Magazine Cinéma

[Critique] CAROL

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] CAROL

Titre original : Carol

Note:

★
★
★
★
☆

Origines : Grande-Bretagne/États-Unis
Réalisateur : Todd Haynes
Distribution : Rooney Mara, Cate Blanchett, Kyle Chandler, Sarah Paulson, Carrie Brownstein, Jake Lacy, Cory Michael Smith, John Magaro…
Genre : Drame/Romance/Adaptation
Date de sortie : 13 janvier 2016

Le Pitch :
À New York, dans les années 50, Therese, une jeune vendeuse, fait la connaissance de Carol, une femme distinguée prisonnière d’un mariage qui n’en finit plus de partir à la dérive. Rapidement, une relation se noue à mesure que les deux femmes font connaissance, et des sentiments ne tardent pas à faire leur apparition, envers et contre les conventions…

La Critique :
Aujourd’hui complètement intégré à l’œuvre de Patricia Highsmith, le roman dont s’inspire le nouveau film de Todd Haynes, fut pourtant publié pour la première fois en 1952 sous l’un des nombreux pseudonymes de l’auteure. La raison ? Son sujet, soit la relation amoureuse de deux femmes, contraintes de vivre leur passion, cachées de la société, au risque d’en subir les foudres.

Ici, comme dans Le Secret de Brokeback Mountain, le contexte est primordial. Non content de raconter une histoire d’amour entre deux femmes, le réalisateur Todd Haynes souligne les préjugés vis à vis de l’homosexualité dans l’Amérique des années 50. Bien sûr, il n’est pas uniquement question de regards en biais et de jugements balancés par des passants estomaqués, mais de conséquences bien plus graves, qui entravent non seulement la passion, mais mettent aussi carrément en péril le bon déroulement de l’existence des personnes impliquées. Et si le film s’appelle Carol (le personnage de Cate Blanchett) et non Therese (celui de Rooney Mara), c’est que c’est Carol qui doit composer avec les conséquences de son attirance pour les femmes. Mère de famille, elle doit aussi faire avec un mari décidé à la faire changer, et doit en cela se soumettre aux demandes d’une belle famille autoritaire.
Sans forcer le trait, Todd Haynes parvient néanmoins à illustrer ses problématiques avec une éloquence rare. Tandis que se déroule son récit, dans une ambiance feutrée, la dureté des ressentis donne lieu à des accès retranscrits à l’écran avec une fureur sourde. Pas question de sombrer dans l’agressivité. Chez Haynes, comme souvent, la retenue est à l’ordre du jour et plutôt que de chercher l’expression des sentiments, des peurs ou des espoirs dans les dialogues, c’est avant tout vers les comportements, les regards et les silences qu’il faut se tourner.

Carol-Rooney-Mara

C’est en partie pour cela que le cinéaste devait absolument pouvoir compter sur ses actrices. Ces dernières étant appelées à exprimer beaucoup de choses sans trop en faire. Saluons ainsi Cate Blanchett et Rooney Mara pour leurs interprétations absolument remarquables. La première, impériale, toute en prestance, est impressionnante. Évoluant dans sa vie en mettant en avant une attitude qui encourage une distance, elle accorde beaucoup d’importance aux apparences et au paraître pour mieux cacher les failles d’une existence qui part en morceaux. Dévorée par une passion mais aussi par des sentiments contradictoires, Carol incarne à elle seule les thématiques du long-métrage et grâce à Cate Blanchett, à l’écran, c’est une foule d’émotions et de sentiments qui explosent au fur et à mesure que l’histoire progresse.
En face, Rooney Mara joue sur un autre registre. Plus spontané, plus jeune, moins pudique, son personnage représente l’avenir, en cela que Therese, si elle se pose des questions sur des sentiments qui lui sont inédits, prend aussi les choses comme elles viennent, en acceptant ce que lui dicte son cœur. Comédienne polymorphe, Rooney Mara n’a en cela pas volé son prix d’interprétation au Festival de Cannes. Elle aussi est parfaite. D’une beauté simple, charismatique au possible, elle sait faire progresser son personnage au diapason d’une Cate Blanchett qui passe de meneuse à victime.

Devant la caméra de Todd Haynes, les deux actrices subliment une histoire plus complexe qu’il n’y paraît et finissent par largement contribuer à en extirper l’émotion, qui touche en plein cœur lors d’une dernière partie à la sensibilité ténue.
Le réalisateur d’ailleurs, fait preuve de beaucoup de pudeur. Surtout quand vient le moment du passage à l’acte. Ce qui fut montré du doigt par une partie des critiques, qui ont reproché la froideur des rapports, là où il faut surtout voir un désir de rester cohérent par rapport à la nature discrète et réservée de la relation en question. Haynes prend le risque de progresser à pas de loup, au risque d’accumuler les petites longueurs. Il privilégie la poésie par rapport à la démonstration et fait de cette passion fugace une partition lyrique dont il redéfinit les contours sans en dénaturer l’essence. Visuellement également, son long-métrage est superbe, et finalement plus audacieux qu’il n’y paraît.
Sans en avoir l’air, Haynes livre un film d’amour certes, mais aussi un pamphlet social, dont les personnages parviennent à incarner un discours avec une infinie délicatesse.

@ Gilles Rolland

Carol-Cate-Blanchett
  Crédits photos : UGC Distribution


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Onrembobine 57561 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines