Texte d’Elora
:star: La Plume magique
– Qu’est ce que vous faisiez de beau ?
Elle a demandé cela pour la forme: elle se fiche bien de la réponse. Elle est comme ça mamie. Elle pose des tas de questions mais elle n’écoute pas vraiment les réponses.
– C’est mercredi, c’est le jour de l’histoire, lui ai-je- répondu en devinant déjà sa réaction.
– Encore à lui farcir la tête de bêtises! Tu vas en faire une tête en l’air comme toi, a-t-elle lancé à maman.
J’ai imaginé maman qui m’enfonçait des bouts d’histoires dans les trous de nez et dans les oreilles. J’ai pouffé de rire. Mamie m’a fusillé du regard. J’ai esquivé la balle de peu et j’ai battu en retraite sur la terrasse avant qu’elle ait le temps de recharger.
Je me suis assis à la place de maman en l’attendant, ça risquait d’être long. Le stylo plume était resté débouché en travers de la feuille. Il avait l’air de s’ennuyer. Moi aussi d’ailleurs. On a pourtant encore pas mal de travail devant nous. La semaine dernière, ça nous a pris la matinée entière. Il faut dire que le problème était épineux : j’avais raconté à maman comment Jonathan, un grand de CE1, m’avait fait un croche-patte à la récrée. Je m’étais étalé comme une crêpe et tout le monde s’était moqué de moi. Alors maman avait pris son stylo, elle en avait tapoté l’extrémité sur ses lèvres puis elle avait approché la plume de la feuille blanche et sans la toucher elle avait tracé dans les airs quelques cercles comme avec une baguette magique.
Lorsque la pointe du stylo avait touché la feuille, cet idiot de Jonathan s’était métamorphosé en Jo Le bancal, le terrible capitaine pirate qui terrorisait tout son équipage et surtout Nat le petit mousse. L’affreux capitaine, au sourire édenté, obligeait le jeune garçon à passer ses journées dans la cale humide et malodorante pour tuer les souris et les rats. Mais Nat ne pouvait pas se résoudre à faire du mal à ceux qui étaient devenus ses seuls amis à bord. Un soir, les rongeurs se réunirent pour mettre au point leur vengeance. Ils s’introduisirent dans la cabine du capitaine et rongèrent légèrement la jambe de bois de Jo. Le lendemain, le perfide capitaine avait bien l’intention de s’amuser un peu en bottant le derrière du petit mousse. Mais au moment où il s’était engagé dans l’escalier qui menait aux entrailles du bateau, sa jambe de bois rongée avait cédé et le capitaine avait dégringolé sur son gros derrière en bas des marches.
J’étais un peu déçu, j’aurais préféré être transformé en un vaillant pirate grand et fort qui aurait donné une bonne leçon à Jo. Maman m’a répondu que les petites crevettes futées valaient mieux que les grands requins idiots. Moi, j’aurais aimé être un requin futé. Tant pis, après tout cet idiot de Jonathan avait été puni par le stylo plume magique et moi je me sentais mieux.
Aujourd’hui, j’avais un autre problème à raconter à maman. Hugo voulait me piquer mon amoureuse Angèle. Il est drôle et ses blagues la font rire alors que moi je reste muet comme une carpe et rouge comme une tomate. J’avais hâte de découvrir en quoi le stylo magique allait métamorphoser ma belle Angèle : en princesse ? en sirène ? en reine du désert ? Cette fois, je serai peut-être un prince fort et courageux…
Dans le salon, le ton monte. Maman et mamie sont en train de se crier dessus. Cette histoire-là, je sais déjà comment elle va finir : mamie va partir en claquant la porte, maman va s’enfermer dans la cuisine pour préparer le repas alors qu’il n’est que 10 heures et il n’y aura pas d’histoire aujourd’hui.
