Magazine Culture
10- Bertrand Belin - Cap Waller
Pour moi, le meilleur disque français de l'année. A l'inverse d'un Dominique A, Bertrand Belin ne cesse de se radicaliser, de creuser davantage dans la même veine, quitte à laisser les suiveurs d'avant sur le bord du chemin. "Cap Waller" est plus rythmé que les précédents. Mais c'est un rythme à la Belin, dépouillé et toujours maîtrisé, sophistiqué malgré les apparences. Le chanteur a créé un style unique : cette voix à la Bashung, mais ces mots et cette guitare qui appartiennent à personne d'autre.
9- Beach House - Depression Cherry
Après "Teen Dream" dans mon top 3 de l'année 2010, j'étais forcément devenu exigeant, quitte à négliger carrément (à tort) le suivant, "In Bloom". Il faut dire que Beach House n'est pas un groupe qui change fondamentalement sa musique entre deux disques. Avec "Depression Cherry", les guitares sont à nouveau mises en avant, ce qui n'est pas pour me déplaire. Et puis, en live, leurs chansons prennent une ampleur magique portée par la voix un brin rocailleuse de Victoria Legrand. De la dream pop assurément.
8- Unknown Mortal Orchestra - Multi-Love
Même si on attend toujours le chef d'oeuvre de Unknown Mortal Orchestra, avec "Multi-Love", ils s'en rapprochent un peu plus. Le groove est plus présent que jamais - mon dieu, quelle basse ! Les mélodies sont aussi. L'enrobage psychédélique permet à l'ensemble de constituer une belle marque de fabrique. Ici, contrairement à Tame Impala, pas de démonstration, les chansons et le songwriting parlent d'eux-mêmes.
7- Algiers - Algiers
Algiers est sans doute le plus groupe rock le plus original apparu cette année. Si leur premier album mélange habilement soul, gospel et post-punk, son caractère compact, homogène voire jusqu'au boutiste peut rebuter. En concert, ce n'est aussi pas la claque annoncée. Reste une énergie et une force considérables qui finissent par vous prendre aux tripes.
6- Bill Ryder-Jones - West Kirby County Primary L'ancien guitariste de The Coral est un talent rare. Après deux disques enregistrés au piano dont un entièrement instrumental à l'ampleur cinématographique et l'autre très mélodique qui aurait pu être signé par Elliott Smith, voici Bill Ryder-Jones qui revient à ses premières amours : la guitare. Et là encore, c'est réussi. On pense au meilleur du rock des années 90, de Pavement à Blur en passant par les Boo Radleys.
5- Blur - The Magic Whip Il y a tellement de reformations "bidon" seulement intéressées par l'argent que beaucoup n'ont même pas pris la peine d'écouter ce nouveau et inattendu Blur. Pourtant, ce "Magic Whip" condense magnifiquement 25 ans de carrière, revenant là où "1999" avait laissé les choses, en y ajoutant une bonne dose de maturité, de guitares plus maîtrisées. Albarn et Coxon se sont rabibochés et on se demande immédiatement pourquoi ils avaient arrêté de travailler ensemble. Ce nouveau Blur est bien plus intéressant que la carrière solo des deux réunie.
4- Destroyer - Poison Season On pense au Bruce Springsteen flamboyant des années 70, mais pas seulement. Avec "Poison Season", Destroyer franchit un cap, abandonnant une pop indé encore maladroite pour gagner en épaisseur. Les arrangements sont ici de toute beauté. Dan Bejar démontre qu'il est aussi capable de jouer dans la cour des grands, dans la première division de la pop. Connaissant son talent de brouilleur de pistes, on attend avec impatience la suite.
3- Viet Cong - Viet Cong S'il n'était pas si sérieux, ce disque serait sans doute en première position de ce classement. Viet Cong, ce sont les guitares les plus tranchantes qu'il m'ait été donné d'entendre cette année. Et que dire de cette rythmique dantesque. Comme les canadiens ont fini sous la menace par changer de nom (vive la liberté d'expression au pays de l'oncle Sam!), ce disque restera unique. Une claque qui fut longtemps mon unique disque référence de 2015, celui après lequel tous les autres paraissaient fades.
2- Christopher Owens - Chrissybaby Forever
Je n'ai jamais vraiment aimé Girls et son côté branleur assumé. Je les voyais comme d'insolents imposteurs, survendus par la plupart des critiques musicaux. Quand il a commencé à chanter en solo, beaucoup ont délaissé Christopher Owens. Comme si celui qu'on disait l'homme à tout faire du groupe n'était finalement rien sans son ancien acolyte. Comme si d'un coup, tout le monde voyait au grand-jour ses recettes faciles et ses toujours mêmes accords. Il a fallu ce troisième album sorti en catimini et enregistré à la maison pour que le chanteur me touche enfin. Car c'est sans artifice et effet de manches que ses chansons sont pour moi les plus convaincantes. "Chrissybaby Forever", c'est du Spiritualized lo-fi, du Spiritualized nettoyé de sa couche pompière voire pompeuse. Du Spiritualized qu'on vient donc visiter plus facilement. Le meilleur disque de Owens, n'en déplaise aux inconditionnels de Girls.
1- Blank Realm - Illegals In Heaven
Je sais bien que je dois être le seul mais je m'en fous. Ce disque est tombé pile poil au bon moment entre mes oreilles. Juste après un certain 13 novembre. Le titre, la pochette, le nom du groupe, les chansons, tout sonnait juste dans ma tête. Depuis, il ne m'a plus quitté. Impossible de se détacher de "Flowers In Mind", "Palace of Love" et des autres, de ces chansons qui rappellent à la fois les Pixies, Sonic Youth ou les Field Mice. Un disque de rock indépendant comme on n'en espérait plus. Un disque qui se fout des modes, un peu bancal, un peu sale, mais qui fait un bien fou. Et on a envie de tout lâcher et de partir avec eux, comme l'homme sur la pochette qui se laisse guider, plein de confiance, sans savoir où il va. Pour oublier ce monde médiocre et ses stupides vanités. Pour oublier qu'en 2015, c'est l'écoeurement qui a prédominé devant l'affreuse actualité. Pour rêver à des lendemains meilleurs. Ici ou ailleurs.