Encore une année qui ne m'a inspiré pas. En 1975, comme l'année suivante, je n'ai pas trouvé mon compte en termes de musique - je n'ai peut-être pas bien cherché. J'ai quand même listé 10 disques, qui, s'ils ne squattent pas très régulièrement mes oreilles, n'en demeurent pas moins, pour la plupart, excellents.
10- Harmonia - Deluxe
Deux groupes essentiels du krautrock, Neu! et Cluster, se rassemblent pour former Harmonia qui porte admirablement son nom. C'est l'ambiant cher à Eno qui naît là, une certaine idée de la musique contemplative qui, malgré tout, reste éminemment mélodique. Du synthétiseur de luxe, en somme.
9- Sparks - Indiscreet
Les Sparks se perdent ici un peu dans la grandiloquence en délaissant parfois les mélodies. Il faut dire qu'il est difficile de tenir le rythme fou et emballant imposé par les deux précédents disques. Après "Indiscreet" qui contient malgré tout son lot de chansons hautes en couleurs, il faudra attendre la période disco pour les retrouver inspirés.
8- Manset - Y a une route
Voilà le disque le plus connu de Manset, celui qui contient la chanson emblématique du chanteur, "Il voyage en solitaire", celle qui a remporté le plus grand succès. Après ça, le déluge, le sabotage de carrière. Prévisible, quand on connaît la misanthropie de l'homme. "Y a une route", c'est ce chemin du succès emprunté par erreur. Cela aura au moins servi à montrer, si besoin, que l'énergumène est aussi capable de rencontrer le grand public, sans rien perdre de son profond pessimisme.
7- Gainsbourg - Rock around the bunker
Voilà un album injustement méprisé par le public et son auteur lui-même. Pourtant, Gainsbourg réussit l'exploit de traiter légèrement un sujet grave sans que la provoc' saute aux oreilles. Mais, à l'époque, pas grand monde n'avait semble-t-il prêté attention à la musique. Et puis "Rock around the bunker" contient ma chanson préféré de Gainsbourg, le sublime "Zig zig avec toi". Nazi, sex and fun, il fallait oser.
6- Queen - A Night At The Opera
Qu'on se le dise tout de suite, le véritable problème de Queen, c'est le jeu "casse couilles" de son guitariste, le chevelu Brian May. Freddie Mercury, le plus talentueux du lot, cela va sans dire, pas chien, laisse régulièrement ses petits camarades aux manettes sur certains morceaux. "A Night at the Opera" est sans doute le disque sur lequel la guitare de May est la plus supportable. Si seulement Mercury avait écrit les chansons seules, la carrière de Queen aurait été tout autre. Quand c'est lui qui compose, les titres ont une sacré classe : "Lazing on a sunday afternoon", "Seaside rendez-vous", "Love of my life" et bien sûr l'inénarrable "Bohemian Rhapsody".
5- Bruce Springsteen - Born to run
Comme pour Queen, je ne suis pas un grand admirateur du boss. Pourtant, j'admets qu'il a inspiré nombre de groupes et d'artistes que j'aime bien, de Arcade Fire à Destroyer. C'est sur "Born to run" que son rock lyrique et un poil ampoulé passe le mieux pour moi. Les envolées de la chanson titre ou de "Backstreets" sont difficilement résistibles.
4- Kraftwerk - Radio-activity
"Radio-activy" n'est sans doute pas le meilleur disque des allemands de Kraftwerk. Il est, avec le recul, une sorte de brouillon du chef d'oeuvre pop à venir, "The Man Machine". Les machines n'apparaissent pas encore totalement "maîtrisées", hormis sur quelques morceaux bien sentis, comme le morceau-titre, parfait en son genre.
3- Patti Smith - Horses
Ca démarre tambour battant avec une reprise au débotté du "Gloria" de Them, l'ancien groupe de Van Morrison. C'est peu dire que le morceau est transcendé. Et que penser des premières paroles, plus que significatives : "Jesus died for somedody's sins but not mine". Ces mots deviendront comme un leitmotiv du punk - ce refus de l'ordre pré-établi - et Patti Smith comme la grande prêtresse du mouvement. "Horses", sa pochette comme sa musique resteront à jamais gravées dans l'histoire du rock.
2- Brian Eno - Another Green World
Souvent considéré comme le chef d'oeuvre de son auteur, "Another Green World" n'est pourtant pas mon disque favori de Brian Eno. Je lui préfère ses précédents et le suivant, l'indépassable "Before and After Science". En 1975, le chant se faisait rare chez lui, c'est peut-être pour cela que j'adhère moins. Mais bon, un album qui contient un morceau aussi parfait que "Golden Hours" est forcément un excellent album.
1- Neu! - Neu! 75
Neu! est sans nulle doute l'une des formations les novatrices de l'époque et de l'histoire du rock. La première partie du disque, c'est la période berlinoise d'Eno-Bowie, la deuxième, c'est du punk d'avant-garde, proche d'un Pere Ubu. Une face pour Dinger, l'autre pour Rother. Pas étonnant qu'avec de telles divergences d'univers, le groupe ait eu du mal à donner une suite. En attendant, c'est le rock des décennies futures qui s'écrivait là. Essentiel.