Il y a des moments dans la vie où aller au cinéma semble
un geste futile. Combien de fois en 2015, le cœur n’y était pas vraiment…
Pourtant c’est exactement dans ces moments de tristesse comme cette année nous
en a malheureusement trop apporté que l’importance de la
« trivialité » (si l’on peut dire du cinéma que c’est trivial, ce
dont je doute grandement) se fait plus forte. L’importance de ces instants de vie
dont le cinéma fait partie prend encore plus de sens.
Cette année encore, j’ai aimé aller au cinéma, j’ai aimé découvrir des films,
seul, avec des gens que j’aime, et même avec ces cons qui prennent un malin
plaisir à me gâcher les films à coups de bruits, parlottes et coups dans le
fauteuil. Même ces cons-là, j’ai pu être content de partager des moments de
cinéma avec eux, cette année. Bon, avec eux un peu moins quand même.
Mais le cinéma, c’est aussi ce qui se passe à l’écran,
quand le 7ème Art nous évade de cette tristesse en danger de devenir
ordinaire, ou qu’il trouve les mots et les images pour parler au mieux de ce
que nous ressentons. Bref, j’ai continué à aimer le cinéma en 2015, et voilà
pourquoi.
Parce que « Kingsman : Secret Service » s’ouvre sur « Money
for Nothing » des Dire Straits, et « Veteran » sur « Heart
of Glass » de Blondie. Et quand ça commence comme ça, on sait que le film
sera bon.
Parce que Paul Thomas Anderson et Joaquin Phoenix sont
venus présenter « Inherent Vice » à l’Arlequin et que j’étais dans la
salle.
Parce que j’ai vu deux films interprétés par l’excellent acteur norvégien Aksel
Hennie.
Parce que Jean-Marc Vallée utilise El Condor Pasa de
Simon & Garfunkel dans « Wild ».
Parce qu’au milieu d’ « Une merveilleuse
histoire du temps », le film à Oscars sur Stephen Hawking, Frank Leboeuf
débarque sans crier gare.
Parce que j’ai revu « The Big Lebowski » sur grand écran, et qu’entre 378 hurlements de rire, je suis toujours ému quand Donnie s’éteint comme un enfant apeuré.
Parce que le mari de Meira s’allonge dans le salon pour
écouter le disque de sa femme.
Parce qu’à chaque fois que je vois un film de Gianni DiGregorio, j’ai envie d’aller à Rome.
Parce qu’il y a quelque chose de lumineux chez Mark
Ruffalo dans « Foxcatcher ».
Parce que Zhao Tao danse sur « Go West » des Pet Shop Boys.
Parce que quand Bouli Lanners chante sa chanson à une femme dans un train vers le grand nord canadien, elle lui répond « Ah, t’es nul, j’aime pas » dans « Je suis mort mais j’ai des amis ».
Parce qu’au moment où j’ai revu « The
Misfits », alias « Les désaxés », sur grand écran au début de
l’année, Eli Wallach était encore en vie.
Parce qu’à part les 8 dernières minutes convenues,
« Papa ou Maman » est l’un des films les plus drôles dont a accouché
le cinéma français ces dernières années.
Parce que grâce à « Things people do », j’ai vu
la trop rare Vinessa Shaw sur grand écran.
Parce qu’à un moment, je me suis réveillé de ma torpeur
devant « Il est difficile d’être un Dieu ».
Parce que « Vincent n’a pas d’écailles » revisite le mythe du
super-héros à l’échelle du cinéma d’auteur français.
Parce que Ryoo Seung-wan était mort de rire dans la salle
pendant la projection de « Scary House » au FFCP.
Parce que Colin Firth est badass de chez badass.
Parce qu’au moment où le grand Thomas dit, dans « Le film
que nous allons tourner au Groenland », « De toute façon il ne passera
qu’au MK2 Beaubourg », j’étais assis au MK2 Beaubourg.
Parce que j’ai vu Anthony Quinn apprendre à Alan Bates à
danser le sirtaki.
Parce que le Japon post-Fukushima s’insinue dans
« Tokyo Fiancée ».
Parce que Benjamin Biolay mériterait de faire plus de
cinéma.
