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Professeur d’abstinence, de Tom Perrotta

Par Lacritiquante

Certains y prennent plaisir.

Quatre mots, pas un de plus. Même maintenant, passé les quelques mois qui auraient dû la réconcilier avec les retombées de ce commentaire, Ruth n’en finissait pas de s’étonner du pouvoir des quatre petits mots qu’elle avait prononcés sans réfléchir, sans penser qu’elle franchissait la ligne rouge.

97008_couverture_hres_0Parlons aujourd’hui du roman de Tom Perrotta : Professeur d’abstinence. Ruth est professeure d’éducation sexuelle dans la ville américaine de Stonewood Heights. Et c’est en parlant de la fellation qu’elle a prononcé ces quatre mots devant des lycéens. Ça aurait pu passé inaperçu. Mais sûrement pas dans une ville où des églises catholiques ferventes défenseures de la virginité sauvegardée jusqu’au mariage pullulent. C’est notamment le cas du Tabernacle dirigé par le père Dennis et que Tim a rejoint après une vie de débauche. Et le jour où Tim, aussi entraîneur de l’équipe de foot filles junior se laisse aller à faire prier ses joueuses après un match, Ruth, la mère d’une des petites footballeuses ne peut s’empêcher d’intervenir. Tous deux divorcés, parents, ils ont plus de points communs qu’ils ne le pensent. Mais alors que Ruth tente de jongler entre sa vie de célibat forcé, son travail qui part à vau-l’eau et ses deux filles qui s’éloignent, Tim, lui, combat les démons de son passé et essaie d’être un bon mari avec sa nouvelle femme.

Il n’est pas des plus évident de décrire ce livre : il y a beaucoup de personnages secondaires qui mériteraient d’être cités et de nombreuses intrigues sous-jacentes. Mais le nœud du roman, que l’auteur a su pleinement saisir et mettre en mot, c’est cette dualité typique des États-Unis : d’un côté, la religion chrétienne omniprésente qui a des adeptes assidus, qui a une vraie parole publique, qui est entendue et prise en compte, et de l’autre les excès en tout genre, la volonté de profiter de la vie quoiqu’il en coûte. Et notre conscience qui est balancée entre ces deux extrêmes. (Et encore, j’oublie de parler du travail, de la famille, des histoires d’amour, d’amitié, d’orgueil, de concurrence.)

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Ce livre est l’histoire d’une rencontre peu banale qui créé des frictions mais met aussi en contact quelques atomes crochus. Bref, tout un programme. Il est sûr que Professeur d’abstinence n’est pas le roman du siècle. Toutefois, c’est drôle, incisif, sans détour ni langue de bois mais avec tout de même une note d’espoir. Il sonne comme un avertissement contre certaines dérives et contre nos propres doutes et hésitations aussi. On ne peut pas nier que l’auteur a un regard très observateur et critique sur la société où il vit, et il nous transmet cela à travers un roman divertissant, intéressant, prenant. Ça pourrait peut-être vous intéresser, qui sait ?

Tom Perrotta, Professeur d’abstinence, aux éditions de l’Olivier, traduit de l’anglais (États-Unis) par Madeleine Nasalik, 22€30. Existe aussi en poche.



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