Un claquement de porte, puis un autre, ça y est : voilà ça n’a pas loupé…
Le thé de maman est froid, un courant d’air fait frémir les feuilles toujours blanches. Le stylo a légèrement roulé sur la table. Je le prends en main. Je porte l’extrémité à mes lèvres, comme le fait maman, puis j’approche la plume de la feuille blanche en faisant des cercles en l’air. La pointe frôle le papier :
« Il était une fois une joli renne et un prince qui était ensorselé par une vilenne sorcière qui avai le pouvoir de se transformer en tarte au citron. Elle avai transformer la tête du prince en tomate farsi et la renne en fontène…. »
Texte d’Elora
:star: La Plume magique
On venait juste de s’installer sur la terrasse, il faisait beau ce matin et ça sentait le chèvrefeuille. Maman avait déposé devant nous quelques feuilles blanches, elle avait fait le plein de thé et avait dégainé le beau stylo plume que papa lui avait offert. C’était notre rituel du mercredi. On était prêts à attaquer quand la sonnette de la porte a retenti. Maman et moi, on s’est échangé un regard contrarié et on est allé voir qui s’acharnait sur la pauvre sonnette : c’était Mamie. Elle avait le chic pour débarquer toujours au mauvais moment. Elle avait sa tête des mauvais jours comme tous les jours et un drôle de tailleur jaune. On aurait dit une tarte au citron. Elle a baragouiné un « bonjour » pas aimable et s’est penchée vers moi pour me tartiner les joues de rouge à lèvres :– Qu’est ce que vous faisiez de beau ?
Elle a demandé cela pour la forme: elle se fiche bien de la réponse. Elle est comme ça mamie. Elle pose des tas de questions mais elle n’écoute pas vraiment les réponses.
– C’est mercredi, c’est le jour de l’histoire, lui ai-je- répondu en devinant déjà sa réaction.
– Encore à lui farcir la tête de bêtises! Tu vas en faire une tête en l’air comme toi, a-t-elle lancé à maman.
J’ai imaginé maman qui m’enfonçait des bouts d’histoires dans les trous de nez et dans les oreilles. J’ai pouffé de rire. Mamie m’a fusillé du regard. J’ai esquivé la balle de peu et j’ai battu en retraite sur la terrasse avant qu’elle ait le temps de recharger.
Je me suis assis à la place de maman en l’attendant, ça risquait d’être long. Le stylo plume était resté débouché en travers de la feuille. Il avait l’air de s’ennuyer. Moi aussi d’ailleurs. On a pourtant encore pas mal de travail devant nous. La semaine dernière, ça nous a pris la matinée entière. Il faut dire que le problème était épineux : j’avais raconté à maman comment Jonathan, un grand de CE1, m’avait fait un croche-patte à la récrée. Je m’étais étalé comme une crêpe et tout le monde s’était moqué de moi. Alors maman avait pris son stylo, elle en avait tapoté l’extrémité sur ses lèvres puis elle avait approché la plume de la feuille blanche et sans la toucher elle avait tracé dans les airs quelques cercles comme avec une baguette magique.
Lorsque la pointe du stylo avait touché la feuille, cet idiot de Jonathan s’était métamorphosé en Jo Le bancal, le terrible capitaine pirate qui terrorisait tout son équipage et surtout Nat le petit mousse. L’affreux capitaine, au sourire édenté, obligeait le jeune garçon à passer ses journées dans la cale humide et malodorante pour tuer les souris et les rats. Mais Nat ne pouvait pas se résoudre à faire du mal à ceux qui étaient devenus ses seuls amis à bord. Un soir, les rongeurs se réunirent pour mettre au point leur vengeance. Ils s’introduisirent dans la cabine du capitaine et rongèrent légèrement la jambe de bois de Jo. Le lendemain, le perfide capitaine avait bien l’intention de s’amuser un peu en bottant le derrière du petit mousse. Mais au moment où il s’était engagé dans l’escalier qui menait aux entrailles du bateau, sa jambe de bois rongée avait cédé et le capitaine avait dégringolé sur son gros derrière en bas des marches.
J’étais un peu déçu, j’aurais préféré être transformé en un vaillant pirate grand et fort qui aurait donné une bonne leçon à Jo. Maman m’a répondu que les petites crevettes futées valaient mieux que les grands requins idiots. Moi, j’aurais aimé être un requin futé. Tant pis, après tout cet idiot de Jonathan avait été puni par le stylo plume magique et moi je me sentais mieux.