La liberté d'expression.
Dans la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789, c'est la première des libertés, la liberté étant le premier des quatre droits de l'homme.
La tuerie de Charlie Hebdo est une atteinte grave à cette liberté fondamentale, liberté née du terreau fumant et sanglant de la révolution.
Il faut bien comprendre la chose : au delà des morts tragiques d'une rédaction, de ces journalistes, caricaturistes, agent d'entretien, policiers, au delà de cette blessure physique infligée ce 7 janvier à nos concitoyens; c'est avant tout une idée que l'on a voulu assassiner.
On ne peut en aucun cas, jamais, trouver ne serait-ce que la plus insignifiante excuse à cet acte barbare.
J'entends : " Oh, je condamne hein, mais quand même, ils l'on bien cherché, ils ont poussé le bouchon un peu loin. "
Non, non et encore non ! Rien, absolument rien de ce qu'ont fait, écrit ou dessiné les collaborateurs de Charlie Hebdo et son directeur de rédaction, Stéphane Charbonnier, ne peut ne serait-ce qu'une fraction de seconde justifier cet acte barbare, terroriste et obscurantiste.
Parce qu'on ne répond pas aux dessins par les armes.
Parce que justifier ça, c'est justifier la bêtise humaine la plus crasse.
Parce que l'on ne peut pas, en aucun cas, transiger sur cette liberté d'expression si difficile à faire valoir; cette liberté qui ne sera jamais garantie.
Parce que Cabu, Charb, Wolinski, Tignous, Honoré et Riss ne furent jamais animés par la haine. Ils ne voulaient que la déconne, et la déconne intelligente, pertinente. Poil à gratter, toujours. Mais dans la tolérance de l'autre et des idées. Un regard toujours enfantin, parfois scatologique, toujours satirique. Et la satire n'est jamais une incitation à la haine, elle est bien évidemment moqueuse, mais derrière la baffe de la cruauté apparente, il y a l'invitation à la réflexion, ou bien juste l'invitation à regarder les choses sous un angle différent.
Et la satire de Charlie Hebdo en aura énervé plus d'un. Des catholiques jusqu'aux politiques, évidemment.
J'entends : " Qu'est-ce que cela peut bien faire, ces douze morts ? Il y en a des millions ailleurs et on en parle moins ".
Certes. La tragédie frappe le monde entier chaque jour. Et, certes, on en entend moins parler. Il faut voir que parfois, la liberté d'expression n'est pas la même ailleurs, justement. Mais alors, cette presse, ces reporters qui se battent tous les jours pour elle (la liberté d'expression, j'entends), ce sont bien ceux là qui prennent des risques pour aller nous raconter ces tragédies humaines, qui mettent leur vie en péril, armés de dictaphones, de caméras et, bien sûr, de leur liberté d'expression. Pourtant, on le voit bien, ils ont du mal à le faire. Que l'information soit coupée là-bas ou ici (et l'on peut imaginer toutes les théories du complot que l'on veut), ils sont toujours là, à bosser jours et nuits pour nous la rapporter, cette information qu'en tant que pays supposé libre nous sommes en droit d'avoir.
Et l'on devrait ne pas faire tout ce bruit pour nos douze morts français, qui se battaient sur leur propre territoire, sous la menace, pour nous faire rire ?!
Qui sont morts pour le rire ?!
L'on devrait taire notre colère quand notre première liberté de notre premier droit fondamental est si sauvagement attaqué ?!
Personne ne peut être sérieux en envisageant cela.
J'ai entendu que, pour certaines entreprises, l'on n'est pas neutre, on prend parti si on montre des signes extérieurs de deuil.
Prendre parti pour quoi ? Être neutre sur quoi ? Être en colère, horrifié, indigné, triste, atterré... C'est prendre parti ? Il n'y a aucun parti à prendre aujourd'hui, sinon celui de la démocratie, de la liberté, de l'humain. Cela justifie tous les rassemblements, tous les deuils. Et c'est ensemble, aujourd'hui, que nous devons le faire. Toutes religions confondues, sans distinctions.
Charlie Hebdo se battait contre les extrémistes (politiques et religieux), les intégristes. Les caricatures de Mahomet n'avaient que cette visée là, certainement pas la haine. L'intégrisme, c'est le refus de toute évolution, de toute idée nouvelle. C'est la haine de celui qui pense différemment, au sein même de sa propre religion ! L'intégriste n'a pas d'humour. L'intégriste est, surtout, obscurantiste. C'est la bête noire de toute religion. Personne ne veut d'amalgames. Personne. Du moins, personne d'un tant soit peu intelligent.
Cette union internationale autour du fameux hashtag, #JeSuisCharlie, est la plus belle des réponses. Il faut montrer que nous n'avons pas peur, et que nous y sommes attachés, à cette liberté d'expression. Il faut maintenant que ces morts servent à quelque chose, puisque nous ne pouvons pas les ramener. De même que nous parlons dans les livres d'histoire des héros de la Révolution Française, qui les ont arrachées pour nous, ces libertés; il faut aujourd'hui célébrer, tout le temps, pour toujours, ces héros modernes de la liberté d'expression que sont aujourd'hui Cabu, Charb, Wolinski, Tignous, Honoré, Riss, Bernard Maris, Elsa Cayat, Mustapha Ourrad, Franck Brinsolaro et les autres qui tous oeuvraient pour la publication de ce journal, contre les menaces, courageusement, sans fléchir et sans peur. Ne serait-ce que parce que personne n'aurait pu s'imaginer, avant ce 7 janvier, que l'on aurait encore besoin de héros de ce genre, à notre époque.
Il faut se souvenir d'Ahmed Merabet, qui s'est précipité au secours de ces gens, abattu alors qu'il suppliait à terre sur le trottoir.
Aucune indignation ne peut-être exagérée face à ce massacre des hommes et cette tentative de massacre des idées. Car de ce noir charbonneux s'élève la lumière, l'espoir qui nait de cette mobilisation internationale. Peut-être que, maintenant, les gens ont compris, compris que ce qu'ils possèdent est fragile, qu'il faut l'entretenir et ne jamais transiger. Qu'il faut encourager, aussi. Acheter Charlie Hebdo mercredi et toute l'année, c'est montrer que nous n'avons pas peur, que nous n'avons que du mépris pour ces tueurs. C'est leur montrer que l'esprit qu'ils ont voulu éradiquer vit toujours, encore plus fort. Peu importe qu'ils agissent seuls ou avec une organisation derrière eux. Peu importe en quel nom ils agissent.
J'écris ce texte parce que je suis en colère et indigné. Il est sûrement très maladroit. Mais je me suis exprimé. Je ne sais pas dessiner, c'est donc par les mots que j'adresse mon hommage à ces hommes, et mon dégoût. Je ne vais pas mentir ici, Charlie Hebdo, je ne connais que de nom. Je connais quelques dessins de Charb et Cabu, à peine ceux des autres. Je n'ai jamais acheté ce journal, par manque de curiosité. Je le ferai dès mercredi prochain. Parce que je veux participer à la survie de Charlie Hebdo. Parce que je refuse la terreur et méprise ceux qui l'exercent. Et aussi parce que, avec tout ça, j'ai découvert des putains de dessins super drôles de ces auteurs disparus.
Alors, aujourd'hui, je clame haut et fort ce slogan qui est maintenant le synonyme de la parole libre et, quand il le faut, irrévérencieuse. Parce que l'on peut tout dire et rire de tout, tant que l'on n'incite pas à la haine.
JE SUIS CHARLIE !Franck L.