Critique d’art et littéraire désespérément conventionnel, Jules Verne (1828-1905) s’impose en revanche, tel Alexandre Dumas avant lui, comme l’homme du roman populaire à rebondissements. Au-delà de l’intrigue, l’écriture même y participe, qui propose au lecteur tenu en haleine une impression étonnement visuelle. L’écrivain l’avait compris, l’aventure à l’œuvre dans les Voyages extraordinaires, qui passait par les véhicules (des plus conventionnels aux plus futuristes), les paysages animés (issus d’une imagination fertile plus que du réel), le pittoresque ou les technologies qui, à l’époque, restaient encore pour la plupart à inventer, ne pouvait reposer solidement que sur ce choix stylistique. Cette sensation visuelle laissée par la narration se trouvait renforcée par l’omniprésence de sidérantes illustrations gravées qui enrichissaient chaque ouvrage de la célèbre collection Hetzel.
C’est pourquoi les adaptations de ses livres, au théâtre d’abord, puis au cinéma dès ses premiers balbutiements, semblaient un cheminement naturel. Et c’est à cette approche originale, insolite, que s’intéresse pour la première fois l’exposition « Jules Verne grand écran » qui se tient dans l’espace culturel nantais Le Lieu unique jusqu’au 3 janvier 2016.
Dans ces salles dédiées à l’écrivain, le visiteur ne trouvera ni manuscrits de travail, ni textes, ni reconstitution de son cabinet ; ce parti pris, qui pouvait a priori sembler paradoxal, permet de porter sur son œuvre littéraire un éclairage inédit. Des premières représentations spectaculaires au théâtre du Châtelet dans les années 1870 qui tenaient de la féérie grandiose aux films de Méliès (lequel prit de belles libertés avec le livre pour son Voyage dans la lune de 1902 !), des longs métrages muets, puis parlants, puis en couleur, jusqu’aux réalisations télévisées contemporaines, tout l’univers de l’image mise au service du roman apparaît dans sa diversité. Un sentiment saisit alors le visiteur : une partie de l’histoire du cinéma semble bien s’être écrite autour des Voyages extraordinaires. Pour atteindre ce résultat surprenant, le commissaire, Jean Demerliac est allé puiser dans la collection de Philippe Burgard récemment acquise par le musée Jules-Verne de Nantes et dans son fonds personnel.
Affiches, photographies de tournage, publicités, cartes, objets dérivés, maquettes donnent la mesure du phénomène sans pour autant que soient oubliés les beaux cartonnages Hetzel présentés sous vitrine qui émerveillaient les enfants et font aujourd’hui la joie des bibliophiles.

