L'amour ne peut se passer de mots, l'exposition du Centre d'Art Contemporain La Traverse d'Alfortville n'y échappe pas. Et les mots sont parfois empruntés à d'autres: Mounir Fatmi répétant le Kissing Precise de Frederic Soddy, Anne-Lise Broyer révélant des fragments de l'histoire d'amour de Georges Bataille et de Laure (photos et écrits), Dorotée Smith lisant des lettres de Kafka, Léa Bismuth prolongeant La carte postale de Jacques Derrida, et j'ai présenté hier l'oeuvre d'Agnès Thurnauer... C'est bien parce que l'amour prend tous les chemins, le roman, le cinéma, la poésie, la chanson, que nos propres mots d'amour sont aussi ceux des romanciers, des cinéastes, des poètes, des chanteurs. Pour exprimer le manque ou le trop-plein. Comme dans la Septième promenade, de Dorotée Smith, où l'on entend une phrase qui dit, à peu près : " Où que je sois, tu es avec moi." Et je suis resté longtemps devant les images blanches ou prises avec une caméra thermique, de cette vidéo, laissant les mots venir, mots de l'absence, peuplée de fantômes.
Je suis aussi resté longtemps dans cette pièce étroite où, debout, je lisais les mots du film d'Emma Dusong, Sans toi. Un récit sans fin, en boucle, dont on ne sait pas très bien où il commence, où il finit. Et pourtant c'est de la fin qu'il y est question. Pas de la fin de l'amour, mais du temps venu soudain du deuil. Et, après quelques minutes, me sont revenus en mémoire deux livres : Demain dans la bataille pense à moi, de Javier Marías, et À présent, de Brigitte Giraud. Et je suis surpris, écrivant ces titres ici, de constater qu'il y est aussi question du temps.
Ci-dessus, Casablanca Circles, de Mounir Fatmi ; ci-contre, capture d'écran de la Septième promenade, de Dorotée Smith.