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Catastrophe, quand tu nous tiens

Publié le 18 décembre 2015 par Paulo Lobo
J'ai envie de profiter de votre attention pour vous faire part d'une indignation forte et personnelle face à l'ignominie des temps modernes.Catastrophe, catastrophe, quand tu nous tiens !Une attaque terroriste a fait 120 morts, un ouragan a tout balayé sur son passage, une guerre assassine a semé la mort et la destruction sur un mode froidement clinique, chaque jour apporte son lot de malheurs, et tout ce qui nous en est rapporté est d'une tristesse infinie. Chaque fois que j'apprends un nouveau drame, je me demande : comment est-ce possible, dans quel monde vivons-nous ? La radio, la télé, les journaux, Internet, crachent en flux continu et tendu des nouvelles pourries. Il se forme comme un gros nuage noir au-dessus de nos têtes, un voile opaque qui nous empêche de voir la lumière du soleil. Un jour, il y a longtemps, une personne me disait : "... mais la souffrance et l'injustice ont toujours existé, il y a toujours eu en ce bas monde des morts, des crimes atroces, des massacres, des enfants pleurant la mort de leurs parents, des parents pleurant la mort de leurs enfants, ça a toujours existé, c'est le propre de l'humanité, depuis des siècles, des millénaires, c'était comme ça chez les Assyriens, chez les Grecs, chez les Romains, il y a eu les Croisades, la peste et le choléra, la Révolution française, la Première Guerre mondiale et la Deuxième Guerre mondiale..."Je rétorquais :"... certes, mais si tu réfléchis bien, tous ces moments historiques sont éparpillés tout au long de plusieurs siècles, on nous parle toujours des guerres, mais plus rarement des longues périodes intermédiaires pendant lesquelles les gens, à un certain endroit, ont vécu de façon paisible, dans la cohabitation, la culture et l'amour. Je suis certain que si on pouvait voyager dans le temps, si on pouvait être téléporté par exemple dans un petit village du centre du Portugal au 19e siècle, on se retrouverait dans un micromonde à la saveur particulière, bien sûr avec quelques petits désagréments ici ou là, mais où les gens finalement prendraient la vie pour ce qu'elle est - un long fleuve tranquille -, ou ce qu'elle devrait être. Mais alors quelle est la différence par rapport à notre temps ?  Je relèverais deux aspects principaux qui impactent le cours et la perception des choses. D'abord, l'augmentation exponentielle de la population mondiale. Nous sommes plus nombreux, par conséquent et naturellement, les afflictions en tout genre ont également été multipliées par 10, par 100, par 1000. Deuxièmement, il faut pointer les effets de la technologie. L'interaction et la communication qui caractérisent notre 21e siècle conditionnent complètement notre vision des choses. Plus que jamais , nous sommes conscients de ce qui se passe sur la planète. Un cataclysme en Chine, une tuerie aux Etats-Unis, un coup d'Etat en Afrique, immédiatement tout le monde s'émeut." Comment continuer à cultiver son jardin sereinement si, à longueur de journée, on nous détaille les épreuves subies par nos frères les êtres humains aux quatre coins de la terre?  Nous sommes exposés aux histoires les plus diverses, aux narrations que l'on veut bien nous faire, aux rumeurs les plus odieuses et aux peurs les plus contagieuses; il y a comme un magma qui nous en encercle, qui nous phagocyte. Et si nous nous déconnections tous ? Est-ce donc si difficile à faire ?  Pourquoi ne débranchons-nous pas la télé, l'Internet, la radio ?  Pourquoi cherchons-nous toujours et par tous les moyens à nous tenir informés, à nous tenir en laisse ? Pourquoi sommes-nous si curieux, quand un accident arrive sur la route, de savoir ce qui s'est passé, de ralentir afin de jeter un coup d'œil, non pas pour donner un coup de main ou pour venir en secours, mais pour nous repaître de la tribulation d'autrui ? Alors je pose la question : à qui profite le crime ?C'est dans notre nature, peut-être : nous avons besoin de parler avec la communauté, d'affirmer, par la parole échangée, notre existence, notre réussite. De nous rassurer indirectement en soulignant comment d'autres ont échoué ou ont été éliminés.Chaque nuit, je m'efforce de raconter une histoire à mes enfants avant qu'ils ne s'endorment. La plupart du temps, 30 secondes avant de commencer, je ne sais pas ce que je vais leur dire. Quel va être le récit, quel va être le héros, à quelles difficultés va-t-il être confronté ? Les enfants sont bienveillants, ils prennent ce que je leur donne, le plus souvent je leur parle de Pedro, un petit garçon espiègle et malin, sa vie de tous les jours, à la maison, en classe, dans la cour de la récréation, il est confronté à tout un tas de situations. Ça fait des années que je leur raconte des histoires de Pedro. C'en est devenu une espèce de rituel. Lara m'a dit qu'un jour qu'elle mettrait par écrit mes récits. Faut pas rester tout seul enfermé chez soi, faut aller vers les gens, on n'est pas tout seul sur cette planète, c'est ensemble qu'on réussit des choses , c'est ensemble qu'on se sent moins écrasé par le poids de l'existence. La mort fait-elle partie de la vie ? Est-ce le point final, le point d'arrivée, tout le monde débarque, le voyage est terminé, y a plus de paysages, y a plus de compagnons de galère, y a pu de regards échangés avec la voisine. Le mouvement n'est plus de mise. Je me demande bien où est passé tout ce qu'on a vécu, que sont devenues les rencontres qu'on a faites, les conversations qu'on a eues, les grands et petits moments de notre parcours ?Les masques, on en porte tous. Donner une image de nous-mêmes, composer, sublimer notre propre personnage, nourrir l'illusion que nous sommes maîtres de notre destin.

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