Parce que Michael Mann filme la mort d’un personnage en
caméra subjective avec une simplicité et une force rares.
Parce que ça faisait trop longtemps que Michael Keaton et Edward Norton n’avaient pas eu l’occasion de montrer quels bons acteurs ils sont.
Parce que dans « Tu dors Nicole », un gamin
d’une douzaine d’années qui a mué trop vite parle avec la voix d’un mec de 40 piges.
Il fait du gringue à Nicole, la vingtaine, et c’est irrésistible de drôlerie.
Parce que les morceaux de musique de « Franck »
et « Paris of the North » sont d’enfer.
Parce que l’un des personnages les mieux écrits, filmés
et joués que j’ai vu était haut comme trois pommes et s’appelait Jack.
Parce que Peter Bogdanovich m’a donné envie de me
replonger dans le cinéma de Lubitsch, Wilder et Hawks.
Parce que Kim Dong-ho, fondateur et directeur d’honneur
du Festival de Busan, a revêtu le hoodie du FFCP pour donner sa masterclass.
Parce que le cinéma de Bruno Podalydès continue de me
rendre amoureux de la vie.
Parce que Napoleon Solo mange son sandwich tranquille dans
son camion pendant qu’Ilya essaie de sauver sa peau lors d’une course poursuite
en bateau.
Parce que l’ex-catcheur John Cena vole toutes les scènes
dans lesquelles il apparaît dans « Crazy Amy »
Parce que l’écho de la musique de « Sicario »
me donne encore des frissons.
Parce que la présence et la beauté d’Aomi Muyock
compensent le manque de charisme de Karl Glusman dans « Love » de
Gaspar Noé.
Parce que « Magic Mike XXL », c’était mieux que
« Magic Mike ».
Parce que j’avais oublié que Jason Statham pouvait être
drôle et que « Spy » me l’a rappelé.
Parce que quand le héros de « Hard Day » a
enfin réussi à glisser son cadavre encombrant dans le cercueil de sa mère et
refermé celui-ci, le téléphone portable du mort sonne.
Parce qu’un documentaire sur l’équipe de hockey sur glace
de l’ex-Union Soviétique, c’est passionnant.
Parce que Josh Brolin commande ses plats en japonais au
restaurant dans « Inherent Vice ».
Parce qu’à la sortie de l’excellent « Histoire de
Judas », un petit vieux fulminait du « révisionnisme » du film,
et que cela m’a bien fait rire de l’entendre dire ça.
Parce qu’il y a de la grâce dans « Leopardi, il
giovane favoloso ».
Parce que Jean-Pierre Bacri parle facilement à son GPS,
mais difficilement à son père.
Parce qu’ « Une belle fin » porte bien son
titre.
Parce que dans un moment de folie passagère, je suis allé
voir « Robin des Bois, la véritable histoire », et je n’arrive plus à
me souvenir pourquoi. C’était pénible mais repenser au fait d’être allé le
voir, c’est hilarant.
Parce que même s’il est classique dans la forme, quelque
chose m’a remué dans « Le Labyrinthe du Silence ».
Parce qu’Alex Garland est passé à la réalisation.
Parce que la fin de « Sea Fog » laisse libre
court à notre imagination…
Parce que quand je suis sorti de la projection de
« Comme un avion », je suis passé devant un café à la terrasse duquel
était attablé Bruno Podalydès.
Parce que Valley of Love m’a rappelé quel grand acteur
est Gérard Depardieu.
Parce que je n’ai pas reconnu Tony Leung Ka Fai dans “La
Bataille de la Montagne du Tigre”.
Parce que même si le scénario n’est pas à la hauteur du
pitch, Pixar est assez fou pour faire un film comme « Vice Versa ».
Parce qu’un film de Terrence Malick est sorti en salles.
Même s’il s’agit probablement de son moins réussi.
Parce qu’à Cannes, j’ai croisé John Turturro en smoking
qui attendait sur le trottoir d’une petite rue qu’on lui installe sa table dans
un restaurant vietnamien, Shin Su-won déambulant sur la Croisette à 3h du mat’
avec son producteur, Jake Gyllenhaal cherchant à se cacher des photographes
sous sa casquette…
Parce que le film d’horreur américain a repris un peu de couleurs
avec « Unfriended » et « The Visit ». Et beaucoup avec « It
Follows ».
