Magazine Ebusiness

Fret maritime : gérer la complexité grâce au software

Publié le 14 décembre 2015 par Pnordey @latelier

Pour transformer le fret maritime, des start-up tentent de construire des logiciels permettant de gérer la complexité d’une industrie évaluée à presque 1400 dollars aux États-Unis.

Chaque année 9 milliards de tonnes de marchandises (soit 80 à 90 % des marchandises mondiales) sont transportées par voie maritime, faisant du fret maritime le premier mode de transport de marchandises au monde. Les grandes villes portuaires telles Singapour et Shanghai commandent la vie économique internationale. La généralisation des conteneurs, inventés en 1956, a d’ailleurs entraîné une baisse du coût du fret et largement contribué à l’augmentation des échanges mondiaux. Aujourd’hui, environ 50 000 navires sillonnent les mers : vraquiers, pétroliers et porte-conteneurs confondus. Si récemment le Baltic Dry Index, l’indice des prix pour le transport maritime, essuie les remous du ralentissement économique chinois, l’économie du fret aurait représenté 1 390 milliards en 2012 rien qu’aux États-Unis selon le Ministère américain des Transports.

Mais le transport maritime, malgré un poids conséquent dans l’économie, nous renvoie l’image d’une industrie « vieillissante », lourde et peu en proie à l’innovation. Même si des centaines de milliers de dollars ont été investis dans les années 80 et 90 pour la modernisation des navires, il existe encore aujourd’hui un réel besoin d’innover pour optimiser le processus de transaction, entre les entreprises expéditrices et les compagnies maritimes, mais aussi le suivi des marchandises.

Les chiffres du fret maritime dans le transport international

                               Part du transport maritime dans le transport mondial (source : Arte)

Une industrie fragmentée et intermédiée

Particularité de cette industrie : sa complexité qui se traduit par un système d’intermédiation. « En matière de fret maritime, la chaîne de valeur, en prenant un exemple simplifié à l’extrême, est la suivante : il y a d’abord le transport de la marchandise depuis l’entrepôt de l’entreprise qui souhaite exporter, jusqu’au port. Ce qui s’établit souvent par le biais d’une entreprise de transport terrestre. Au port a lieu le passage en douane puis le stockage en conteneur. Ensuite, c’est le moment de la traversée qui est réalisée par un autre parti. Sur le continent d’arrivée, même déroulement. Ainsi, on comprend rapidement la complexité du modèle. Il ne s’agit pas simplement d’une entreprise qui souhaite envoyer une marchandise et d’un transporteur. De nombreux acteurs interviennent tout au long de la chaîne de valeur », détaille Matthias Hanke, managing partner chez Roland Berger à Zurich, expert de l’industrie. Pas étonnant alors qu’il faille encore aujourd’hui au moins une soixantaine de coup de fil pour procéder à la réservation d’un bateau et finaliser la transaction.

C’est ainsi que se justifie l’existence du commissionnaire forwarder » en anglais). Il s’agit d’un professionnel dont le rôle consiste à mettre en lien les deux maillons initiaux de la chaîne à savoir : le chargeur et la compagnie maritime. Cet intermédiaire intervient non seulement lors de la mise en relation mais il rend également possible la transaction en négociant les prix puis se charge des procédures administratives et douanières. Il choisit lui-même le mode de transport et a une obligation de résultat envers son client. Pour ces services, il se rémunère à la commission.

Haven met en relation chargeurs et compagnies maritimes

          Haven, une start-up qui connecte chargeurs et compagnies maritimes via une plateforme en ligne

Certaines grandes entreprises peuvent se permettre de disposer d’un service dédié à l’activité d’intermédiation mais bien souvent, elles ont recours à ce commissionnaire, tiers parti. Ce dernier dispose non seulement de compétences juridiques, fiscales et logistiques, aussi spécifiques que poussées, mais il dispose également d’un réseau international puissant dont ne jouissent pas nécessairement les sociétés. « Prenons le cas du plus grand commissionnaire de transport international et logisticien aujourd’hui, l’entreprise suisse Kuehne+Nagel. Ces derniers transportent 2,9 millions de conteneurs à l’année. Ils disposent d’un réseau international très développé, possèdent des entrepôts dans les ports du monde entier et sont capables de gérer la complexité : faire ce qu’on leur demande et le faire bien », poursuit Matthias Hanke.

Disrupter le modèle d’intermédiation contre l’« empowerment » du commissionnaire

Cependant, qui dit intermédiation dit…disruption. Des acteurs émergent en effet, qui remettent en cause l’intervention du commissionnaire.

C’est justement le rôle que s’est donné la start-up américain Haven qui propose de mettre en relation directement en ligne via sa plateforme les chargeurs et les transporteurs. « Si pour les grandes entreprises, il subsiste une vraie valeur ajoutée quant à l’utilisation d’un intermédiaire de par les connections dont il peut jouir à l’international, pour les petites et moyennes entreprises, cela est moins évident. Par ailleurs, il existe généralement peu de transparence quant aux marges pratiquées par les commissionnaires. En créant une ‘market place’ où se rencontrent les deux partis, nous permettons aux entreprises de pouvoir comparer différentes offres suite à l’envoi d’une requête spécifique », détaille Matt Tillman, co-fondateur de Haven.

Flexport ou l'empowerment des commissionnaires
           

Flexport ou l'« empowerment »des commissionnaires

D’autres initiatives adoptent une approche différente : plutôt que de retirer le commissionnaire du processus, elles se concentrent sur la création de software permettant de gérer la « complexité ». Flexport, une start-up californienne, en est un bel exemple. « L’industrie colossale que représente le fret maritime est d’abord très fragmentée. De surcroît, c’est une industrie complexe - l’acheminement d’une marchandise par voie maritime requiert une trentaine d’étapes différentes et minimum 4 partis impliqués. Aussi, cette industrie n’est pas encore assez acculturée à la technologie. À Flexport, nous choisissons d’apporter de la valeur à l'intermédiaire, qui n’est pas simplement un acheteur et un revendeur. En effet, il ne s’occupe pas seulement d’arbitrer le prix, il est en charge de toute la chaîne d’assemblage. Il gère de l’information, se trouve même le garant du passage de l’information d’acteurs en acteurs. Ainsi notre solution entend remplacer les dizaines de coups de fil auquel est soumis le commissionnaire au moyen de logiciels qui l’aideront à gérer la complexité de la chaîne de valeur. Du côté des clients - le chargeur, notre offre leur permet d’avoir accès à de l’analytics - coût, localisation du cargo - et donc permet d’apporter plus de transparence dans la supply chain », explique Sanne Menders, directeurs des opérations chez Flexport.

La valeur ajoutée du commissionnaire étant telle, il apparaît ainsi judicieux de chercher à fluidifier ses interactions grâce à la technologie - via le software mais aussi la collecte et l’analyse de données. Et les bénéfices de telles solutions ne se limitent pas simplement à rendre plus fort cet intermédiaire, elles permettent aux entreprises expéditrices de gagner en transparence sur la chaîne de valeur, les prix pratiqués et de disposer d’outils intelligents de tracking des marchandises.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Pnordey 18702 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte