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L'Inde, un acteur du numérique sur lequel il va falloir compter

Publié le 22 décembre 2015 par Pnordey @latelier

En à peine quatre ans, l’Inde a fait passer le nombre d’utilisateurs d’Internet de 100 à 400 millions. Un progrès hors normes qui attire logiquement les grandes entreprises numériques, d’où une accélération de leurs initiatives en cette fin d’année 2015.

Avec plus de 400 millions d’utilisateurs d’Internet actuellement, soit 50% de plus que l’an dernier, l’Inde devrait prochainement dépasser les États-Unis et devenir le deuxième pays avec le plus d’utilisateurs, juste derrière la Chine. Et selon Google, 500 millions d’utilisateurs seront attendus pour 2018. Cela s’explique en partie par la diffusion de smartphones bon marché dans le pays : à l’été 2015, 590 millions d’Indiens, soit près de la moitié de la population, possédaient en effet un téléphone personnel. Selon le Global Web Index 2015, le consommateur Indien moyen passerait d’ailleurs 3h par jour sur son mobile. Et les géants du net ne s’y sont pas trompés puisqu’ils proposent de nombreux services en avant-première à ce pays et accélèrent les initiatives en cette fin d’année 2016.

L’accès internet, la clé du développement numérique en Inde

La priorité pour ceux-ci réside dans un premier temps dans le fait de faciliter un peu plus ce fameux accès à internet. En septembre dernier par exemple, Google a choisi New Delhi pour installer, en partenariat avec Railtel qui est la branche télécom de l’Indian Railway, 400 bornes wifi dans des gares afin de donner plus d’accès à la population. Il a aussi mis en place l’accès à Google Maps en hors connexion ce qui permet de continuer à naviguer même dans les zones moins bien couvertes par le réseau. Un investissement, certes, mais qui est logique quand on sait que la firme américaine a doublé son chiffre d’affaires en Inde depuis deux ans, dont une croissance de 35% ne serait-ce que l’an dernier.

Mais d’autres géants du net ont compris l’opportunité que représente le pays. Facebook a, par exemple, décidé de rendre sa plateforme www.internet.org accessible depuis l’ensemble du pays. Celle-ci permet à tous les habitants d’accéder gratuitement et sans formalités à internet pour tout ce qui est services de santé, d’éducation ou encore d’emplois. Elle a vocation à réduire la fracture numérique. Actuellement, ce sont 125 millions d’indiens qui utilisent Facebook dont 90% par l’application mobile.

Apple, pour sa part, s’intéresse aussi avec raison à l’Inde, la firme à la pomme a réalisé un milliard de dollars de vente en 2015 dans le pays. « Pour se faire une place sur ce marché, elle a baissé par deux le prix de l’Iphone 5 qui donc à son prix le moins cher au monde là-bas mais l’iPhone représente pourtant moins de 5% des parts de marché de smartphones locales », minimise Arnaud Auger. Afin d’augmenter ses ventes, l’entreprise a décidé de s’attaquer au milieu des affaires, elle espère que 15 à 20% de ses revenus en proviendra. D’ici à mars 2016, son objectif est d’avoir 200 revendeurs dispersés dans le pays à cette fin.

Un écosystème entrepreneurial en plein éveil qui attire les GAFA

Autre domaine en pleine ébullition et qui suscite un véritable intérêt pour les GAFA: l’écosystème des start-up indiennes est celui qui connaît la plus forte croissance au monde. Le pays compte actuellement près de 4 100 start-up et se trouve à la troisième place mondiale en terme de nombre de start-up dans les nouvelles technologies. Selon un rapport du NASSCOM, les start-up indiennes ont créé plus de 80 000 emplois. Arnaud Auger, nous explique: « En 2013, les investissements dans les start-up en Inde étaient d’un milliard de dollars alors qu’ils s’élèvent à près de sept milliards aujourd’hui. Cela représente plus que les investissements dans les start-up françaises. Cela s’explique notamment par les bons retours sur investissements en Chine dans des entreprises comme Alibaba, les détenteurs de capitaux se sont dit que ce succès allait potentiellement être répliqué en Inde. » Là encore, Google ne s’y est pas trompé et vient de lancer un site spécial dédié aux entrepreneurs locaux: https://digitalindia.withgoogle.com/ où des histoires de succès locaux sont racontées et où l’aide du géant du web est vantée - de quoi lui assurer une belle publicité.

