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We ♥ john giorno

Publié le 09 décembre 2015 par Jebeurrematartine @jbmtleblog
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D’après la conception graphique originale de Scott King, I ♥ JOHN GIORNO, 2015. Courtesy de l’artiste.


Si la fin du mois de novembre et le début du mois de décembre sont toujours une période relativement déprimante, cette année surpasse certainement la plupart des précédentes par sa capacité à donner envie de se glisser sous sa couette pour rêver d’ailleurs. Face à cette morne saison, le Palais de Tokyo a décidé de lutter en nous faisant voyager dans l’imaginaire avec sa programmation La Vie Magnifique, dont les trois expositions traitent de la poésie dans le quotidien et l’inattendu. D’un côté les mises en scène théâtrales, oniriques et étranges de Ragnar Kjartansson qui nous fascinent, de l’autre les environnements délicats de Mélanie Matranga qui nous transportent avec force et finesse dans une sorte d’intimité décalée; cependant, notre véritable coup de coeur reste la rétrospective conçue par l’artiste Ugo Rondinone, « I ♥ JOHN GIORNO ».

WE ♥ JOHN GIORNO
WE ♥ JOHN GIORNO

Pour ce projet, deux personnalités: d’abord, le plasticien, Ugo Rondinone, un des artistes suisses contemporains les plus connus sur la scène internationale grâce à sa pratique protéiforme, pleine de subtilité, cherchant à faire ressortir la particularité et la beauté d’éléments banals de notre environnement. Ensuite, le poète, John Giorno, son compagnon. Figure mythique des années 1960, ce pilier hors-norme de la scène new yorkaise se lie aussi bien dans sa pratique avec des auteurs de la beat generation comme William S. Burroughs, qu’avec d’autres des personnalités les plus marquantes de l’époque, comme Patti Smith et Robert Mapplethorpe ou Philip Glass et Robert Rauschenberg. Il est cependant plus connu pour son attrait pour le Pop Art, et essentiellement sa liaison de plusieurs années avec Andy Warhol, qui en fera la star de son célèbre film Sleep en 1963.

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Vue de l’exposition UGO RONDINONE : I ♥ JOHN GIORNO. Photo : André Morin. Courtesy de l’artiste.

Présenter en même temps une exposition sur Andy Warhol au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris et une rétrospective sur John Giorno à quelques mètres au Palais de Tokyo ne peut donc pas relever du hasard. Mais la différence d’ »I ♥ JOHN GIORNO » avec une exposition à la forme plus classique comme « Warhol – Unlimited », c’est le prisme du regard que porte Ugo Rondinone sur l’Oeuvre de Giorno. Plus qu’une simple présentation de son travail, le parti-pris de l’exposition est un récit sensible de la vie, de la personnalité et du talent du poète, où l’admiration et l’intimité entre les deux artistes transparaît à chaque salle. De plus, la scénographie et la mise en scène des différents «chapitres» de l’exposition sont véritablement pensés pour en faire une œuvre en elle-même.

Cette volonté est une évidence dès la première salle, où est présentée la vidéo Thanx 4 nothing tournée en 2007 par Rondinone, où l’on voit Jon Giorno déclamer le poème éponyme qu’il a écrit pour ses 70 ans. Dans une pièce aux murs recouverts d’immenses écrans, au milieu de vieux postes de télévision, on se retrouve face au poète en costume, pieds nus, dans un décor théâtral, déclamant ce texte simple et bouleversant avec une malice déconcertante sur un sobre fond musical; une claque, étourdissante. Comme l’avait fait Warhol avec Sleep, Ugo Rondinone starifie son amant en le filmant; cette fois, il ne l’utilise pas comme simple sujet d’étude, mais lui offre une scène pour que ce dernier dévoile à la fois son écriture acerbe et son jeu solaire.

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Vue de l’exposition UGO RONDINONE : I ♥ JOHN GIORNO. Photo : André Morin. Courtesy de l’artiste.

La reste de l’exposition est certes moins impressionnant, mais nous mène tout de même dans un parcours de salles à l’esthétique léchée qui nous fait découvrir successivement la vie de John Giorno, son travail, son rôle dans Sleep et enfin son influence sur des artistes contemporains renommés internationalement tels que Pierre Huyghe ou Rirkrit Tiravanija, qui ont tous les deux fait également le choix de le filmer. Cette conclusion nous ramène logiquement à la vraie particularité du poète, au-delà de la qualité incisive des ses textes novateurs dans la veine Pop : sa capacité à inspirer et à nourrir le travail de plusieurs générations d’artistes, d’utiliser son charisme naturel et la puissance de son expression pour influencer les gens qui le rencontrent jusqu’à aujourd’hui, jusqu’au choix que fait Ugo Rondinone de lui consacrer une exposition entière au Palais de Tokyo, qui nous permet à nous aussi de nous saisir d’un bout de cette aura unique.

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Le Palais de Tokyo, saison « La Vie magnifique »
Jusqu’au 10 janvier 2016
Plein tarif : 10€  Tarif réduit : 8€
13, avenue du Président Wilson Paris 16e
De midi à minuit tous les jours, sauf le mardi


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