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Franck Baudino : « Il ne faut pas confondre e-santé et télémédecine »

Publié le 22 janvier 2016 par Pnordey @latelier

Le digital peut-il servir au développement d’un cadre médical fiable et normalisé ? Faute de moyens humains, Franck Baudino a imaginé une cabine de téléconsultation où le numérique soutient les médecins et soulage les patients.

Dans tous les pays, et pas seulement ceux en voie de développement, il y a des régions où les médecins manquent. Les territoires ruraux et montagneux sont les premiers touchés lorsque les périodes touristiques touchent à leur fin, mais il y a aussi de ces territoires urbains en déshérence, comme certaines communes au nord de Paris, où les médecins s’installent moins. En 2014, L’Atelier présentait les Consult Stations, des cabines de téléconsultation à destination des déserts médicaux mises en place par la société H4D. Aujourd’hui à l’occasion du Maddy Keynote 2016, Franck Baudino, PDG et fondateur de H4D, fait un point sur l’évolution de son projet.

Franck Baudino : « Il ne faut pas confondre e-santé et télémédecine »

Vous êtes avant tout médecin. Avez-vous exercé dans des déserts médicaux ?

Oui, j’ai exercé à l’étranger mais aussi en France. C’est en étant confronté au terrain que j’ai pu comprendre ce qu’était le travail dans ces zones-là et réfléchir à un moyen qui pouvait aider les populations. Pour l’avoir vécu, c’est être de garde toutes les nuits et tous les week-end. Des appels du SAMU ou des patients peuvent tomber à toute heure du jour et de la nuit. C’est très contraignant de travailler là où il y a peu de médecins.

Quelles initiatives ont aujourd’hui été prises pour développer la médecine en zones rurales ?

En France, tout le monde a entendu parler du plan santé qui veut favoriser l’accès des jeunes médecins dans les territoires isolés en allégeant certaines charges et en assurant notamment une rémunération minimale. Je pense que toutes les mesures sont complémentaires et qu’il n’y a pas de solution miracle.

En termes d’initiatives touchant au numérique, il existe des plans nationaux qui, à mon sens, ne sont pas assez poussés. Ils ont plus vocation à structurer un domaine informatique plutôt que technologique. On pourrait aller beaucoup plus loin. Aux Etats-Unis ou au Canada par exemple, les consultations de télémédecine sont remboursées, ce qui n’est pas encore le cas en France. En revanche, dans notre pays, on a été très en avance lorsqu’en 2010, le décret d’application de la télémédecine est paru. Il ne s’agirait pas que l’on prenne du retard aujourd’hui.

Et vous, pouvez-vous nous parler de la solution de télémédecine développée par H4D ?

Avant toute chose, H4D est une société de service, elle utilise la technologie comme un support. Elle n’est que le lien professionnel que l’on établit entre le patient et le médecin. Les Consult Stations sont de vrais cabinets médicaux dans lesquels entrent les patients. On en installe dans des villages isolés, dans des maisons de retraite, des hôpitaux, et même dans des entreprises. On y accède après avoir pris un rendez-vous auprès de H4D et sur présentation de la carte vitale.

L’utilisateur prend place sur le siège et se retrouve en vidéo-conférence professionnelle avec un médecin, qu’il peut voir sur l’écran en face de lui. Exactement comme lorsqu’il est dans un cabinet, il vous pose les questions habituelles. Il dispose ensuite de toute une instrumentation présente au sein de la cabine pour approfondir son diagnostic (un stéthoscope, un dermatoscope, un brassard à tension, un ceinturomètre, un thermomètre, un électrocardiogramme, du matériel pour les tests visuels et auditifs, une balance, une toise pour calculer l’indice de masse corporelle, voire un fond d’oeil ou un glucomètre en option). Le patient utilise tous ces outils sur les instructions du médecin.

Franck Baudino : « Il ne faut pas confondre e-santé et télémédecine »

Crédit H4D

Aujourd’hui, où en êtes-vous de la commercialisation de ces cabines ?

Cela se passe extrêmement bien. Nous installons des cabines de télémédecine en France, mais aussi beaucoup à l’étranger, comme l’Amérique du Nord, l’Australie, le Chili et l’Europe. Une fois qu’on a expliqué aux patients qu’on n’était pas là pour remplacer leur médecin mais pour travailler avec lui ; une fois qu’on a expliqué au médecin que toutes les fois où il voudra exercer, le système ne sera pas ouvert, et que s’il est ouvert, il recevra un compte-rendu, et bien cette technologie ne pose pas de problème. Aujourd’hui, on a 98.2% de taux de satisfaction de la part des patients et des médecins réunis.

Face à l’explosion des produits d’e-santé, comment voyez-vous l’avenir de la relation entre le digital et le médical ?

Il ne faut pas mélanger l’e-santé, qui a trait au bien-être, avec la télémédecine. On n’est pas dans le même cadre juridique ni réglementaire. Nous, nous faisons de la médecine, c’est-à-dire que toutes les questions comme la sécurité des données, la traçabilité, la reconnaissance du patient et du médecin, c’est notre ADN. Nous n’aurions pas le droit d’exercer si tout ça n’était pas assuré de facto .

Je crois énormément au digital au service de la médecine. Mais ça ne progressera pas si on n’est pas à l’écoute de ce que souhaitent les patients, c’est-à-dire être soignés. Il va être fondamental de bien poser des règles de bonne conduite afin d’établir la confiance.


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