Ouverts, semi-fermés ou fermés, les portefeuilles virtuels n’ont pas tous les mêmes caractéristiques, mais du succès dans les pays émergents. Retour sur les principales initiatives en Inde, Chine, Kenya et Ouganda.
Le paiement mobile au point de vente ne fait pas l'unanimité aux États-Unis. Les Américains sont réticents à se servir d'un portefeuille mobile, principalement pour des raisons de sécurité. Les prévisions indiquent pourtant que l'utilisation de ces wallets est amenée à se généraliser dans les années à venir en Occident. Qu'en est-il dans les pays en développement ? Plusieurs initiatives favorisent l’adoption de ce mode de paiement là où la bancarisation est faible.
Selon le think-tank L’afrique des idées, dans les pays en développement, seuls 41% des adultes ont un compte en banque contre 89% dans les pays occidentaux. Ils sont encore plus rares à détenir une carte bancaire : 7% dans les pays du Sud contre 50% pour le Nord. L’introduction du paiement mobile intervient alors parfois au détriment de la bancarisation, freinée par de faibles densités de population, de grandes distances, de faibles revenus par rapport aux coûts des services ou encore l’analphabétisme. Le paiement mobile permet également d’éviter de transporter de l’argent. Retour sur ces différents types de portefeuilles virtuels, en Ouganda, au Kenya, en Inde et en Chine.
Illustration des trois différents types de wallets. Source: http://yourstory.com/2015/06/mobile-wallets/Des portefeuilles mobiles qui remplacent les comptes bancaires en Afrique subsaharienne
En Afrique subsaharienne, 12% des adultes détiennent un compte bancaire mobile qui n’est pas relié à un compte en banque : un “mobile money account”. Ce chiffre de 12% est très élevé comparé au nombre global de détenteurs de wallets : 2% de la population mondiale. D’autant plus que 45% de ces 12% n’ont pas de compte en banque classique en parallèle. Plusieurs projets s’y développent avec succès, en même temps que les téléphones portables se sont généralisés.
Bank of Africa en Ouganda propose un mobile wallet de type ouvert, destiné également à ceux qui ne sont pas clients de la banque. Ils pourront envoyer et recevoir de l’argent via leur téléphone portable après s’être enregistrés et avoir déposé une somme via un distributeur ou une des 34 agences du pays. Contrairement à d’autres services, Bank of Africa et sa plateforme sont complètement indépendants des réseaux de télécommunications. Sur les 18 millions d’adultes en Ouganda, seuls 3 millions sont bancarisés, mais tous sont susceptibles d’être intéressés par un portefeuille virtuel.
Le succès de ce mode de paiement atteint des records au Kenya où plus de 58% des adultes possèdent un mobile wallet. Dans ce pays, le portefeuille mobile s’adresse autant aux pauvres qu’aux riches, bien que les moins favorisés sont plus susceptibles de posséder uniquement un compte mobile (27% parmi des 40% les plus pauvres contre 14% des 60% les plus riches). Cela s’explique par le fait que ces services ont été introduits dès 2007 et se sont rapidement généralisés grâce à l’appui de l’Etat. L’entreprise M-Pesa (pour “argent mobile” en Swahili), y a contribué.
Contrairement à BOA en Ouganda, M-Pesa n’est pas une banque. C’est un service lancé par un opérateur téléphonique, qui permet aux utilisateurs de déposer de l’argent sur leur portefeuille mobile, grâce notamment aux 60 000 commerçants désormais agents M-Pesa. Ils peuvent ensuite l’utiliser comme un compte en banque classique, pour des paiements et des transferts d’argent, mais avec pour seuls contraintes le fait de devoir posséder une pièce d’identité et un téléphone portable.