Côté Français mais non GAFA, le NUMA a également choisi l’Inde pour son expansion internationale avec l’ouverture de bureaux à Bangalore à l’été dernier. L’accélérateur parisien s’est associé à un partenaire local spécialisé dan le co-working, Cobalt. Là encore le choix de la ville n’est pas un hasard: « C'est la Silicon Valley Indienne, 28% de la croissance de l'écosystème indien en provient », explique Tanguy Joannot, membre de l’équipe développement international au NUMA. Bangalore est le coeur de la révolution technologique indienne, avec 35% des activités du secteur concentrées dans la ville. Pour ce qui est des start-up, Arnaud Auger, associé StartupBRICS expert de l’écosystème indien précise: « environ 50% des start-up indiennes se trouvent à Bangalore et près de 25% à New Delhi, ces deux villes concentrent presque toute l’activité start-up du pays. » Quand le salaire moyen d’un ingénieur américain est de 70 000 dollars par an, celui d’un ingénieur indien à même niveau de compétences est de 8 000 dollars. On comprend donc la grande tentation pour les entreprises informatiques de délocaliser en Inde. Une autre raison qui explique le choix de l’Inde pour ce boom technologique est la bonne maîtrise de l’anglais par sa population. Par ailleurs, la classe moyenne s’est aussi beaucoup développée récemment, Arnaud Auger ajoute: « Près de 300 millions d’indiens touchent 3 000 dollars en pouvoir d’achat par an ce qui leur donne plus facilement accès à internet et à des appareils électroniques. »

Inde et femmes

Des clivages qui persistent entre hommes et femmes, ville et campagne, Bangalore et le reste du pays

Enfin, Amazon n’est pas en reste dans le secteur du retail. Jeff Bezos a en effet investi 2 milliards de dollars sur ce marché et choisi de s’adapter à la culture locale avec des ventes flash pour la grande fête de Diwali, une fête populaire où les Indiens s’offrent des cadeaux, par exemple. Le marché de l’e-commerce est d’ailleurs en plein boom en Inde : une étude du BCG indique qu’il devrait passer d’une valeur de 17 milliards de dollars en 2014 à près de 70 milliards de dollars en 2019. Amazon a d’ailleurs vu ses résultats quadrupler l’an dernier et se retrouve maintenant devant Flipkart, son principal rival local avec Snapdeal.

Toutefois, tout n’est pas rose pour les entrepreneurs indiens. Il est dur de se faire une place si l’on n'est pas passé par une grande école ou si l’on ne dispose pas d’un soutien familial important. Ceux qui ont arrêté leurs études en cours de route partent avec beaucoup de préjugés et auront plus de mal à s’en sortir que dans d’autres pays où les parcours plus atypiques sont mieux acceptés même si les mentalités commencent à changer.

Il y a aussi une inégalité entre les sexes puisque moins de 30 % des  utilisateurs internet sont des femmes. L’inégalité se retrouve par exemple dans les chiffres rapportés par Facebook en Inde: 75% de ses utilisateurs sur place sont des hommes. Cependant, tout n’est pas négatif quand on sait que la croissance des utilisateurs d’internet en ville pour les femmes et plus importantes que pour les hommes et qu’elles sont de plus en plus nombreuses à se lancer dans des start-up digitales. « Il y a aussi un très fort pourcentage de femmes parmi les développeurs formés par les meilleures universités indiennes, beaucoup plus élevé qu’en France. » nous rassure Arnaud Auger qui dit avoir été marqué par l’implication de certaines femmes indiennes dans le féminisme.

Malgré cette croissance encourageante, n’oublions pas surtout que les deux tiers de la population indienne n’ont toujours pas accès à Internet et que ceux qui y ont accès sont souvent limité à la 2G. Le fossé entre les villes et la campagne reste très marqué et il faudra probablement de nombreuses années avant de le réduire.


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