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La prison des mots, de Jocelyn Régina

Publié le 11 décembre 2015 par Onarretetout

laprisondesmots

Un an que ce livre m’a été donné. J’étais en Martinique. Et depuis, ce livre, je n’étais pas arrivé à le lire. Il me fallait sans doute l’accepter, en faire la rencontre, me déshabituer de ce que j’avais déjà lu (et dont, bien sûr, je retrouverai des traces ici et là). Et peut-être avais-je été rebuté par ces premiers mots : 

LA PRISON DES MOTS

                                    D’entrée,…

               pour bien nous comprendre,…

                                                           je vous dis :

                               M

                                   E

                                      R

                                         D

                                            E

Je n’avais sans doute pas envie d’entendre ça. J’écris « entendre » parce que tout le texte de Jocelyn Régina est à lire à voix haute, « à lèvres déverrouillées », à entendre. Comme le sont les textes d’Aimé Césaire. Et ce flot de mots qui bat mon entendement me remplit de hargne, de rage, de solitude aussi. Quelquefois, j’y ai trouvé une pièce fermée de Lautréamont ; quelquefois, une imprécation de Léo Ferré. Mais c’est bien en lui-même que l’auteur va creuser, chercher les mots qu’il nous jette à la face, de face, en face. Pour lui seul, le tambour, « encore ce coeur qui battait l’espoir ». Me revient un autre texte, de Villiers de l’Isle Adam, La torture par l’espérance où les portes qui s’ouvrent n’offriront finalement pas d’issue à l’homme qui veut s’en sortir seul. La prison des mots est une prison où les mots sont les clefs, dont on ne sort pas seul mais « par l’irruption partagée des pas communs ». La phrase qui suit affirme : « La parole qui vient n’est passée par aucune gestation ». Comme en écho à celle de René Char : « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament ». C’est que rien n’est écrit d’avance. Et que, dans le buisson ardent qui s’allume à la sortie de nos enfermements, il ne faut pas « chercher à comprendre la lumière » : « Le feu qui te cerne naît de toi ».


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