Des wallets de plus en plus liés aux institutions bancaires en Inde et en Chine
En Inde, Paytm est aussi dirigé par un opérateur téléphonique. Il n’en reste pas moins un des plus importants portefeuilles virtuels du pays avec plus de 110 millions d’utilisateurs et 75 millions de transactions par mois, selon Nitin Mishra, vice-président Produits de paiement de l’entreprise. Quand l’aventure a démarré en 2011, Paytm constituait un moyen pour le client de recharger en crédit sa carte de téléphone, “ensuite on s’est ouvert au paiement des factures de gaz, d’électricité… et désormais grâce à des partenariats avec les grands du digital comme Uber, on peut utiliser le portefeuille sur d’autres sites internet”. Pour résumer, le wallet Paytm est de type semi-fermé.
Pour le recharger, il suffit d’aller chez un commerçant partenaire ou de le faire sur internet avec une carte de crédit par exemple. “Le portefeuille mobile est plus sécurisé qu’une carte bancaire parce que si quelqu’un parvient à le pirater, il n’aura pas accès à tout le compte en banque mais seulement à la faible somme qui y aura été transférée”, précise Nitin Mishra. C’est ce qui explique sans doute, qu’ “Il y a environ cinq fois plus d’utilisateurs du portefeuille Paytm que de cartes bancaires en Inde”. Alors que 21% des adultes sans comptes bancaires dans le monde sont indiens, le taux de citoyens majeurs possédant un compte progresse fortement en Inde et est passé de 35% en 2011 à 53% en 2014.
Ce progrès est lié à une volonté gouvernementale. En août 2014, le gouvernement indien a lancé un plan pour favoriser l’accès aux services financiers avec pour objectif, l’ouverture d’un compte en banque par ménage. Les incitations sont nombreuses et attractives comme une assurance vie gratuite et des facilités de découvert. Cela a conduit à l’ouverture de 125 millions de nouveaux comptes en banque, quand, à titre de comparaison, moins de 400 millions de personnes en possédaient selon un sondage de 2013.
Nitin Mishra confirme cette tendance, “le gouvernement souhaite faire passer la population du paiement en liquide au paiement digital. Grâce à cela on pourra traquer les transactions et connaître les profiles et donc les besoins”. Il ajoute, “cela améliorerait leur qualité de vie, c’est la raison pour laquelle mon but est de ramener un demi-milliard d’Indiens dans le giron de l’économie classique”. C’est ce qui explique probablement le projet de Paytm de lancer sa banque de paiements dès 2016, pour laquelle ils ont récemment acquis la licence auprès de la Reserve Bank of India. Le marché du portefeuille mobile en Inde est en croissance et devrait atteindre les 6,6 milliards de dollars d’ici à 2020.
Le géant chinois Alibaba, a flairé la bonne affaire et acheté des parts de Paytm. Il possède également son propre mobile wallet en Chine où la bancarisation est passée de 64% en 2011 à 79% en 2014. Alipay wallet est le leader du secteur dans les pays émergents avec des partenariats avec plus de 200 institutions financières et 250 millions d’utilisateurs actifs par mois grâce à son marché à la taille colossale. Les Chinois sont de plus en plus nombreux à utiliser ce portefeuille virtuel, pour payer leur loyer par exemple. D’après une étude de PricewaterhouseCoopers, 55% des consommateurs chinois s’attendent à ce que leur téléphone soit leur principal instrument de paiement dans le futur contre 29% en moyenne global. Preuve s’il en faut de l’ampleur des transformations à venir pour le consommateur.
Les portefeuilles mobiles facilitent les paiements et constituent parfois de réels comptes bancaires pour ceux qui en sont dépourvus. Ces populations peuvent également bénéficier de l'activité d’un nombre grandissant de start-up. La jeune pousse française Afrimarket, par exemple, leur permet d’accéder à des biens financés par leurs proches chez des commerçants partenaires et qu’ils pourront retirer grâce à leur téléphone portable. De même, les détenteurs de mobiles avec carte prépayée au Maroc peuvent gagner du crédit téléphonique en acceptant de visionner des publicités ciblées grâce à la start-up Lik. Et pour les professionnels? Cube leur donne la possibilité de transformer leur portable en module de paiement pour carte bancaire au Nigéria : un petit appareil et le tour est joué, même sans connexion à internet.