Parce que je suis sorti de « Love & Mercy »
en me précipitant pour écouter « God Only Knows » des Beach Boys.
Parce que Gasoil refuse catégoriquement de dormir dans
une chambre où est épinglé un poster de Mariah Carey.
Parce que j’ai vu un film guatémaltèque.
Parce que j’ai vu un dinosaure avec l’œil qui vrille ayant
un animal sur chacune de ses cornes pour calmer chacune de ses angoisses, ou
presque. C’était dans « Le voyage d’Arlo », pas « Jurassic
World ».
Parce que Michael Peña devrait faire plus de comédies.
Parce que la région du Guadalquivir filmée du ciel sous
un angle de 90° donne un caractère incroyable à « La Isla Minima ».
Parce que rien ne m’avait préparé à découvrir
« Sorcerer / Le convoi de la peur » de William Friedkin en version
restauré sur le grand écran du Max Linder Panorama.
Parce que Michel accorde une très grande importance au
matos.
Parce que Tony Revolori ne s’arrête pas à « Grand
Budapest Hotel » et enchaîne.
Parce que « La niña de fuego » est un drôle de
film.
Parce que je me suis retrouvé assis en plein milieu de
l’orchestre de la grande salle Lumière du Palais des Festivals, juste derrière
l’équipe du film coréen « Office » lors de la séance de minuit.
Parce que « Much Loved » ne devrait pas être
une rareté.
Parce que dans « Marguerite », il y a Michel
Fau.
Parce que je crois que « Mon Roi » et « Les deux amis »
m’ont réconcilié avec Louis Garrel.
Parce que « Ni le ciel ni la terre » conserve
tout son mystère.
Parce que « Souvenirs de Marnie », « Miss
Hokusai », « Vers l’autre rive », « Notre petite
sœur » ont porté haut les couleurs du Japon dans les salles françaises
cette année.
Parce que « Le Bouton de nacre » rend le
monde plus beau.
Parce que le plan-séquence d’ouverture de
« Spectre » est une tuerie.
Parce que Connie Britton et Nick Offerman sont les
parents du héros dans « This is not a love story ».
Parce que malgré de nombreux problèmes narratifs, je me
suis éclaté devant le nouveau Star Wars.
Parce que le soir de l’ouverture du 10ème
Festival du Film Coréen à Paris, la salle pleine à craquer du Publicis riait et
applaudissait à tout rompre devant le jubilatoire « Veteran » de Ryoo
Seung-wan.
Parce que j’espère qu’Arnaud fera un 3ème film.
Parce que je suis encore tout ébouriffé par « Mad
Max Fury Road ».
Parce que dans la salle Debussy à Cannes, je m’asseyais
toujours le rang devant les équipes de film et que je pouvais me retourner et
regarder leur émotion lorsque la lumière se rallumait.
Parce que Wim Willaert, sa barbe et sa casquette jaune
sont une des plus belles révélations de l’année.
Parce que Rainn Wilson a trop la classe quand il
balance « Nap time, motherfuckers » dans « Cooties ».
Parce qu’ « American Sniper » est plus
subtil qu’il en a l’air.
Parce que j’ai eu l’impression d’avoir 17 ans à nouveau
cette année, entre « Studio 54 » qui ressortait en salles dans une
Director’s Cut inédite et cette attente fébrile d’un tout nouveau Star Wars.
J’avais l’impression d’être retourné en 1999.
Parce qu’à la Cinémathèque c’était Noël tous les jours en
décembre avec la rétrospective Im Kwon-taek.
Parce que j’ai hâte d’aller voir les deux Thomas
s’aventurer au Groenland.
Parce que Vincent Macaigne lit le générique de fin
d’ « Une histoire américaine » et en fait un des meilleurs
génériques de fin qui soit, commentant les musiques utilisées, les
remerciements, les seconds rôles ou les techniciens et ce qu’ils ont fait pour le
film.
Parce que maintenant, il arrive que Plastic Man me
reconnaisse et vienne me parler.
Parce que je ne suis pas fait pour le
« e-cinema ».