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Promenez-vous dans les bois… pendant que vous êtes encore...

Par Quinquin @sionmettaitles1

PROMENEZ-VOUS DANS LES BOIS… PENDANT QUE VOUS ÊTES ENCORE EN VIE, Ruth Ware (parution le 11 février 2016)

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Il est des moments dans la vie où il semble de bon ton de ne point trop réfléchir et de se laisser voguer sur les flots d’un texte certes sans qualités littéraires notables mais tout de même assez bien ficelé pour tenir le lecteur en haleine et provoquer chez lui une sorte d’addiction irraisonnable. Ruth Ware présente ici son premier roman, que l’on pourrait qualifier d’agréable, prenant – voire chronophage –  sans pour autant se positionner comme un parangon de thriller abouti et sans fausse note. Loin d’être inoubliable, celui-ci peut tout de même se targuer d’agiter les petits doigts fougueux et fiévreux d’un lecteur avide de tourner les pages et de dévorer une histoire au rythme soutenu bien que parcourue de circonvolutions inutiles…

Nora est une jeune femme de vingt-six ans plus ou moins (surtout moins) bien dans sa peau qui vit de l’écriture de polars, terrée dans son petit appartement. Une vie calme, sans sursauts, un brin ascétique que va venir troubler l’arrivée d’un étrange courriel émanant d’une certaine Florence. « Flo », qui organise l’enterrement de vie de jeune fille de sa précieuse amie Clare… Un véritable choc pour Nora qui n’a pas revu Clare depuis de longues années, depuis un épisode mystérieux et douloureux qui sépara les deux meilleures amies de l’époque. Sans conviction, étonnée, secouée et peu enthousiaste Nora accepte, rongée par l’angoisse et les spectres du passé, de partager deux journées – qui s’annoncent d’ores et déjà largement abrutissantes, comme tout bon enterrement de vie de jeune fille qui se respecte – dans une maison du Northumberland plantée et perdue en pleine forêt ; un habitat tout de verre vêtu où chacun-e verra et sera vu-e et où chacun-e se piquera de frissonner à la nuit tombée, lorsque les ombres des un-es envelopperont celles des autres. Ruth Ware nous invite dès lors à nous promener aux bras de six protagonistes mystérieux, six convives énigmatiques qui se toisent et se jaugent le temps d’un week-end qui révélera bien des tourments et mettra au jour des secrets enfouis et bien gardés…

L’écrivaine anglaise parvient à inscrire de manière assez astucieuse une banale réunion de jeunes gens dans les lignes d’un petit jeu de massacre entre ami-es plutôt réjouissant, mettant en forme un ouvrage qui se lit avec une pointe de culpabilité : comme un excès gastronomique dont nous aurions honte mais qui nous aurait fait du bien, l’on se dit que ce macabre petit manège ne casse pas trois pattes à un canard, tout en reconnaissant que Ruth Ware possède l’art et la manière de faire vivre et d’entretenir un suspense haletant, malgré les tâtonnements et autres longueurs superflues. Car Ruth Ware réussit à nous glisser dans un huit clos oppressant, glaçant et paranoïaque, où chacun-e porte un masque et tente d’ôter celui des autres tout en veillant à protéger ses propres démons et autres failles. Un roman très « actuel » dans la façon de manier la plume : (trop) simple, concise, sans démonstrations littéraires excessives, exposant des personnages bien de notre temps, des existences secouées malgré un bonheur apparent, habile mise en abyme de jeunes adultes aux vies chancelantes et aussi attachants qu’irritants. Le suspense quant à lui est dompté de bout en bout mais débouche malheureusement sur une fin trop convenue et attendue qui aurait pu (et dû) se montrer plus alambiquée, complexe et étonnante.

Ruth Ware fait ses premiers pas dans l’univers torturé du thriller et, selon l’expression consacrée sur les odieux bulletins de notes : « c’est pas mal, mais peut mieux faire ». N’enflammons donc pas la mèche du talent immédiatement et attendons de trébucher une nouvelle fois dans ses bois obscurs pour vérifier que la prochaine cueillette d’angoisse se fasse un peu plus  satisfaisante…



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