La Californie subit les pires années de sécheresse de son histoire. Des solutions innovantes émergent pour tirer au maximum profit des ressources en eau de l’état.
Depuis 4 ans, la Californie fait l’épreuve de la sécheresse. 2014 et 2015 ont battu les records de chaleur, 2014 figurant également en haut du classement des années les plus arides de l’histoire de l’état. Jerry Brown, gouverneur de Californie avait d’ailleurs déclaré l’état d’urgence le 17 janvier 2014. L’assèchement des cours d’eau en surface (rivières, lacs, etc.) comme des nappes phréatiques en profondeur entachent déjà l’écosystème californien et les conséquences pour les agriculteurs de la Central Valley, région de Californie responsable à hauteur de 40 % de la production en fruits, légumes et fruits à coque (amandes, noisettes, noix) du pays, se font déjà ressentir : régulation drastique de l’irrigation, baisse de la production, pression sur le marché de l’emploi, etc. (Pour mémoire, le secteur agricole en Californie emploie encore aujourd’hui 600 000 personnes). Et le phénomène climatique El Niño, malgré les abondantes précipitations prévues pour janvier 2016, ne permettrait pas d’endiguer totalement le problème de sécheresse auquel fait face l’état actuellement.
Comparaison du barrage de Folsom Lake en Californie entre 2011 et 2014 (Crédits NASA)
Pour autant, des initiatives émergent. Notamment, la Singularity University basée dans la Silicon Valley organisait en octobre son Impact Challenge, récompensant les projets les plus prometteurs en matière de lutte contre la pénurie d’eau en Californie. Premier prix du concours, SunToWater, un projet hébergé par le fabricant d’électronique américain coté au Nasdaq, Flextronics.
Le procédé de distillation : tirer profit des éléments naturels
Ce dernier propose un générateur d’eau portatif qui fonctionne grâce à l’énergie solaire et au système de désalinisation. « Notre système est simple : il draine de l’air qu’il met ensuite en contact avec du sel. Le sel absorbe l’eau, ce qui devient alors une solution salée. La solution est ensuite chauffée grâce au soleil, ce qui fait s’évaporer le sel », explique Benjamin Blumenthal, co-fondateur et CEO de SunToWater.
Dès lors par ce système de « déshumdification », même de l’air pollué peut être traité par l’appareil et générer de l’eau potable. « Notre appareil peut tout à fait être utilisé par des particuliers pour l’approvisionnement de leur maison. Un appareil peut produire entre 40 et 100 gallons d’eau par jour. Mais en multipliant les capacités, de grands restaurants, des hôtels voire des usines pourraient également être alimentés en eau par ce système. Bien sûr, il y a aussi beaucoup de choses à faire du côté humanitaire », poursuit Benjamin Blumenthal. Le prototype de l’appareil dont la commercialisation est prévue pour 2016 fonctionne soit à l’énergie solaire soit grâce au système électrique mais requiert en moyenne « 70 % d’énergie en moins par rapport aux solutions existantes sur le marché », détaille Benjamin Blumenthal.
« L'appareil de SunToWater, scalable, tire quotidiennement 40 à 100 gallons d'eau de l'air que nous respirons. Il peut être utilisé seul ou en réseau ayant alors la capacité de générer des millions de gallons chaque jour »
Second finaliste du Challenge, Sanzfield Technologies, une jeune entreprise de Vancouver au Canada tente une approche différente : la start-up n’a pas inventé une technologie pour « générer » de l’eau mais plutôt de « restaurer la qualité d’une quantité d’eau donnée » selon les propos de Bob Brill, fondateur de Sanzfield Technologies.
Une approche complémentaire : le recyclage des eaux usées
Le système, en passe d’être breveté, permet de traiter des eaux usées sans avoir recours à des filtres ou des produits chimiques mais grâce à l’oxydation électrochimique, la rendant alors adaptée à des usages ménagers (alimentation des chasses d’eau, arrosage, etc.). Seuls sont détruits les bactéries néfastes, virus ou autres micro-organismes. Ce système, dont la forme actuelle est celle d’un petit tank, s’adjoint à la fosse sceptique des maisons individuelles. L’eau est transformée à l’intérieur pour ensuite directement ressortir, prête à être réutilisée.
« Nous faisons du traitement et recyclage d’eaux usées, sur place. Notre cible, pour l’heure, n’est pas de réaliser de l’eau potable bien que nous réfléchissons à cette seconde étape ». Sanzfield Technologies a déjà été approchée par une entreprise chinoise pour tester leur solution.
In 2nd, Sanzfield Tech with a device that treats/recycles household water, reducing household water demand by up to 80% #SUImpactChallenge
— SingularityU (@singularityu) 30 Octobre 2015
Les deux approches diffèrent donc : l’une génère de l’eau à partir de l’énergie solaire, l’autre recycle les eaux usées. Bien qu’elles ne soient pas antinomiques mais plutôt complémentaires, l’une aborde une logique tout à fait intéressante, celle d’éduquer les particuliers à une utilisation de l’eau plus intelligente. « Notre vision est la suivante : à l’échelle planétaire, il n’y a pas de pénurie d’eau à proprement parler. Par contre, c’est un fait : 3 % de l’eau sur terre est potable. En conséquence, utiliser de l’eau potable pour alimenter sa chasse d’eau n’a pas de sens. C’est là que nous intervenons », explique Bob Brill. Toutes les deux en recherche de financement, les jeunes entreprises cherchent aussi à attirer partenaires en tout genre pour faire avancer leur projet et peut-être dépasser les frontières de la Californie.