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(anthologie permanente) Ivar Ch'Avar (& camarades)

Par Florence Trocmé

Tout récemment Laurent Albarracin a proposé dans Poezibao une note de lecture du livre Cadavre grand m’a raconté : anthologie de la poésie des fous et des crétins dans le nord de la France, d’Ivar Ch’var & Camarades.
Il propose, en complément de cette note, ces quelques extraits de ce livre pour l’anthologie permanente.
Rolande A.
Cadavre grand m’a raconté

Cadavre grand m’a raconté
Mort je suis et ressuscité
Si macchabée je suis resté
Vif je suis tu l’as constaté
Ai au bord d’Érèbe habité
Aux rives hantées du Léthé
Et de l’Achéron enchanté
Puis à leur source ai remonté
Et ai à gué passé l’été
Leurs bras frappés de siccité
Ai vu les morts à mon côté
Les démons crabes déités
Tous courant comme des ratés
Parmi les saules étêtés
Des paluds où Dante a été
Quand des Enfers a visité
Des dômes jusqu’aux cavités.
(…)
pp. 13-14
Marie-Élisabeth Caffiez
Aïeules (chambrées)

Dans l’encadrement de leurs ailes
Les mites bougent peu le cou
Quand réunies à quatre ou six
Sont échangés leurs chuchotis.
En chemise et bonnet de nuit
L’une pourtant hoche la tête
Et distribue aux courants d’air
Devant les hautes penderies
Maint salut comme maint avis ―
C’est l’hôtesse et porte-lanterne
Son rêve est d’une seule haleine
Et clignote en l’esprit de toutes.
― À voir ta ouate et ta farine
La mite, j’ai touché beaucoup.
Que bouge au flou de quelque fable
Ton souvenir veule et très doux.
Pas plus qu’une pincée de cendre
Ton abdomen n’existait tant.
Saupoudre-moi de ton mystère
Tandis que dans l’angle du soir
J’endosse la robe et me coiffe
Du voile empesé de Belphègre.
pp. 49-50
Myriam Erkelboudt
Le matin

Le matin je me levais dans la lumière aigre au carreau
J’avais encore du plancton plein les yeux le jour était ancien
D’un quart d’heure ma chemise de nuit tombait juste
Au-dessus de mes petites rotules pointues (qui depuis ont
Tant plu aux hommes, tant pis) j’étais pauvre avec des mèches
Pendantes un mauvais goût dans la bouche. Maintenant
J’ai pris le pain dans la huche et fait chauffer le lait le café
Embaume quand même. Grand-Mère apparaît en se grattant
La hanche et se rendort en marchant. ― Je ne me rappelle plus
Si j’ai rêvé dans mon lit ou devant la télé : ces fées, ces ogresses ?
Sur la nappe cirée les miettes du souper se sont cristallisées.
Quand on ouvre les placards de potron-minet et qu’on en
Tire des bols cuillers et sucriers ― on en tire aussi des odeurs
De cadavres, mais de bons cadavres ― friands, amidonnés.
p. 174
Ivar Ch’Vavar et Camarades, Cadavre grand m’a raconté : anthologie de la poésie des fous et des crétins dans le nord de la France, Coédition Le Corridor bleu et Lurlure, 2015, 522 p., 32 €


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