirter avec tout ce qui a un cerveau entre les jambes » (cette expression-là, p. 40, je ne suis pas près de l’oublier !) ? Pourquoi se frite-t-elle sans cesse avec sa mère ? Et pourquoi Fabio prend-il soudain tant de place dans sa vie sans que l’un et l’autre soient capables de mettre des mots sur cette vraie rencontre ?

Sans doute parce que Manue porte un vide au creux de la poitrine, un manque jamais évoqué ou si peu. Sans doute parce que Fabio, exilé de Carpi à Montréal pour tenter de (re)faire sa vie, porte en lui les mêmes doutes, les mêmes silences, les mêmes angoisses que la jeune femme. Peut-être aussi que Fabio porte en lui le silence de son grand-père Sergio, qui a survécu aux goulags de la seconde guerre mondiale, et qui a vécu, aimé, donné la vie à son tour après la guerre, sans révéler verbalement ses secrets… Et peut-être que, de ces trois destins entremêlés, naîtra quelque chose de bon, quelque chose de bienveillant, quelque chose de pleinement vivant…

En tout cas, la bienveillance, la pétillance, l’appétit de vivre, c’est ce qui ressort du roman de Mélissa Verreault, qui raconte d’abord l’histoire de Manue, sa rencontre avec Fabio, avec un certain humour féroce d’autodérision et évoque ensuite le destin de Sergio avec une clarté lucide, une fluidité sans pathos qui nous rend le bonhomme extrêmement attachant. Dans la troisième partie du livre, Manue et Fabio se retrouvent et osent des projets pour écrire leur propre avenir.

Dans ce roman, Mélissa Verreault convoque différentes facettes de l’angoisse de vivre, elle les traite tour à tour avec humour et avec profondeur. Au passage elle parle de son amour pour l’Italie, de cuisine, de vin rouge, de cinéma, de flirts, d’amour… et son message final est, sans aucun aspect moralisateur, qu’il est bon de se construire sur ses fragilités, de vivre un peu cabossé. De se démarquer des valeurs communément admises. Du moment qu’on s’aime ! Son livre se lit avec le sourire, les pages se tournent toutes seules…

Merci, Mélissa Verreault, de m’avoir apporté tout cela alors que je vous lisais dans une actualité particulièrement douloureuse !

« L’utilité. Toujours faire des choses en fonction de leur utilité. C’est ce qu’on attend de nous. De Manue, de sa génération, de celle qui était venue avant et de celle qui viendrait après.

Performance.

Valeur.

Bénéfice.

Intérêt.

A qui bon poser des gestes qui ne nous rapporteraient rien de tout cela ? Accomplir sans objectifs, commettre sans arrière-pensées, perpétrer sans visées. Que les actions à elles seules suffisent, qu’elles n’aient pas besoin de justification. Qu’on accepte qu’une caresse puisse être donnée sans amour, qu’un exploit soit réalisé sans espoir de médailles, qu’une bouteille soit lancée sans message à l’intérieur. A ce moment précis, Manue rêvait d’une existence sans objet. A laquelle il ne fallait pas s’évertuer éperdument à donner un sens. Une vie accessoire où accrocher des avis de recherche de poisson rouge était tout à fait recevable. » (p. 75)

Mélissa VERREAULT, L’angoisse du poisson rouge, La Peuplade, 2014

Québec en novembre


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